Paragraphe II
Codification des pratiques et coutumes
Nombreuses ont été les pratiques et coutumes que
la nouvelle Constitution sénégalaise a codifiées. Parmi
ces pratiques, nous pouvons retenir à titre principal le Conseil des
ministres, qui n'avait pas de trace formelle et apparaissait plutôt comme
une institution coutumière, ainsi que la pratique relative à la
déclaration de la politique générale.
Relativement au Conseil des ministres, il convient de noter
que la nouvelle Constitution sénégalaise en vigueur depuis le 22
janvier 2001 en fait mention dans son article 42. Cet article précise,
au surplus, que « le Président de la République
(...) préside le Conseil des ministres ».
Quant à la déclaration de la politique
générale, elle était une pratique non écrite qui
incombait aux Premiers ministres une fois nommés et leur Gouvernement
formé. Cette déclaration reste très certainement l'apanage
du chef de Gouvernement consacré non plus par la pratique
coutumière, mais par la Constitution. En effet, celle-ci prévoit
en son article 55 que « après sa nomination, le Premier
Ministre fait sa déclaration de politique générale devant
l'Assemblée nationale. Cette déclaration est suivie d'un
débat qui peut, à la demande du Premier Ministre, donner lieu
à un vote de confiance ». Deux conséquences
peuvent être tirées à la lecture de cette disposition. La
première tient à la forme, justifiée par l'écriture
constitutionnelle, qui fait de la déclaration de la politique
générale une obligation qui pèse sur le Premier Ministre.
La seconde, qui se fonde sur le pronom possessif
« sa », est que la politique
générale est stricto sensu l'oeuvre du chef de
Gouvernement qui la prépare, l'élabore et la présente
enfin devant l'Assemblée nationale.
Une troisième conséquence, qui pourrait en
être tirée et qui cependant reste fortement liée à
la seconde, tient au silence observé par la Constitution quant au moment
de présentation de la politique générale devant la chambre
des représentants. En l'absence d'un texte, on remarquera ainsi que
c'est ici situation qui relève de la compétence
discrétionnaire de l'Exécutif. C'est donc une faculté de
choix du moment laissée par la Constitution au Premier ministre.
En définitive, cette codification des pratiques et
coutumes présente un intérêt certain, celui de donner une
valeur constitutionnelle à des pratiques qui ne tiraient leur
légalité que de la seule coutume ; celle-ci n'ayant pas,
comme c'est généralement le cas sur la scène
internationale, valeur obligatoire. Et ce serait, tout au moins, pour
prévenir d'éventuelles contestations de ces pratiques ou, mieux
-- ce qui est plus patent étant donné que ces pratiques et
coutumes auraient pu être codifiées par d'autres textes que la
Constitution -- pour leur donner une valeur constitutionnelle que le
Constituant de 2001 a choisi de procéder à leur codification. Ce
souci du Constituant d'élever au rang constitutionnel un certain nombre
de normes est le même que celui qui l'a déterminé à
régler au sein même de la Constitution des conflits juridico
politiques (voir infra).
Quoi qu'il en soit, les responsables dirigeants post
alternance ont indéniablement réalisé un changement de
Constitution avec de nombreuses innovations. Mais la question que peut
dès lors se poser est la suivante : ces innovations
réalisées dans le cadre de la nouvelle Constitution
sénégalaise, celle de 2001, sont-elles de nature à
justifier une éventuelle thèse de rupture
constitutionnelle ? La révision de 2001 n'ayant pas, pour
l'essentiel, modifié les fondements du régime constitutionnel
(les régimes du Parlement et du Pouvoir judiciaire, la primauté
présidentielle), c'est par la négative qu'il sied d'y
répondre. En outre, une lecture comparée de la Constitution en
vigueur et de sa devancière permet d'observer une similitude entre
divers principes et règles fondamentaux qu'elles dégagent toutes
les deux, ce qui témoigne donc d'une continuité
constitutionnelle.
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