I.3.2- La conjonction que et le subjonctif
La langue recourt au subjonctif présent soutenu par le
morphème que lorsque l'injonction s'adresse à quelqu'un
extérieur à l'échange. Dans cette perspective, Soutet
(1989 :78) souligne que
s'il est vrai que "que" dans cet emploi, est
doté d'une forte valeur positivante, on peut considérer que,
support du subjonctif, il tend à réduire la virtualité
inhérente à ce mode, excessive pour l'expression de l'ordre, qui,
par nature, vise l'actualisation du procès qu'il
décrit.
Dans ces conditions, lorsque le subjonctif est employé
pour exprimer l'injonction, on assiste à l'actualisation d'un fait. Soit
les exemples suivants :
(50) Qu'il vienne dit le czar. (p.34)
(51) Qu'on attelle rapidement. (p.99)
(52) Que cette femme reste ! (p.234)
Le subjonctif dans ces occurrences dénote la
volonté des locuteurs de provoquer une action. Il déroge ainsi
à la règle qui veut que le subjonctif, comme l'estiment Wagner et
Pinchon (1991 :343), soit employé toutes les fois que
dans un énoncé la prise en considération d'un fait,
l'interprétation d'un fait l'emportent sur l'actualisation de ce
fait. Le subjonctif aurait donc plusieurs valeurs qui ne seraient
interprétables qu'en fonction du contexte d'emploi. Par ailleurs, les
locuteurs n'ont pas toujours recours à un temps verbal particulier pour
donner des ordres, il ne suffit parfois que d'utiliser des mots-phrases.
I.3.3- Les mots-phrases
Les locuteurs dans Michel Strogoff n'ont souvent
besoin que de quelques mots pour donner des ordres à leurs
interlocuteurs. Pour ce faire, ils s'expriment à l'aide de mots ou
termes qui sont assez significatifs et renvoient à l'injonction. Cela
est démontré par les exemples suivants :
(53) Ah, messieurs en avant ! s'écria
Michel Strogoff. (p.117)
(54) Les chevaux, et à l'instant ! dit
alors celui-ci. (p.113)
(55) Silence, se hâta de répondre Michel
Strogoff, en mettant un doigt sur ses lèvres. (p.148)
Les groupes de mots en avant, à l'instant,
silence, traduisent sans doute une grande volonté des locuteurs de
faire réagir les interlocuteurs.
Après l'étude de l'acte injonctif, on constate,
d'une façon générale, qu'il ne peut s'accomplir sans la
présence d'au moins deux interlocuteurs puisqu'il vise surtout à
faire réagir celui à qui est destiné l'ordre.
On s'aperçoit que les modalités
énonciatives spécifient le type de communication qui s'instaure
entre un locuteur et son interlocuteur. L'acte interrogatif est une
interpellation en direction d'un interlocuteur dont on sollicite le point de
vue. L'injonction correspond à une demande de faire. L'acte assertif,
quant à lui, est certes un moyen pour le locuteur de présenter
comme vrai une information, toutefois il vise surtout à convaincre
l'autre de la véracité de ce qu'on affirme. Il semble donc
difficile au regard du fonctionnement des modalités énonciatives
de les considérer comme des procédés de modalisation car
leur emploi indique surtout une relation entre deux sujets. Cela étant,
peut-on dire, qu'elles jouent presque le même rôle que les
modalités d'énoncé?
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