Position
dominante :
L'article 81CE § 1 déclare
« incompatibles avec le marché commun et interdit »
un certain nombre de pratiques d'entreprises dés lors qu'elles
« sont susceptible d'affecter le commerce entre les Etats membres et
(qu'elles) ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de
fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché
commun ».De ces deux conditions,seule le première concerne le
compétence du droit communautaire ; sans incidence à cet
égard, la seconde ne porte que sur la légalité de la
restriction de concurrence. Des lors que le commerce intracommunautaire est
affecté par le comportement des opérateurs économiques, la
compétence du droit communautaire est établie ; mais en
l'exerçant, les autorités et les juridictions chargées de
son application devront vérifier que les pratiques en cause portent
effectivement atteinte à la concurrence sur le territoire de
l'Union : bien que relevant de l'ordre juridique communautaire, elles n'y
seront déclarées illicites qu'à cette condition
(1).
Fondée sur le principe de concurrence non
faussée, mais sans préjudice des autres exigences de l'Union, la
compétence des règles communautaires de concurrence
s'apprécie d'un point de vue matériel, géographique,
spatial et temporel.
· Champ d'application
matériel : Le point le plus important concerne le
champ d'application matériel. En effet, il n'y a plus un régime
de droit commun- celui du régime 17/62- et des régimes
spéciaux. Le règlement 1/2003 a une portée tout à
fait générale et s'applique à tous les secteurs.
L'intégration du secteur « charbon/acier »
est indépendante de la réforme, puisqu'elle découle de
l'expiration du traité CECA et est effective depuis le 23 juillet 2002.
Mais le nouveau texte abroge le règlement 141 du 26 novembre 1962, qui
déclarait le règlement 17/62 inapplicable au secteur des
transports.
(1)-Richard BLASSELLE,
Traité de Droit Européen de la concurrence, Tome I,
page :
En conséquence, les divers
« règlements transports », ont été
modifiés ou, même pour les transports aériens,
abrogé. En dehors d'une actualisation de certaines dispositions de droit
substantiel, les règlement qui subsistent- transports terrestres et
maritimes- ont surtout été vidés de leurs dispositions
procédurales. Le système de notification facultative, que
certains avaient voulu généraliser comme solution
intermédiaire, disparaît, de même que les comités
consultatifs particuliers. En revanche, puisqu'elles relèvent du fond,
sont propres. Cet alignement est bienvenu et permettra d'éviter les
discussions quelque peu stériles quant au champ d'application respectif
des divers règlements apparus dans certains contentieux
récents.
· Champ d'application
géographique : Sur le plan
géographique, les critères d'application des articles 81 et 82
CE, à savoir la localisation de l'effet anticoncurrentiel dans le
marché commun et l'affectation du commerce entre Etats membres, ne sont
pas modifiés puisqu'ils résultent du traité. L'extension
territoriale est uniquement liée au processus d'élargissement et
au passage de 15 à 25 Etats membres. Au demeurant, les accords
d'association antérieurement conclus avec les Etats candidats contenant
déjà des dispositions en matière de concurrence, qui
reprennent les articles 81 et 82 CE, cette extension est surtout formelle et
institutionnelle.
Un seul point posait problème :
l'application des articles 82 et 82 CE aux transports
Aériens entre la communauté et les
Etats tiers pour laquelle la commission ne pouvait
Pour des raisons historiques liées au domaine du
règlement 3975/87/CEE agir sur la base de ce texte, ce qui l'obligeait
à fonder son action sur l'article 85 CE. Ce vide vient d'être
complété par l'adoption du règlement n° 411/2004 du
conseil du 26 février 2004 qui modifie le règlement 1/2003.
La compétence de la commission n'a don plus
d'autres limites géographiques que celles résultant du droit
international.
· Champ d'application
temporel : sur ce plan, le report de l'application du
nouveau dispositif au 1er mai 2004 n'a pas uniquement une
signification politique. Il était nécessaire, non seulement pour
l'adoption des textes d'application, mais également pour la mise en
place du nouveau réseau d'autorités nationales. A cela, s'ajoute
le travail pédagogique indispensable, comme la formation des juges et
des opérateurs...Les difficultés de droit transitoire sont en
fait limitées, du moins pour les procédures menées par la
commission. Les procédures de poursuites n'étant pas
modifiées, il est naturellement prévu que les actes de
procédure accomplis en application des textes actuels continuent
à produire leurs effets .En revanche, conséquence de l'abandon du
système d'autorisation préalable, les demandes d'attestation
négative. Restait le sort des décisions d'exemption en cours. Il
était prévu dans la proposition de règlement que les
décisions cesseraient « d'être valide »
à l'entrée en vigueur du nouveau texte. Cette disposition a
été critiquée, au nom essentiellement de la
sécurité juridique. Finalement, il a été
décidé que les décisions d'exemption continueraient
à produire leurs effets jusqu'à leur expiration (2).
(2)-Laurence IDOT, Droit
communautaire de la concurrence, feduci, 2004, page : 8
La notion d'entreprise est au coeur du problème que
pose la compétence personnelle du droit communautaire de la concurrence.
Elle regroupe en effet l'ensemble des sujets de droit directement
concernés par les textes pertinents des traités, notamment les
articles 81 et 82 CE. Or les Etats membres n'en donnent pas tous la même
définition, de sorte qu'il est nécessaire de le faire
(I), Dans le cadre de la notion commune, ainsi
dégagée,il conviendra,en second lieu, de définir les
ententes ainsi la position dominante (II) .
I- le sujet d'entente et l'abus de position
dominante :
Les règles relatives aux
ententes, aux position dominante, visent en premier chef les entreprises, il
convient donc de définir cette position (A). En
revanche le droit communautaire peut trouver vacation à s'appliquer sur
des personnes physiques lorsqu'elles exercent une activité
économique (B). Toutefois, d'une part,
on peut pas condamner une personne physique d'abus de position dominante sur le
fondement de l'article 82 TCE, d'une part une condamnation possible d'entente
en vertu de l'article 81 TCE.
A- Notion d'entreprise :
La notion d'entreprise permet de délimiter le champ
d'application personnel des règles communautaires de la concurrence,
qu'il s'agisse d'entente, de position dominante ou de concentration. Il
convient donc de chercher une définition de la notion d'entreprise
(a), puis d'analyser ses critères (b)
à travers les indications fournies par la pratique décisionnelle
et la jurisprudence communautaire.
1-Absence d'une définition
légale :
Le traité de Rome ne définit pas la notion
d'entreprise, à laquelle pourtant il fait référence
à diverses reprises.
Selon une jurisprudence aujourd'hui bien
établie, « la notion d'entreprise comprend toute
entité exerçant une activité économique,
indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode
de financement » (3), entité qui
apparaît comme un opérateur indépendant sur le
marché. Peu importe qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale,
d'une personne de droit public ou de droit privé, d'une personne
poursuivant ou non un but lucratif ou d'un groupement ne disposant pas de la
personnalité juridique. En effet, le critère retenu de
l'entreprise n'est pas organique mais matériel. Aucune forme juridique
n'exclut a priori la qualification d'entreprise l'essentiel étant le
caractère économique de l'activité concernée.
2- Critères de
l'entreprise :
L'activité économique est le premier
critère de la notion d'entreprise (a).
Néanmoins, il ne suffit pas toujours, il s'en ajoute un autre, celui de
l'autonomie d'action d'entité sur le marché
(b).
a- Une activité
économique :
En principe (á) toute entreprise
exerce une activité économique est soumise aux règles de
la concurrence, toutefois ce principe connaît des limites
(â).
á - le
principe : Que faut-il entendre par
« activité économique », il s'agit de toute
activité durable qui consiste à produire, distribuer ou
commercialiser à ses risques un bien ou un service sans qu'il y ait lieu
de considérer la nature de l'activité, la nature du bien ou du
service, ni la qualité ou le statut de l'entité qui exerce cette
activité, la commission des CE, a posé en principe
qu' « une activité de nature économique est une
activité, à but lucratif ou non, qui implique des échanges
économique » (4).
(3)- CJCE. 23 avr. 1991, Höfner et
Elser : Rec.CJCE 1991, I, p.1979
(4)- Comm. CE, déc.
Coupe du monde de football 1998, JOCE n°L15, 8janv.2000, p, 55
S'agissant les entreprises
privées, le principe a été
appliqué aux hypothèses les plus diverses, par exemple aux
expéditeurs en douane (5), aux organisations sanitaires
(6), aux architectes (7), et aux avocats,qui,
exerçant une activité économique, sont regardés
comme des entreprises au sens du droit de la concurrence « sans
que la nature complexe et technique des services qu'ils fournissent et la
circonstance que l'exercice de leur profession est réglementé
soient de nature à modifier une telle conclusion »
(8).
S'agissant des entreprises publiques,
l'article 86 § 1 du Traité CE, confirme leur
soumission aux règles de la concurrence. Ainsi les articles 82 et 86 du
Traité CE s'imposent d'abord aux Etats membres. Comme l'admis la CJCE,
« le Traité impose aux Etats membres de ne pas prendre ou
maintenir en vigueur des mesures susceptible d'éliminer les effets
utiles des articles 85 et 86 (actuels art.81 et 82) du
Traité » (9).
L'article 86 (actuel art.82) du Traité CE, notamment,
leur interdit « de mettre, par des mesures législatives,
réglementaires ou administratives, les entreprises publiques dans une
situation dans laquelle ces entreprises na pourraient pas se placer
elles-mêmes par des comportements autonomes sans violer les dispositions
de l'article 86(actuels art.82) du Traité CE (10).
(5)- TPI, 30 mars 2000, CNSD, Rec.
CJCE 2000, II, p ,1807.
(6)- CJCE, 25 oct. 2001,
C-475/99.
(7)- CJCE, 29 Nov. 2001, aff.
C-221/99, Giuseppe conte.
(8)- CJCE, 19 févr. 2002,
aff. C-309/99, Wouters et a.
(9)- CJCE, 18 juin 1991, Rec. CJCE,
I, p.2925.
(10)- CJCE, 13 déc. 1991,
Rec. CJCE, I, p.5941.
â- Les limites : elles
sont au nombre de deux : même si l'entité exerce une
activité économique, elle échappe à l'application
de l'articles 81 et 82 du Traité CE, si cette activité comporte
l'exercice de prérogatives de puissance publique, ou encore si
l'entreprise exerce une fonction de nature exclusivement sociale.
· Les autorités communautaires peuvent examiner
les différentes activités de l'entité concernée
pour déterminer, si elles sont ou non de nature économique.
Ainsi un Etat, un organisme public ou une
collectivité locale ne sont pas des entreprises au sens du droit de la
concurrence lorsqu'ils mettent en oeuvre des prérogatives de puissance
publiques. Dans l'affaire ADP, Aéroports de paris faisait valoir, en
défense, que ses activités relevaient de la qualification
d'activité de police. En espèce, de tribunal de première
instance a fait la distinction, au sein de ses activités, entre celles
qui étaient purement administratives et celles qui étaient
liées à la gestion et à l'exploitation des
aéroports parisiens (11), cela pour conclure qu'ADP
n'exerçait aucune activité de police et livrait à une
activité économique.
· La seconde limite concerne l'exercice d'activité
de nature exclusivement sociale. Dans l'affaire Poucet, la cour de justice a pu
considérer que la « notion d'entreprise au sens des
articles 85 et 86 du Traité (actuels art.81 et 82) ne vise pas les
organismes chargés de la gestion de régime de
sécurité sociale » (12). Pour parvenir
à cette conclusion, le juge communautaire a souligné que l'objet
de tels organismes n'est pas économique dans la mesure où ils
assurent une fonction de caractère exclusivement sociale ; que
leurs activité, fondée sur le principe de la solidarité
sociale, est dépourvue de tout but lucratif et que les prestations
versées sont des prestations légales, indépendantes du
montant du cotisation.
(11)- TPI, 12 déc. 2000,
Aéroports de paris : Rec. CJCE 2000, II, p. 3929.
(12)- CJCE, 17 févr. 1993,
Rec. CJCE 1973, I, p.637.
En revanche, un organisme a but non lucratif, gérant un
régime d'assurance vieillesse destiné à compléter
le régime de base obligatoire, est une entreprise au sens du droit
communautaire, l'absence de but lucratif ne changeant rein à l'analyse
(13). Pour justifier la différence de solutions, le
juge a relevé que telles caisses fonctionnent selon le principe de la
capitalisation et que les prestations qu'elles versent dépendent du
montant des cotisations et des résultats financiers des investissements
qu'elles effectuent. Sans nier l'existence d'une certaine solidarité, se
traduisant notamment par l'indépendance des cotisations par rapport au
risque, la cour de justice a précisé que celle-ci est
limitée, dans la mesure où l'affiliation à de tels
régimes est facultative.
b- Autonomie de comportement sur le
marché :
Pour que une entreprise soit condamnée en vertu de
l'article 81 TCE, il faut qu'elle adopte un comportement autonome sur le
marché pertinent. Par conséquent, la définition de cette
autonomie produit des conséquences par rapport la frontière entre
les disposition de l'article 81 et 82 du TCE, puisque on matière des
ententes, on peut pas condamner une filiales ou un successoral quand ils
appliques les directives de leurs société mère, tandis
que, en matière d'abus de position dominante, on peut les
condamnés dés lors qu'ils abusent de leur position sur le
marché de référence.
La question s'est posée, à l'origine, à
l'endroit des accords intra-groupe, et tant la pratique décisionnelle de
la commission que la jurisprudence de la cour de justice ou le tribunal de
première instance ont posé la condition supplémentaire,
pour la qualification d'entreprise, l'autonomie de décision dont doit
être investie l'entité concernée. C'est ainsi que la
filiale entièrement contrôlée par la société
mère ne saurait conclure, avec la société qui la domine,
une entente anticoncurrentielle : on l'occurrence, il peut s'agir que
d'une illustration de sa subordination. La même conclusion s'impose si
l'on pose l'éclairage, non sur l'autonomie des volontés en
présence, mais sur l'unité économique du groupe ou de
pluralité des personnes juridiques impliquées dans le groupe ou
dans l'ensemble des sociétés.
(13)- CJCE, 16 nov. 1995,
Fédération Française des sociétés
d'assurance
Et autres c/ commission : Rec.
CJCE1995, I, p.4013.
Selon la CJCE, « l'article 85(actuel art.81)
du Traité Ce ne vise pas des accords ou pratiques concertées
entre des entreprises appartenant au même groupe en tant que
société mère et filiale, si les entreprises forment une
entité économique à l'intérieur de laquelle la
filiale ne jouit pas d'une autonomie réelle dans la détermination
de sa ligne d'action sur le marché et si ces accords ou pratiques ont
pour but d'établir une répartition interne des tâches entre
les entreprises » (14). Cependant, cette
dernière condition (la répartition interne des tâches du
groupe), a été abandonnée tant par le TPI que par la CJCE
dans l'affaire VIHO (15), dans la mesure où le texte
invoqué (art.81) prohibant des comportements collectifs, est
inapplicable à une unité économique.
B- Les Agents commerciaux :
L'agent commercial est une personne physique, par
conséquence, on ne peut pas imaginer une condamnation des agents
commerciaux sur le fondement de l'abus de position dominante. Toutefois, une
personne physique peut se voir sa responsabilité engagée en vertu
de l'article 81 du TCE .En revanche, la question de la forme juridique ne se
pose pas, l'opérateur est une personne physique ; cette
qualité ne le met pas pour autant en dehors d'une poursuite
fondée sur le droit communautaire de la concurrence. Si son
activité est d'ordre économique, elle relève de la
réglementation communautaire de la concurrence (16).
Ainsi, parmi les personnes physiques les
représentants non salariés, par exemple les agents commerciaux
(17) et les mandataires, sont des entreprises au regard du
droit communautaire dés lors qu'ils se comportent de façon
indépendante et assument un risque commercial.
(14)- CJCE, 31 oct. 1974,
Centrafarm c/ sterling Drug: Rec. CJCE 1974, p.1147.
(15)- TPICE, 12 janv. 1995, Viho
Europe BV c/ comm. Rec. CJCE 1995, II, p. 17.
(16)- Richard BLASSELLE,
Traité de Droit Européen de la concurrence, Tome I,
page : 29
(17)- Article
L134-1 du code du commerce : « L'agent
commercial est un mandataire qui, à titre de profession
indépendante, sans être lié par un contrat de louage de
services, est chargé, de façon permanente, de négocier et,
éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location
ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs,
d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut
être une personne physique ou une personne morale. Ne relèvent pas
des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de
représentation s'exerce dans le cadre d'activités
économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de
dispositions législatives particulières ».
De même le sont aussi les travailleurs
indépendants et les membres des professions libérales, les
détaillants, les artisans et les agriculteurs, l'artiste qui se produit
en public ou le sportif indépendant, professionnel ou amateur ;
l'essentiel est qu'ils exercent une activité économique
indépendante. En revanche, les personnes qui exercent une
activité salariée n'auront pas la qualité d'entreprise, l
lien de subordination juridique excluant a priori leur indépendance.
II- La difficulté d'élaborer une
définition d'entente et d'abus de domination :
Soucieuses d'atténuer, sinon de supprimer, les
charges qui découlent pour elles de la concurrence, les entreprises
tendent à établir entre elles ; en fait ou en droit, des
relation qui peuvent entraver le commerce entre les Etats membres et fausser
l'équilibre concurrentiel nécessaire à la
réalisation d'un marché unique compatible avec les exigences de
l'ordre public économique communautaire, il est, donc, nécessaire
de définir l'entente (A), puis de chercher une
délimitation de la notion de position dominante
(B) .
A- Définition de l'entente
anticoncurrentielle :
L'article 81 du CE, §1
dispose : « Sont incompatible avec le marché commun
et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions
d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont
susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou
pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la
concurrence à l'intérieur du marché
commun... »
Etant donné que l'entente est définie comme un
concours de volonté entre entreprises suffisamment indépendantes,
les unes par rapport aux autres pour pouvoir décider de manière
autonome de leur comportements sur le marché, il convient donc de
commencer par examiner les significations respectives des notions d'accord
entre entreprise (1), de décision d'association
d'entreprises (2), et de pratiques concertées
(3).
1- Accords :
Le tribunal de première instance a repris la
jurisprudence antérieure de la cour qui définit ainsi la notion
d'accord au sens de l'article 81, paragraphe 1 : « il
suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté
commune de se comporter sur le marché d'une manière
déterminée » (18).
Quant à la pratiques administrative de la
commission, elle est fondée sur un motif plus complet : un
« accord » au sens de l'article 81 peut exister dés
lors que les parties s'entendent sur un plan qui limite, ou est de nature
à limiter, leur liberté commerciale en déterminant les
lignes de leur action ou de leur abstention réciproque sur le
marché. Aucune procédure d'exécution telle que pourrait
en prévoir un contrat civil n'est requise. Il n'est pas
nécessaire non plus qu'un tel accord soit établi par écrit
(19).
2- Décision d'association
d'entreprises :
L'article 81, paragraphe 1, ne restreint pas la
liberté d'association. Il n'interdit pas les associations d'entreprises
ni les décisions qu'elles sont susceptibles de prendre.
(18)- TPICE, 24 oct. 1991,
Petrofina, att. N° 211, préc. n° 31.
(19)- comm. CE Déc. 21
déc. 1988, PEBD, att. N° 37 : JOCE 17 mars 1989, n°
L74/21.
Selon la jurisprudence de la cour, ce texte s'applique
exclusivement « aux associations d'entreprises dans la mesure
où leur activité propre ou celle des entreprises qui y
adhérent tend à produire les effets que vise à
réprimer » (20).
Relèvent de cette catégorie juridique aussi bien
les statuts que les règlements généraux, ainsi que les
décisions prises par les assemblées générales.
Il ne suffit pas, en outre, d'utiliser le terme de
recommandation pour dénommer un document qui émane d'une
association pour échapper à l'interdiction de l'article 81 du
CE.
La frontière entre la décision d'association
d'entreprises et les accords demeure imprécise. Dans certains cas, la
cour de justice ainsi que la commission se contente d'une analyse sommaire et
constatent une combinaison d'accords et de décisions qu'elles ne
s'attachent pas à distinguer (21).
3- Pratiques
concertées :
La commission ne s'attache pas de façon
systématique à tracer la frontière entre les trois formes
de coopération énumérées par l'article 81 du CE.
C'est pourquoi, en l'absence d'objections précises formulées par
les entreprises en cause, elle pourra se contenter d'admettre l'existence d'un
contrat ou de pratiques concertées.
Les pratiques concertées ne peuvent être
assimilées à un contrat dont les autorités communautaires
n'auraient pu obtenir la preuve directe. S'inspirant d'une jurisprudence bien
établie de la cour de justice, la commission considère qu'en
« développant une notion de pratique concertée
distincte, le Traité vise à empêcher que les entreprises ne
contournent l'application de l'article 81, paragraphe1, en s'entendant sur des
modalités contraires à la concurrence et non assimilables
à un accord... » (22).
(20)- CJCE, 8 nov. 1983, Navewa
Anseau, préc.n° 21.
(21)- CJCE, 30 janv. 1985, BNIA,
Rec. CJCE, p. 391.
(22)- Comm. CE, 7 déc. 1988,
Verre plat : JOCE 4 févr. 1989, n° L34/44.
Cette jurisprudence de la cour de justice trouve son origine
dans un arrêt prononcé dans l'affaire des matières
colorantes, CJCE, 14 juillet 1972 « Attendu que si l'article 81
distingue la notion de pratique concertée de celle de l'accord entre
entreprises ou de décision d'association d'entreprises c'est dans le
dessein d'appréhender sous les interdictions de cet article une forme de
coopération entre entreprise qui, sans avoir été
poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement
dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux
risques de concurrence ;que, par sa nature même, la pratique
concertée ne réunit donc pas tous les éléments d'un
accord, mais peut notamment résulter d'une coordination qui
s'extériorise par le comportement des participants ».
La cour de justice et la commission ont eu l'occasion de
distinguer une pratique concertée et un simple accord verbal, ou un
accord conclu sans avoir été appliqué. La pratique
concertée peut, Néanmoins, correspondre au prolongement d'un
contrat. Tel est le cas lorsque le comportement commun des parties en cause
excède les limites de l'accord initialement conclu.
Tel est le cas, également, de l'entente
prolongée, les participants à l'entente ne nient pas l'existence
de celle-ci, mais ils affirment avoir résilié le contrat initial
et avoir retrouvé leur entière autonomie. La cour de justice a
posé, sur ce point précis, le principe selon lequel s'agissant
« d'entente qui ont cessé d'être en vigueur, il suffit
pour que l'article 81 soit applicable, qu'elles fournissent leurs effets
au-delà de la cessation formelle de leur application, qu'une entente
n'est réputée poursuivre ses effets que si le comportement laisse
implicitement ressortir l'existence des éléments de concentration
et ce coordination propres à l'entente et aboutir au même
résultat que celui visé par l'entente »
(23).
(23)-CJCE, 18 juin 1981, Salonia,
Rec. CJCE, p. 1563.
Le contenu exact de la notion de pratique concertée est
présenté de façon extrêmement minutieuse dans une
décision de tribunal de première instance du CE, datée du
24 oct. 1991, Petrofina « En vue de définir la notion de
pratique concertée, il y a lieu de se référer à la
jurisprudence de la cour dont il ressort que les critères de
coordination et de coopération qu'elle a posés
précédemment doivent être compris à la
lumière de la conception inhérente aux dispositions du
Traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout
opérateur économique doit déterminer de manière
autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. Si cette
exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs
économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté
ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose à toute prise
de contact, directe ou indirecte, entre de tels opérateurs, ayant pour
objet ou pour effet, soit d'influence le comportement sur le marché d'un
concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel
concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que
l'on envisage de tenir soi-même, sur le marché »
(24).
B- la notion de position dominante:
La première condition d'application de l'article 82 du
Traité CE est la détention d'une position dominante. Or le texte
n'en donne aucune définition, pas plus qu'il ne définit
l'entreprise ou l'abus dont elle pourrait se rendre coupable.
(24)- TPICE, 24 oct. 1991,
Petrofina, att. n° 223, préc. n° 31.
Il appartenait donc aux autorités communautaires de
pallier à cette déficience en explicitant la notion de position
dominante à partir de l'objet de l'article 82. Qu'il s'agisse de la
commission ou de la cour de justice des CE, toutes deux s'accordent sur le
contenu à donner à cette notion. La détention d'une
position dominante est considérée comme établie lorsque
l'entreprise concernée dispose du pouvoir de faire obstacle à une
concurrence effective dans la marché commun, ce pouvoir se traduisant
par un comportement indépendant de l'entreprise en cause.
1- Comportement indépendant sur le
marché :
· Définition de la
CJCE : Dés l'arrêt Continental Can du 21
février 1973, le cour de justice a pris position en ce sens, et elle a
réitéré sa position dans l'arrêt United Brands en
rappelant que « la position dominante visée par cet
article concerne une position de puissance économique détenue par
une entreprise, qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une
concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la
possibilité de comportements indépendants dans une mesure
appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et
finalement des consommateur » (25).
(25)- CJCE, 14 févr. 1978,
United Brands, Rec. CJCE 1978, p.207.
Plus nettement encore, la cour ajoutera ultérieurement
à cette définition la précision
que « pareille position, à la différence d'une
situation de monopole ou de quasi-monopole, n'exclut pas l'existence d'une
certaine concurrence, mais met la firme qui bénéficie en mesure,
sinon de décider, tout au moins d'influencer notablement les conditions
dans lesquelles cette concurrence se développera et, en tout cas, de se
comporter dans une large mesure sans avoir en tenir compte et sans pour autant
que cette attitude lui porte préjudice, qu'une position dominante doit
également être distinguée des parallélisme de
comportements propres aux situations d'oligopoles, en ce sens que, dans un
oligopole, les comportements s'influencent réciproquement tandis qu'en
cas de position dominante le comportement de l'entreprise qui
bénéficie de cette position est, dans une large mesure,
déterminé unilatéralement »
(26).
· Définition de la
commission : quant à la commission des CE, elle
précédait la cour de justice dans l'affaire Continental Can, en
apportant cette précision qu'il y a position dominante lorsque les
entreprises ont une possibilité de comportement indépendant qui
les met en mesure d'agir sans tenir notablement compte des
concurrents ».
(26)-CJCE, 13 févr. 1979, Hoffmann-La
Roche, Rec. CJCE1979, p.461.
· De même, dans l'affaire Hoffmann La Roche de
1976, elle a réitéré sa position en posant que Roche
dispose d'un degré d'indépendance globale de comportement qui les
met en mesure de faire obstacle à une concurrence effective à
l'intérieur du marché commun, lui conférant une position
dominante. La même conception sera ultérieurement reprise dans la
plupart de ses décisions.
2- Soustraction à la
concurrence :
C'est parce qu'elle détient le pouvoir de faire
à une concurrence effective que l'entreprise en situation de domination
échappe à la pression concurrentielle qui pèse normalement
sur les entreprises. Tel est le cas, notamment, des marchés
oligopolistiques où ne se côtoient, par définition, que peu
d'entreprises, chacune se trouvant dans un rapport d'interdépendance par
référence aux autres. De ce fait, aucune d'entre elles, en
principe, n'est en mesure de déterminer son comportement sur le
marché sans tenir compte des réactions probables des autres
entreprises. A l'inverse, et précisément parce qu'elle
possède ce pouvoir de faire obstacle à une concurrence effective,
l'entreprise en position dominante peut agir pour grande part de
manière indépendante sans avoir besoin de tenir compte des autres
intervenants sur le même marché.
En somme, le pouvoir caractéristique de la situation
visée à l'article 82 du Traité CE se ramène, dans
son aspect actif, à une possibilité de comportements
indépendants de l'entreprise sur un certain marché, jointe
à une certaine neutralisation des concurrents. Quant à son aspect
passif, il se traduit par sa soustraction l'influence des autres
opérateurs économiques présents sur le marché
concerné.
Enfin, pour conclure, on constate une similitude des
critères de l'entente el d'abus de position dominante, surtout au niveau
de comportement autonome sur la marché, ainsi une soustraction à
la concurrence.
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