2) Détermination de la topologie et recueil des
contraintes structurales
Une fois les déplacements chimiques de la
protéine attribués, la seconde étape de
l'étude consiste à extraire un certain nombre de
paramètres des spectres RMN, puis à les convertir en
contraintes structurales. Pour une protéine de taille moyenne comme le
domaine K2, deux types de contraintes géométriques sont
classiquement utilisés pour le calcul de la
structure. Il s'agit de la distance inter-atomique
1H-1H, et des angles dièdres et qui
définissent le squelette peptidique. Les contraintes de
distance sont principalement issues de
l'effet Overhauser homonucléaire 1H. Aussi, la
détermination de la structure de biomolécules
par RMN repose essentiellement sur ce paramètre.
2.1) L'effet Overhauser nucléaire
2.1.1) Aspect expérimental
Deux noyaux proches dans l'espace présentent entre
eux des interactions dipolaires
qui peuvent être mises en évidence par
saturation ou inversion d'un des deux spins. Le couplage dipolaire
résultant correspond à un transfert d'aimantation à
travers l'espace, appelé relaxation croisée ou effet Overhauser
nucléaire (nOe). L'intensité ç d'un pic de
corrélation dipolaire entre deux atomes est fonction de plusieurs
paramètres caractéristiques de la molécule
étudiée. Elle dépend notamment de la longueur du vecteur
(ou distance) entre les deux atomes (en r -6), et du
temps de corrélation ôc de ce vecteur en
fonction du champ magnétique ù du spectromètre
:
ç = f ( r -6 ; ùôc )
(2.1)
Dans l'approximation d'un mouvement isotrope d'une
molécule sans mobilité interne, le
temps de corrélation ôc représente
le temps nécessaire à la molécule pour se
réorienter de un radian. Ce temps de corrélation est directement
lié à la masse moléculaire de l'objet analysé.
Par conséquent, l'effet Overhauser nucléaire est
fonction de la taille de la protéine étudiée.
Les expériences RMN qui contiennent des séquences
NOESY mettent en évidence des corrélations dipolaires
homonucléaires 1H entre protons distants de moins de
6 Å. Dans ce type d'expérience, le transfert de
l'aimantation entre deux protons proches dans l'espace a lieu pendant
le temps de mélange expérimental ôm. Dans
le cas d'une protéine de 14 kDa comme le domaine K2, le
produit ùôc implique un nOe négatif pouvant
atteindre un accroissement de 100%. Aussi, comparé aux petites
molécules, l'effet Overhauser est plus efficace et s'établit
à des faibles temps de mélange ôm. Toutefois, pour
des protéines de cette taille, le nOe est accompagné d'effets
indirects, telle que la diffusion de spin, qui apparaît à
des temps de mélange intermédiaires, et dont le
poids augmente avec ôm. Dans ces conditions, l'effet Overhauser
est biaisé et n'est plus représentatif de la proximité
entre protons. Le temps
de mélange ôm doit donc être
choisi de manière à obtenir le maximum d'informations
dipolaires tout en évitant le phénomène de
diffusion de spin. En pratique, il serait possible
d'estimer le ôm optimal
en réalisant pour chaque expérience des études classiques
de « build-
up » sur les échantillons de protéine
K2. Dans notre cas, le choix du ôm a été
guidé en se basant sur des études similaires menées sur
des protéines de taille comparable à fréquence de champ
comparable.
Une fois ces considérations prises en compte, on peut
alors estimer que le volume d'un
pic de corrélation dipolaire entre deux protons est
proportionnel à la distance r qui sépare les deux noyaux
en 1/r6. Cette dépendance du nOe en distance est
d'une importance considérable pour le calcul de la structure à
haute résolution car elle va permettre la conversion du volume
Vij de chaque pic en contrainte de distance rij
via une référence (Vref, et rref), et
ainsi d'accéder
potentiellement à l'ensemble des proximités
spatiales entre protons au sein de la protéine :
rij = rref
Vref
Vij
1/6
(2.2)
2.1.2) Le problème de l'attribution des pics
nOe
L'interprétation du nOe 1H en
contrainte de distance nécessite au préalable
l'attribution des pics de corrélation dipolaire,
c'est-à-dire de déterminer pour chaque pic associé
à un proton de la protéine, le (ou les) noyau(x) en interaction
dipolaire avec celui-ci. Dans le cas de l'étude d'un peptide n'adoptant
pas de structure tertiaire, la majorité des nOe inter-résidus
observés résulte de proximités à courte et moyenne
distances, qui traduisent la structure secondaire dans laquelle chaque acide
aminé est engagé. En pratique, ce type de nOe correspond
à la corrélation d'un proton d'un résidu avec un
ou plusieurs protons de résidu proche dans la séquence,
ce qui limite le nombre d'attributions possibles. De plus, la
connaissance de la structure secondaire, fournie par l'analyse des
paramètres structuraux RMN (couplage scalaire, déplacement
chimique...), facilite considérablement l'attribution de
ces pics. Dans le cas de l'étude d'une protéine
repliée, la structure tertiaire induit l'apparition
de nombreux effets à longue distance entre protons
appartenant à des résidus éloignés dans la
séquence. Ces effets sont d'une importance capitale car
ils traduisent l'organisation tridimensionnelle de la protéine, et
notamment celle du coeur hydrophobe. Aussi, l'attribution des pics nOe
devient alors beaucoup plus délicate car elle nécessite
une connaissance préalable d'éléments de structure
tertiaire, difficilement appréciables pour des protéines
structurées majoritairement en hélice. D'autre part, plus la
taille de la protéine est importante,
et plus les possibilités d'attribution sont nombreuses. La
collecte des contraintes de distance
peut alors devenir une étape lourde et coûteuse en
temps.
Pour contourner ces difficultés, il existe des
programmes d'attribution automatique (ou semi-automatique) des pics nOe
couplés aux logiciels classiques de modélisation
moléculaire. Dans le cadre de l'étude structurale du domaine K2,
nous avons pu bénéficier des ressources informatiques du DIEP
du CEA de Saclay, et notamment du programme d'attribution automatique
des nOe développé au Laboratoire de Structure des
Protéines par le Dr. Bernard Gilquin. Ce programme fonctionne en
interface avec le logiciel de modélisation CNS et sera
présenté dans le paragraphe 3.3. Son utilisation nécessite
la connaissance de la topologie de la protéine.
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