Révision de la Constitution sénégalaise de 2001( Télécharger le fichier original )par Mahmoud Khamal Dine BAYOR Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maîtrise de Droit des Relations Internationales 2007 |
Section 2Restauration des acquis démocratiques et codification des coutumesLa deuxième gamme de raisons qui expliquent l'élargissement du contenu formel de la Constitution de 2001, ou qui mettent en évidence les innovations réalisées par le Constituant de la période post-alternance, montre qu'il y a eu des opérations d'intégration et de réintégration, dans la nouvelle Constitution, d'un certain nombre de données. Réintégration d'abord, parce qu'il y a eu une volonté manifeste du Constituant de replacer dans le dispositif constitutionnel nouveau des règles qui, à l'origine, avaient fait partie de la Constitution de1963 avant de faire l'objet de suppression. Intégration ensuite, parce que la nouvelle Constitution contient aujourd'hui un certain nombre de règles nouvellement portées au constitutionnel. Pourquoi une telle opération juridique ? Les raisons en sont nombreuses. Mais une seule chose reste inébranlable : par le biais des réintégrations, se réalise la restauration des acquis démocratiques (Paragraphe I) ; tandis que la seconde opération consacre la codification des coutumes et pratiques (Paragraphe II).
Paragraphe IRestauration des acquis démocratiquesLa révision constitutionnelle intervenue au Sénégal au lendemain de l'alternance du mars 2000 réintègre dans la sphère constitutionnelle de nombreuses règles autrefois contenues dans la Constitution 1963, mais que des modifications intempestives réalisées sous le régime socialiste ont progressivement supprimées. De telles règles ont pu être qualifiées d'acquis démocratiques parce qu'elles participent au processus démocratique ; et leur respect par les citoyens témoigne du degré de démocratisation atteint par la société qui les a produites. Ainsi, la Constitution de 2001 s'intéresse-t-elle à certaines règles relatives à l'institutionnalisation du Président de la République. On peut à ce propos retenir, à titre principal, le principe de limitation du nombre de mandats et, secondairement, la règle des quarts votants. S'agissant de la limitation du nombre de mandats, il convient de saluer la réintégration dans la Constitution de 2001 du principe de la limitation, à deux, du nombre de mandats que le Président peut briguer. Certes, on pourrait dire, à raison d'ailleurs, qu'une telle limitation n'est pas une invention ou une nouveauté dans la pratique constitutionnelle sénégalaise ; car, cette limitation fut, avant d'être supprimée pour permettre au Président de la République d'exécuter pleinement le programma pour lequel il a été élu15(*), d'abord consacrée dans la Constitution de 1963. C'est pour cela que la nouvelle Constitution ne se limite pas à l'affirmation d'une telle limitation. L'innovation qu'elle réalise n'est remarquable sur ce point qu'au regard de l'intangibilité qui est, du reste, attachée à la clause limitative du nombre de mandats, en vertu de laquelle, elle ne peut désormais faire l'objet d'une révision que par la voie référendaire. Un tel principe -- désormais très difficilement révisable, du fait que le référendum rend rigides les dispositions qui ne sont modifiables qu'après consultation du peuple -- est consacré par l'article 27 de la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 qui dispose expressément : « la durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ». Le quart bloquant est une disposition constitutionnelle qui conditionne l'élection du Président de la République au premier tour à l'obtention d'une majorité absolue des suffrages représentant au moins le quart des inscrits. Cette clause de représentativité, que le Constituant de 2001 a décidé de réintroduire par le biais de l'article 33, avait été supprimée en 1998 au motif que « le vote n'étant pas obligatoire, les électeurs inscrits ne cessant de croître, il est évident que le franchissement du seuil de 25% devient aléatoire pour tout candidat. [...]16(*). Mais, si pendant toute la durée du premier mandat des libéraux l'on a pu prétendre considérer une telle clause comme un acquis démocratique en passe d'être élevé au rang des normes rigides, les réalités politiques -- qui, autrefois, avaient servi de justificatif à la suppression de cette clause -- ont conduit le parti au pouvoir et soucieux de s'y maintenir à faire voter la modification constitutionnelle qui visait la suppression du quart bloquant. C'est ici une situation que résume très bien le professeur FALL lorsqu'il écrit dans son ouvrage, Evolution Constitutionnelle du Sénégal, que « cette clause se présente comme une étoile filante dans le ciel constitutionnel sénégalais qui va et revient au fil de l'histoire politique du pays ». En effet, la clause supplémentaire de représentativité contenue dans l'article 28 de la Constitution de 1963, qui prévoyait que « nul n'est élu au premier tour du scrutin s'il n'a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés représentant au moins le tiers des électeurs inscrits », fut supprimée 17(*) en 1983 -- après la première élection de Abdou DIOUF à la présidence de la République -- pour être réintroduite abaissée du tiers au quart par la loi constitutionnelle n°91-46 du 6 octobre 1991 portant révision de la Constitution. Mais, de nouveau en 199818(*), cette clause supplémentaire fut supprimée, permettant ainsi au Constituant de 2001 de « réhabiliter cette noble cause qui vise à doter le Président d'une assise populaire »19(*). Il convient toutefois de préciser que si la suppression de cette clause vise à faciliter l'élection au premier tour du Président de la République, seuls les Présidents DIOUF et WADE s'en sont jusqu'ici servi à cette fin ; le Président SENGHOR ayant été élu en 1963, 1968, 1973 et 1978 sur la base de la double condition posée par la Constitution : la majorité absolue représentant le tiers des inscrits. L'on retiendra que la révision constitutionnelle du 3 novembre 2006, qui intervient à la veille de la présidentielle et supprime le quart votant, aura rendu de courte durée la restauration de la clause démocratique de représentativité réintroduite par le Constituant de 2001. Ce dernier reste néanmoins celui qui aura porté au rang de normes constitutionnelles un certain nombre de pratiques. * 15 C'est une idée autrefois émise par le Président Senghor pour justifier la suppression du principe de limitation du nombre de mandats présidentiels. * 16 Le Président du groupe parlementaire socialiste entendait ainsi motiver, à travers cette déclaration, la suppression du quart bloquant. * 17 Loi constitutionnelle n°83-55 du 1er mai 1983. * 18 Loi n°98-43 du 10 octobre 1998 portant révision des articles 21 et 28 de la Constitution. * 19 FALL (M. I.), opcit, pp.144. |
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