1.1.2.1.2- Hypothèse d'hostilité au risque
des offreurs
Sous l'hypothèse que tous les offreurs sont
risquophobes, l'équivalence du prix escompté n'est plus
vérifiée. Cela peut, en effet, se comprendre intuitivement. Dans
les procédures au second prix, la stratégie optimale consiste
toujours à annoncer son vrai coût, que les entreprises soient
neutres ou non. En revanche, dans l'appel d'offres au premier prix, l'arbitrage
entre la maximisation du profit quand on gagne et celle de la
probabilité se gagner se modifie de telle sorte que le « mark
up » est réduit pour accroître celle-ci. Le prix
proposé lorsque tous les offreurs sont hostiles au risque est donc plus
bas que le prix proposé en cas de neutralité. Il en
résulte que le prix du vainqueur est plus bas en moyenne que celui du
vainqueur de l'appel d'offres au second prix, qui est égal au prix en
cas de neutralité. Dès lors, si l'acheteur ignore si les offreurs
sont tous neutres ou tous hostiles au risque, il a intérêt
à choisir l'appel d'offres au premier prix qui lui donne un
résultat équivalent ou meilleur.
Lorsque tous les offreurs sont caractérisés par
la même attitude vis-à-vis du risque, le « mark
up » décroît quand le degré d'aversion augmente.
Par suite, l'offre de chaque agent diminue et par conséquent
l'espérance mathématique du prix d'achat : plus les offreurs
sont risquophobes, plus le prix payé par l'administration est bas. Ce
facteur est d'autant plus important que les entreprises concernées
dépendent des marchés publics pour une part importante de leur
chiffre d'affaire.
1.1.2.2- Comparaison dans un cadre asymétrique
L'hypothèse de symétrie adoptée jusqu'ici
implique que l'ensemble des fournisseurs soit homogène tant en ce qui
concerne la répartition des coûts a priori que l'attitude
vis-à-vis du risque. Or
l'hétérogénéité des agents est
fréquente. Pour ce qui est des coûts, la disparité des
coûts d'opportunité, le recours à des techniques de
production différentes, la localisation ou la taille des entreprises des
facteurs susceptibles d'engendrer des disparités a priori des croyances
sur les coûts. Ces facteurs sont également susceptibles de
conduire à des attitudes différentes vis-à-vis du risque,
les entreprises ayant peu de commandes faisant preuve, par exemple, de plus
d'aversion vis-à-vis du risque que celles dont les capacités sont
saturées. Que deviennent alors les stratégies mises en
évidence lorsque les entreprises sont a priori
hétérogènes ?
En ce qui concerne les asymétries de coûts,
Griesmer et al. (1967), Maskin et Riley (1986), Benilan et al. (1996) ont mis
en évidence un ensemble de résultats complexes. D'une part, le
théorème d'équivalence du prix escompté est
invalidé. D'autre part, le système d'équations
différentielles caractérisant les stratégies optimales n'a
pas de solution analytique générale. Des solutions
particulières peuvent être obtenues dans des contextes
spécifiques (duopole, groupe d'agents homogènes, lois
particulières). Elles montrent que les stratégies optimales en
asymétrie dans l'appel d'offres au premier prix sont
conditionnées par les relations entre les lois de probabilité
(dominance stochastique) et qu'il est impossible de définir une
règle simple à portée générale. Les
stratégies sont ainsi plus (respectivement moins) agressives que dans le
cas symétrique selon que les entreprises appartiennent a priori au
groupe le moins (respectivement le plus) performant : un « mark
up » dû à l'asymétrie, traduit cette modification
des stratégies mais varie suivant la nature de l'asymétrie.
Pour la différenciation de l'attitude vis-à-vis
du risque, les travaux de Cox et al. (1982) et de Mougeot et Naegelen (1991)
ont révélé les effets similaires : absence de
solution analytiques générale des équations
différentielles, invalidation du théorème
d'équivalence du coût, différenciation des
stratégies selon le degré d'aversion vis-à-vis du risque.
L'hétérogénéité des offreurs limite donc le
résultat précédent lorsque des agents différents
sont traités de la même manière. L'acheteur peut cependant
exploiter cette hétérogénéité à son
avantage en adaptant la règle d'attribution.
En outre, Eklöf (2003) a mis en
évidence les coûts sociaux liés à une allocation
inefficace des marchés à travers la procédure d'appel
d'offres au premier prix en présence d'agents asymétriques. Cette
asymétrie implique que l'appel d'offres au premier prix est à la
base de la sélection adverse observée lors de la passation. Selon
cet auteur, cette procédure est inefficace et entraîne des
coûts sociaux non négligeables. Il recommande donc, à
l'acheteur, le recours à l'enchère au second prix qui demeure
efficace en pareille circonstance.
Après que la présente section ait mis en
évidence l'efficacité relative de la mise en concurrence, de la
négociation et différentes procédures d'appel d'offres, il
s'avère important d'analyser le phénomène de la collusion
dont la récurrence dans les marchés publics est
indéniable.
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