CHAPITRE DEUXIÈME :
LES MODALITÉS ÉNONCIATIVES :
PROCÉDÉS DE MODALISATION OU MARQUES DE LA COMMUNICATION
INTERSUBJECTIVE ?
Les modalités énonciatives peuvent être
entendues comme l'interrelation établie par l'énonciation entre
locuteur et allocutaire. Ces modalités sont au centre d'une vive
controverse parmi les linguistes. En effet, certains (Mercier-Leca 1998, Vion
2001...) soutiennent que les modalités énonciatives n'ont pour
rôle que de spécifier le type de communication qui s'instaure
entre le locuteur et son auditeur. D'autres linguistes au rang desquels
Charaudeau (1992) affirment que les modalités énonciatives sont
bel et bien des procédés de modalisation. S'agissant justement de
Charaudeau (1992), il pense que parler de modalités énonciatives
revient à parler de modalisation. Voici, du reste, ce qu'il écrit
(1992 :574) à propos de la modalisation :
la modalisation se compose d'un certain nombre
d'actes énonciatifs de base qui correspondent à une position
particulière -et donc à un comportement particulier- du locuteur
dans son acte de locution. Ces actes de base seront appelés : Actes
locutifs, et les spécifications de ces actes
(sous-catégories) : Modalités
énonciatives.
Selon Charaudeau (1992), les modalités
énonciatives seraient donc des actes énonciatifs permettant
à un locuteur de porter un jugement sur son propre énoncé.
Face à cette diversité d'opinions, on se demande quel est en fait
le fonctionnement, la valeur des modalités énonciatives ;
ces modalités peuvent-elles être analysées dans
Michel Strogoff en tant que procédés de
modalisation ? Y a-t-il une confusion possible entre les modalités
énonciatives et les modalités d'énoncé dans la
mesure où ces deux types de modalités sont souvent pris l'un pour
l'autre? La tentative de réponse à ces questions sera
menée en deux étapes. Il s'agira tout d'abord de présenter
les critères formels permettant de distinguer les modalités
énonciatives les unes des autres. Nous établirons ensuite les
similarités et les dissemblances qui existent entre les modalités
énonciatives et les modalités d'énoncé.
I- LA STRUCTURE ET LE FONCTIONNEMENT DES
MODALITÉS ÉNONCIATIVES
D'un point de vue énonciatif, la structure d'une
phrase donnée est associée à l'un des trois actes de
langage suivants : constater (asserter), questionner, ordonner. On
distingue alors trois types de phrases fondamentaux : les types assertif
(déclaratif), interrogatif, injonctif. A ces derniers types, certains
auteurs, à l'instar de Maingueneau (1999), ajoutent un
quatrième : le type exclamatif. Cependant, la phrase exclamative ne
comporte pas de caractéristiques syntaxiques et morphologiques
permettant de la distinguer nettement des trois autres types. C'est pourquoi
nous estimons comme Tomassone (1996 :123) que l'exclamation ne
constitue pas [...] un acte de langage, qui implique une relation
particulière entre le locuteur et le destinataire.
Ce faisant, c'est à l'aide des modalités
assertive, interrogative et injonctive que nous tenterons de voir si les
modalités énonciatives constituent des procédés de
modalisation ou des marques de la communication intersubjective. Nous avons,
à cet effet, relevé les occurrences des différents types
de phrase dans notre corpus.
Modalités énonciatives
|
Occurrences
|
Pourcentages
|
Assertion
|
212
|
26,93%
|
Interrogation
|
450
|
57,17%
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Injonction
|
125
|
15,88%
|
Total des occurrences des modalités
énonciatives: 787
|
Ce tableau donne un aperçu des
modalités énonciatives employées dans notre corpus.
L'interrogation est la modalité la plus usitée. L'assertion et
l'injonction n'ont qu'une fréquence moyenne. Voyons à
présent comment ces modalités sont concrètement
utilisées dans Michel Strogoff.
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