B. Fonction et contenu de l'ordre public dans le principe
de validité
1. La fonction de l'ordre public
- A l'issue du principe d'autonomie de la convention d'arbitrage, l'ordre
public joue également un rôle essentiel dans le principe de
validité de ladite convention. En raison de la règle de
l'autonomie, il remplit une fonction originale.
- Au terme de la jurisprudence Dalico, déjà
signalée, aucune loi étrangère n'a vocation à
s'appliquer quelle que soit la question à résoudre. Dans cette
optique, l'unique fonction de l'ordre public est d'annuler la convention
d'arbitrage qui y est contraire. A ce titre, l'ordre public remplit une
fonction impérative, c'est-à-dire un rôle d'éviction
de la volonté des parties, ce qui est logique car il implique
naturellement que la méthode des conflits de lois soit totalement
abandonnée98(*).
- En réalité, l'ordre public international visé dans les
arrêts de la Cour de cassation se distingue à la fois de l'ordre
public au sens du droit international privé et des lois de police d'un
Etat parce que la règle matérielle issue de cet arrêt
exclut toute application d'une loi étrangère. Alors, les concepts
traditionnels d'ordre public d'éviction et de loi de police sont
inutiles99(*).
- En dernier lieu, il est important de souligner la différence entre
l'ordre public interne et l'ordre public international. Par rapport à
leurs objectifs, ils se distinguent dans la mesure où l'ordre public
interne joue un autre rôle qui est de valider la clause-or. Mais, l'ordre
public concerné pourrait éventuellement être l'ordre public
interne puisque sa fonction est d'annuler une convention.
2. Le contenu de l'ordre public
- L'ordre public reçoit un contenu propre dans le domaine particulier
de l'appréciation de la clause d'arbitrage international100(*). Il s'agit d'un ordre public
propre à l'arbitrage international et répond à ses
besoins. Ainsi, s'il n'existe pas de réelle distinction entre la
fonction de l'ordre public interne et celle de l'ordre public international
dans l'arrêt Dalico, le contenu n'est pas la même :
il est plus réduit et aussi plus étendu.
- Il est plus réduit de l'ordre public interne à propos de
l'ordre public impératif qui évince la volonté des
parties. Toute règle impérative dans l'ordre public interne n'est
donc pas d'ordre public dans le domaine international. Il est plus
étendu que le contenu de l'ordre public interne, parce qu'il n'existe
pas d'autres causes de nullité et il constitue la seule et ultime
réserve à la validité de la clause.
- Toutefois, une critique a été faite à ce propos. La
solution française demeure très isolée en droit
comparé. L'argument selon lequel cette solution permet de faire
échapper les clauses d'arbitrage internationales aux particularismes
locaux ne convainc pas. En effet, le régime de la clause varierait, non
plus en fonction des aléas de la détermination de la loi
applicable par le jeu des règles de conflit, mais en fonction de la
juridiction saisie, qui appliquerait systématiquement ses propres
règles matérielles à la convention d'arbitrage101(*).
- La dernière étape est de suivre l'évolution
jurisprudentielle dans l'état du droit positif. La Cour de cassation a
rendu récemment un arrêt le 25 octobre 2005102(*) selon lequel elle affirme
qu' « en application du principe de validité de la convention
d'arbitrage et de son autonomie en matière internationale, la
nullité non plus que l'inexistence du contrat qui la contient ne
l'affectent ». La solution est donc désormais claire et
s'inscrit dans la logique de l'affirmation du principe de validité de la
clause compromissoire internationale par l'arrêt Zanzi103(*).
- Cependant, le problème le plus sensible est l'arbitrabilité
des litiges résidant au premier rang des conditions de validité
de la convention d'arbitrage. Il s'agit normalement des vices du consentement,
de la capacité et du pouvoir de compromettre. On va préciser
à ce point que la jurisprudence a consacré une règle de
nature identique à propos de l'aptitude à compromettre des
personnes morales de droit public104(*).
* 98 Jean-Baptiste Racine,
L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p.
192.
* 99 Jean-Baptiste Racine,
L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p.
193.
* 100 Nicolas
NORD, Ordre public et lois de police en droit international
privé, thèse pour le doctorat en droit, 2003. p.132.
* 101 J. Béguin, G.
Bourdeaux, A. Couret, B. Le Bass, D. Mainguy, M. Menjucq, H. Ruiz Fabri, C.
Seraglini, J.M. Sorel, Traité du droit du commerce
international, Litec, 2005. p. 874.
* 102 Cass. 1re
Civ., Rev. Arb. 2006, note J.-B. Racine, à paraître.
* 103 Thomas Clay,
« Arbitrage et modes alternatifs de règlement des
litiges : panorama 2005 », Recueil Dalloz Sirey, 2005. p. 3052.
* 104 Jean-Baptiste Racine,
L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p.
199.
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