2. Les fondements de l'aptitude à compromettre
L'aptitude à compromettre des personnes morales de
droit public est alors un principe d'ordre public international qui a pour
fondement les dispositions dans les droits étatiques et dans la
jurisprudence arbitrale.
- La question était de savoir si le principe de l'aptitude à
compromettre de l'Etat français n'avait pas un caractère d'ordre
public international. La réponse en est qu'il s'agit d'une règle
de droit français. Mais elle est d'ordre public international,
c'est-à-dire qu'elle évince une loi étrangère
différente, normalement applicable soit comme loi du contrat, soit comme
loi définissant la compétence de l'Etat en cause et se substitue
à elle117(*).
Disons autrement, qu'il s'agit d'un ordre public international propre au
commerce international.
- Selon l'arrêt Galakis, il semble que la règle
consacrée présente bel et bien les caractères d'une
règle d'ordre public international. En plus, on peut trouver une
solution juste aux deux inconvénients déjà
signalés, qui portent sur le problème du respect de la
prohibition d'ordre public interne. Ainsi, cette faculté repose
essentiellement sur le principe de la bonne foi dont l'objectif de la
jurisprudence est de faire prévaloir la valeur de l'engagement de
compromettre au détriment d'une loi nationale prohibitive.
- On précisera sur ce point, à nouveau, qu'en droit
français l'ordre public qui annule la convention d'arbitrage conclue par
une personne publique, a été écarté dans le domaine
de l'arbitrage international. Alors, un autre exemple est celui du droit
suisse. L'article 177 al. 2 LDIP a la même justification qu'en droit
français et que dans la pratique arbitrale : il s'agit des
principes de la bonne foi. En effet, il dispose que « si une partie
à la convention d'arbitrage est un État, une entreprise
dominée ou une organisation contrôlée par lui, cette partie
ne peut invoquer son propre droit pour contester l'arbitrabilité d'un
litige ou sa capacité d'être partie à un
arbitrage. » Il est certain que cette règle suisse
reflète les exigences de l'ordre public international. Cela veut dire
qu'il sert de fondement à une règle matérielle de
validité de la convention d'arbitrage conclue par une personne morale de
droit public. Récemment, une résolution de l'Institut de droit
international proclame : « Un Etat, une entreprise
d'État ou une entité étatique ne peut pas invoquer son
incapacité de conclure une convention d'arbitrage pou refuser de
participer à l'arbitrage auquel il a consenti118(*). »
- Quant à la jurisprudence arbitrale, cette règle d'ordre
public est une partie composante de l'ordre public transnational qui serait le
reflet d'un ordre public propre à la lex mercatoria puisque
selon certains auteurs, la divergence des droits étatiques en la
matière rendrait impossible l'élaboration d'un principe
général de droit. Mais le principe le plus important est toujours
celui de la bonne foi.
- On pourrait citer, à titre d'exemple, la sentence arbitrale de la
CCI n° 5103 de 1988. Cette sentence, sans faire référence
à l'ordre public transnational, s'est fondée sur la bonne foi
pour reconnaître l'aptitude à compromettre d'une personne
publique. Le tribunal arbitral a pu décider qu' « il serait
contraire à la bonne foi qu'une entreprise publique, qui a
dissimulé dans un premiers temps l'existence de telles règles de
droit interne, les invoque ultérieurement, si tel est son
intérêt dans un litige déterminé, pour
dénier la validité d'un engagement qu'elle a souscrit pourtant en
parfaite connaissance de cause. La pratique, la doctrine et la jurisprudence
arbitrale condamne aujourd'hui, de manière quasi-unanime, un tel
comportement. 119(*)»
- Finalement, on arrive à conclure que l'ordre public joue plusieurs
rôles dans les règles matérielles de la convention
d'arbitrage. Il est tout d'abord une limite à la validité de la
convention d'arbitrage et pose ensuite le principe de la validité des
clauses compromissoires conclues par l'Etat. Toutefois, on constate que l'ordre
public a subi une mutation qui l'oblige à se déplacer de la
convention d'arbitrage vers la sentence arbitrale.
* 117 Jean-Baptiste Racine,
L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p.
217.
* 118 Jean-Michel Jacquet et
Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz,
Cours, édition 3e, 2002. p. 397.
* 119 CCI n° 5103 de
1988, Rec., CCI, II, p. 361.
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