§ II. Appréciation des critères de
l'arbitrabilité objective
- La référence par les arrêts récents par les
arbitres de l'arbitrabilité au regard de l'ordre public international
laisse entendre que l'appréciation doit être faite globalement et
non pas par rapport aux conceptions d'un droit déterminé43(*). Certaines matières
sont rendues inarbitrables en raison de leur nature (A) et certaines d'autres
sont inarbitrables par suite d'une violation de l'ordre public (B).
A. Inarbitrabilité par nature de certaines
matières
- Normalement, l'arbitrabilité s'entend d'un litige ou d'une
question de droit impliquée dans un litige en raison de sa nature. On
peut donc en déduire que la non arbitrabilité d'un litige devrait
être impossibilité d'examiner une question, indépendamment
de la solution qu'elle comporte44(*) ou en d'autres termes une sentence rendue serait
nulle non pas en raison de ce que la sentence arbitrale décide mais par
le fait quelle est inarbitrable par nature (ou inarbitrabilité per
se).
- L'inarbitrabilité par nature s'exprime que le litige ne peut
être en raison de sa propre nature examiné par l'arbitre
international quand bien même que la loi applicable à la question
de l'arbitrabilité l'y autoriserait. Il existe beaucoup de
matières qui sont inarbitrables par nature. Mais, la notion de
l'inarbitrabilité per se est principalement et
particulièrement liée à la notion des droits
extrapatrimoniaux, à celle de l'ordre public de protection et à
celle de la compétence exclusive des juridictions étatiques,
faisant l'objet des trois points qui suivent :
- 1. Les matières relevant des droits extrapatrimoniaux
-
- Cela correspond à l'application du critère de libre
disponibilité des droits. Ce critère d'arbitrabilité est
très répandu en droit comparé45(*). Parmi les droits qui sont
inarbitrables par nature, les droits extrapatrimoniaux figurent en
première place. Ils relèvent notamment des matières qui
intéressent au plus près l'ordre public international et ils
excluent de manière absolue la compétence arbitrale46(*).
-
- Les matières concernées sont notamment celles de
l'état des personnes et celles du droit moral d'auteur. L'état
des personnes relève de l'ordre public. A ce titre, le droit
extrapatrimonial de la famille et des personnes est exclu de l'arbitrage en
raison de l'indisponibilité des droits. Il faut préciser que
l'article 2060 c.civ. dispose qu' « on ne peut compromettre sur les
questions d'état et de capacité des personnes, sur celles
relatives au divorce et à la séparation de corps ».
D'un autre point de vue, il ne faut pas oublier que l'arbitrage international
est celui qui « met en cause les intérêts du commerce
international » ; en d'autres termes, ce qui est international
doit être nécessairement de nature patrimonial. Ainsi, l'exclusion
des matières extrapatrimoniales peut se justifier. Toutefois, il nous
reste les questions des droits partiellement disponibles47(*). Il s'agit des droits
liés à l'état des personnes qui sont susceptibles
d'être appréciés en argent. Dans ce cas, le recours
à l'arbitrage peut être autorisé, compte tenu du
caractère pécuniaire des litiges.
- En ce qui concerne le droit moral de l'auteur, l'arbitrage doit tout de
même être exclu dans ce domaine. Contrairement aux brevets et aux
marques, la protection de la propriété littéraire et
artistique n'est pas organisée par l'Etat et confiée à une
autorité publique, et il n'existe pas de compétence exclusive des
tribunaux. En fait, l'inarbitrabilité vient du caractère
extrapatrimonial même du droit sur l'oeuvre de l'auteur qui le rend
indisponible. Par contre, le droit patrimonial de l'auteur sur son oeuvre, est
disponible et, partant, est arbitrable. De surcroît, la raison en est que
« le droit d'auteur et les droits voisins comportent dans leur statut
d'importants éléments de l'ordre public de protection ».
C'est pour cela que l'arbitrage international doit être exclu en la
matière.
* 43 Jean-Michel Jacquet et
Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz,
Cours, édition 3e, 2002. p. 389.
* 44 Pierre MAYER,
« Le contrat illicite », Rev. Arb. 1984. p. 213.
* 45 Jean Jean-Baptiste Racine,
L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p.
40.
* 46 J. Béguin, G.
Bourdeaux, A. Couret, B. Le Bass, D. Mainguy, M. Menjucq, H. Ruiz Fabri, C.
Seraglini, J.M. Sorel, Traité du droit du commerce
international, Litec, 2005. p. 912.
* 47 Jean-Baptiste Racine,
L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p.
54.
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