I.1- L'assertion
L'assertion implique un jugement sur la valeur de
vérité du contenu de l'énoncé. Soutet
(1989 :76) ajoute que ce contenu est donné comme vrai par
son énonciateur, c'est-à-dire adéquat au
référent qu'elle [la phrase assertive] vise à
décrire. Le locuteur donne alors une information, formule un
jugement sur quelqu'un ou sur quelque chose en les présentant comme
certain. Cette information est soumise à l'appréciation du
récepteur qui peut la juger vraie, fausse ou ni vraie ni fausse.
L'assertion s'exprime à l'aide de la phrase de type déclaratif
qui peut être affirmative ou négative. L'énoncé
assertif dépend, par ailleurs, de deux principaux facteurs : le
mode verbal et l'ordre des constituants de la phrase.
I.1.1- Le mode verbal
Le mode (c'est-à-dire la « manière
d'être ») concerne l'existence du procès, et
répond à la question de savoir si le procès s'inscrit dans
la réalité ou bien dans la pensée seulement. Guillaume
(1946-47), à l'aide de la psychomécanique explique bien le
fonctionnement du mode verbal en français. D'après cet auteur, il
faut à la pensée du temps si peu que se soit pour agir en
elle-même et sur elle-même. La langue étant un
système, Guillaume estime qu'on devra distinguer le temps qui a servi
à sa construction, temps historique, et un autre temps qui est le temps
nécessaire à une opération de pensée, temps
réel pendant lequel la pensée reconstruit en elle l'image
temps : c'est le temps opératif. Celui-ci peut être
représenté par un axe longitudinal qui porte une
opération : la chronogenèse. Elle est un vecteur permettant
de schématiser le système verbo-temporel et sur lequel seront
portées des coupes que la pensée a effectuées dans la
chronogenèse. Ces coupes sont appelées chronothèses et
correspondent chacune à un mode différent. Guillaume
(1946-47 :21) définit à cet effet le mode de la façon
suivante : une forme qui sert à dater les chronothèses
dans la chronogenèse. Chaque chronothèse porte dans la langue sa
date en chronogenèse et cette date c'est le mode auquel appartient la
forme verbale.
C'est dire que chez Guillaume (1946-47), la chronothèse
est une systématisation du temps et elle est d'autant plus
achevée que la chronogenèse sera plus tardivement obtenue. Ainsi,
en français, la chronothèse initiale est exprimée par le
mode quasi-nominal (infinitif et participe), la chronothèse
médiale correspond au mode in fieri (subjonctif) et la
chronothèse finale est exprimée par le mode in esse (indicatif).
Puisqu'il permet au locuteur de s'engager en présentant comme certain ce
qu'il dit, l'indicatif apparaît comme le mode par excellence du jugement,
de l'assertion (affirmative ou négative). A ce propos, Wagner et Pinchon
(1991 :362) soutiennent que l'indicatif
est apte en conséquence, à actualiser
un procès et à le situer dans une époque distincte. Cette
propriété qui manque aux autres modes a fait dire justement
à certains grammairiens que l'indicatif est le mode au moyen duquel on
pose le procès.
Autrement dit, l'indicatif est le mode exclusif de l'assertion
puisqu'il présente le procès comme réel et certain. A cet
effet, toutes les occurrences de la modalité assertive relevées
dans notre corpus sont à l'indicatif, voici du reste quelques
exemples :
(16) Oui, sire, nos dépêches leur
parviennent, et nous avons la certitude, à l'heure
qu'il est que les Tartares ne se sont pas
avancés au-delà de l'Irtyche et de L'Obi. (p.16)
(17) Rien n'est plus vrai, monsieur Blount, ces
mesures m'étaient également connues, et croyez bien que
mon aimable cousine en saura dès demain quelque chose.
(p.21)
(18) Nous le démasquerons, grâce
à toi, qui le connais, et je le ferai mourir sous le
knout. (p.324)
Tous ces énoncés sont à
l'indicatif et expriment une idée ou un fait pleinement
actualisés. L'impression de vérité qui se dégage de
ces énoncés est renforcée en (16) et (17) par l'emploi des
groupes de mots avons la certitude et rien n'est plus vrai
qui dénotent la véracité des propos des locuteurs. Il
convient de souligner que l'indicatif n'exprime véritablement la
modalité assertive que si les constituants de l'énoncé
sont soumis à un ordre particulier.
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