L'effet normatif des conventionspar Dany MARIGNALE Université Paris XII - Master 2 recherche en droit privé 2007 |
A) Une modification de l'ordonnancement juridique pour les parties.21. Le pouvoir normatif de la volonté. Lorsque aucun lien contractuel ne lie les individus entre eux les relations qu'ils entretiennent sont régies par la loi lato sensu, qui fixe tant la mesure de leurs droits et devoirs que la procédure à suivre pour leur mise en application. Si « la liberté consiste à faire tout ce que les lois permettent »159(*), la convention s'inscrit au nombre des moyens par lesquelles les parties sont en mesure de restreindre leur propre liberté. L'autonomie de la volonté se conjugue avec la liberté contractuelle pour être au coeur de l'effet ainsi produit : on admet que les parties puissent créer leur propre règle parce que la volonté libre et éclairée apparaît meilleur juge dans l'évaluation des intérêts individuels, et donc la plus à même de les restituer160(*). Les parties s'en trouvent investies du pouvoir de créer des normes, normes auxquelles l'article 1134 alinéa 1er accorde force de loi. Elles sont mises en mesure de créer des règles juridiques en un mot, du Droit. Le parallélisme des formes commande que la dissolution de cette norme et son extraction de l'ordonnancement juridique procède également d'un consentement mutuel161(*). En vertu des dispositions de la convention, les parties se trouvent assujetties non seulement à la norme générale et abstraite posée pour tous les justiciables et qui a pour fonction d'établir les conditions de la régularité de leur comportement, mais également à l'observation de la norme bilatérale, particulière et concrète qui s'y superpose dans ce rôle. L'accord de volontés emporte substitution au cadre de liberté dans lequel les parties évoluaient, un cadre juridique qu'elles estiment plus adapté162(*) à la poursuite de leurs objectifs. La convention a pour effet principal la création d'une sphère juridique dans lesquelles les parties évolueront et qui leur sera exclusive. Le droit de la copropriété163(*) des immeubles bâtis et plus précisément le règlement de copropriété illustre l'une des applications de la normativité des conventions. Les copropriétaires sont admis à créer par un accord de volontés - et s'en trouvent par la même soumis à - un droit qui posera l'ensemble des règles applicables à l'exercice commun de la propriété sur l'immeuble. De même, les parties à une convention cadre, bornent la liberté contractuelle que la loi générale et abstraite leur consacre en définissant un régime dont l'application s'imposera à l'avenir de leurs relations contractuelles. L'exclusivité de leurs relations commerciales, les conditions générales d'approvisionnement et même la fixation du prix de vente des marchandises, ne seront plus l'objet d'un accord de volontés renouvelées pour chaque contrat d'application mais la résultante du droit applicable à la sphère juridique façonnée par l'accord de volonté initial. La conclusion d'un contrat de société souffre les mêmes observations. La norme crée par cette convention emportera la création d'une personne morale. Les parties à la convention se trouvent de ce fait soumises à un nouveau rapport de droit qui emportera l'application d'un régime juridique différent de celui dans lequel elles se trouveraient envisagées isolément ou encore dans des liens contractuels annexes audit contrat de société164(*). Elles se trouvent tenues d'observer un certain comportement dont le standard - certes, en partie seulement, en ce qui concerne ce dernier exemple - est posé par leurs volontés165(*). En affirmant que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, l'article 1134 alinéa 1er invite à faire entrer la convention légalement formée dans l'ordonnancement juridique des parties, l'acte juridique s'inscrivant au nombre des règles de droit qui leur sont applicables. Le droit se saisit de l'accord de volontés pour en consacrer la validité et admettre ainsi qu'il emporte modification de l'ordonnancement juridique des parties. En cela, la convention constitue également un « fait social opposable, comme tel à tous »166(*). * 159 Montesquieu, De l'esprit des lois * 160 Les individus peuvent donc être « les propres régulateurs de leurs intérêts réciproques » E.GOUNOT, La liberté des contrats et ses justes limites : semaines sociales de France, 1938, p. 321. * 161 Les autres possibilités de révoquer la convention procèdent soit de la convention elle même (clauses résolutoires, clauses de résiliation dans les contrats successifs, clauses de dédit...) et par la même du consentement mutuel, soit de la prohibition des engagements perpétuels en droit français qui commande la possibilité de révoquer unilatéralement les contrats à durée indéterminée soit de problèmes liés à l'exécution (exception d'inexécution). La résolution judiciaire se pose davantage comme une procédure destinée à prévenir les risques d'arbitraires dans l'exercice de cette dernière faculté dont dispose le contractant de révoquer unilatéralement le lien contractuel dans les contrats synallagmatiques pour le cas où on pourrait relever à l'endroit de l'autre partie des manquements graves à la règle de droit posée par la convention. * 162 Assimilation à la loi d'autant plus manifeste à la comparaison du contrat juridique avec le contrat social qui repose sur la même nécessité d'un mal nécessaire : concéder le droit à une liberté absolue en nourrissant l'espoir de faire ainsi naître une structure à même de favoriser la réalisation des objectifs de l'individu. * 163 « Modalité de la propriété dans laquelle le droit de propriété sur une même chose appartient à plusieurs personnes dont chacune est investie privativement d'une quote-part (égale ou inégale) accompagnée, sur le tout, en concurrence avec les autres copropriétaires, de certains droits (droit d'usage, pouvoir de gestion au moins à titre conservatoire). * 164 Les pactes extrastatutaires par exemple emportent création d'un rapport de droit exclusif aux parties contractantes et indépendantes des statuts. * 165 Les parties sont libres du choix de la forme de la société qu'elles souhaitent constituer leur volonté joue donc un rôle dans une moindre mesure. * 166 J .GHESTIN, C.JAMIN, M.BILLIAU, Traité de droit civil, les effets du contrat, préc. n°4 p.8 |
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