3. Les matières relevant de la
compétence exclusive des juridictions étatiques
- L'arbitrage international est seulement prohibé si la
matière porte sur le contentieux ayant un caractère objectif et
si les intérêts du tiers sont en jeu54(*). Le droit pénal en est,
a priori, le meilleur exemple, puisqu'un arbitre n'a pas le pouvoir de
prononcer une sanction pénale. En effet, le monopole étatique de
la justice pénale se concilie mal avec l'idée d'une soumission
à un juge privé d'un litige de cet ordre 55(*). Cependant, le problème
se pose dans le cas où la règle « le criminel tient le
civil en l'état » est en cause. Cette règle s'applique
à l'arbitre interne. Sa mise en oeuvre en droit international est plus
incertaine, et ainsi, on voudrait savoir si l'arbitre international a
l'obligation de se surseoir à statuer dans l'attente de la
décision à intervenir sur l'action publique. Le droit
français positif n'impose pas une telle obligation à l'arbitre
et il laisse l'arbitre apprécier librement l'opportunité de
surseoir puis que, selon la cour d'appel de Paris, la règle
« le criminel tient le civil en l'état »
était sans application pour l'arbitre international, en raison de
l'autonomie de la procédure arbitrale ... dont il lui appartient
d'apprécier l'opportunité56(*).
- En suite, c'est le cas du droit de la concurrence. La question a
été résolue par la cour d'appel de Paris dans
l'arrêt Labinal qui a décidé que « si le
caractère de loi de police de la règle communautaire du droit de
la concurrence interdit aux arbitres de prononcer des injonctions ou des
amendes, ils peuvent néanmoins tirer les conséquences civiles
d'un comportement civil jugé illicite au regard des règles
d'ordre public pouvant être directement appliquées aux relations
des parties en cause »57(*). La même solution a été retenue
par l'arrêt Aplix en 1993, selon lequel l'arbitre ne peut appliquer que
les règles communautaires qui bénéficient d'un effet
direct plein et en plus la compétence exclusive reconnue sur certaines
questions aux autorités communautaires s'oppose à la
compétence arbitrale sur ce point58(*).
- On peut finir enfin par les matières en droit de la
propriété industrielle et en droit de la procédure
collective ; en matière des brevets et des marques, la solution
traditionnelle consiste à refuser aux arbitres compétence pour se
prononcer sur la validité du titre, leur compétence
s'étendant aux relations contractuelles, y compris celles qui
découleraient de l'annulation prononcée par un juge. En cas de
procédure collective, si elle est ouverte en France organisant la
faillite la compétence reste réservée à la
juridiction étatique. Selon la cour de cassation59(*) le principe de suspension
individuelle des poursuites est d'ordre public interne et
international60(*).
* 54 Jean-Baptiste Racine,
L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p.
91.
* 55 J. Béguin, G.
Bourdeaux, A. Couret, B. Le Bass, D. Mainguy, M. Menjucq, H. Ruiz Fabri, C.
Seraglini, J.M. Sorel, Traité du droit du commerce
international, Litec, 2005. p. 915.
* 56 C.A Paris, 1er
mars 2001 : Rev. Arb. 2001, p. 583, 4e esp., note J.-B.
Racine.
* 57 C.A Paris, 1re
ch. Suppl., 19 mai 1993, Rev. Arb. 1993.645, note C. Jarrosson.
* 58 Jean-Michel Jacquet et
Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz,
Cours, édition 3e, 2002. p. 390.
* 59 Cass. 1re Civ.,
5 févr. 1991 : Rev. Arb. 1991.625, note, L. Idot.
* 60 Jean-Michel Jacquet et
Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz,
Cours, édition 3e, 2002. pp. 390 & 391.
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