L'incitation aux actes de terrorisme( Télécharger le fichier original )par Joseph Breham Université Toulouse 1 - Master II Juriste International 2006 |
i.Les sources juridiques de l'incitation :·Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques 51 : Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est un instrument juridiquement contraignant pour les pays l'ayant ratifié52 et dispose dans son article 20 paragraphe 2 que tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une betrayal and treachery." Islamic Religious Education, Grade 5, Part 2, (2001) p. 16 cité dans le rapport « Jews, christians, war and peace in egyptian school textbooks » par le Center for Monitoring the Impact of Peace. Ces livres scolaires égyptiens sont utilisés par l'Autorité palestinienne, ibidem. 50 Nous considérons que la destruction systématique de maisons, les bombardement de civils et autres par Tsahal peut également exacerber un sentiment de violence et en ce sens favoriser le recours au terrorisme. 51 texte complet disponible sur http://www.ohchr.org/french/law/ccpr.htm 52 Le 01 Septembre 2006, 149 Etats étaient partie au Pacte. Le statut de ratification est disponible sur : http://www.unhchr.ch/pdf/reportfr.pdf. incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence est interdit par la loi. Or, le terrorisme est défini par ses actes. Les actes de terrorisme tels que définis par les instruments universels contre le terrorisme sont des actes violents. Seule la Convention pour la répression du financement du terrorisme incrimine des comportements non violents, toutes les autres conventions incriminant des comportements violents, qu'il s'agisse de conventions relatives à l'aviation, à la navigation maritime, à la protection des personnes internationalement protégées, aux matières nucléaires ou aux attentats à l'explosif. En conséquence, l'incitation à la commission d'actes de terrorisme est une incitation à la commission d'actes violents. Toute incitation à des actes de terrorisme, lorsqu'elle se fait par le biais d'appel à la haine nationale, raciale ou religieuse, doit donc être interdite par la loi dans tous les Etats signataires du Pacte International relatifs aux Droits Civils et Politiques. Pour le suivi de ce traité, les Nations Unies ont instauré un comité d'experts indépendants (le comité des droits de l'homme) qui a rendu des observations générales sur les divers articles du Pacte. L'article 20 fait l'objet de l'observation n°1153 aux termes de laquelle le paragraphe 2 s'applique, que la violence provoquée soit purement nationale ou internationale. En ce sens, même les actes de terrorisme strictement nationaux (qui sont généralement nationaux seulement dans leurs manifestations mais non dans leur préparation) sont concernés par cette prohibition. En outre, le comité estime nécessaire, pour une mise en oeuvre complète de l'article 20 du Pacte, qu'une loi sanctionne les violations correspondantes au comportement décrit dans l'article. Ceci signifie que la loi doit sanctionner, entre autres, l'incitation aux actes de terrorisme lorsqu'elle constitue un appel à la haine raciale, nationale ou religieuse. Le Pacte n'est pas le seul texte international qui puisse fournir un fondement juridique à l'incrimination de l'incitation. 53 http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/5002659a11f87f6f802565230047491b?Opendocument ·Les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité : La résolution 1373 (2001)54 du Conseil de sécurité des Nations Unies, votée le 28 septembre 2001, « dans la foulée » des attentats du 11 septembre 2001 est fondée sur le chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Les paragraphes de cette résolution, où le Conseil « décide », sont contraignants55. C'est le cas de son paragraphe 2e : le Conseil de sécurité décide [...] que les Etats doivent veiller à ce que toutes les personnes qui participent au financement, à l'organisation, à la préparation ou à la perpétration d'actes de terrorisme ou qui y apportent un appui soit traduites en justice, à ce que outre les mesures qui pourraient être prises contre ces personnes, ces actes de terrorisme soient érigés en infractions graves dans la législation et la réglementation nationale et à ce que la peine infligée soit à la mesure de la gravité de ces actes. Ce texte impose que les personnes qui apportent un appui aux actes de terrorisme soient traduites en justice. Or, l'incitation à la commission d'actes de terrorisme peut être interprétée comme un appui aux actes de terrorisme (ne serait ce qu'en pouvant favoriser le soutien d'une partie de la population à ces actes). Ainsi, les « incitateurs » devraient, aux termes de la résolution 1373, pouvoir être traduits en justice. Mais cette résolution n'explicite pas la notion de « traduire en justice ». Les résolutions 1456 (2003)56 et 156657 (2004) du Conseil de sécurité précisent cette notion en indiquant que les Etats doivent traduire en justice les personnes qui prêtent appui à la commission d'actes de terrorisme58 en respectant le principe Aut Dedere Aut Judicare. Le paragraphe 3 de la résolution 1546 (2003) et le paragraphe 2 de la résolution 1566 (2004) sont pris sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, il sont donc contraignant. 54 Résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité disponible sur : http://www.un.org/Docs/journal/asp/ws.asp?m=s/res/1373(2001) 55 Sur le caractère contraignant de la résolution voir supra note n°10. 56 Paragraphe 3. Résolution 1566 (2004) disponible sur http://daccessods.un.org/TMP/6871495.html. 57 Paragraphe 3. Résolution 1546 (2003) disponible sur : http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/(Symbol)/S.RES.1456+(2003).Fr?Opendocument 58 Lire «The Duty to bring Terrorists to justice and Discretionary Prosecution» par Stefano Betti, Journal of International Justice 2006 Numéro special sur le terrorisme, à paraitre. De la sorte, si l'on interprète l'incitation aux actes de terrorisme comme un appui à ces actes, cela signifie que les Etats sont obligés de traduire les incitateurs en justice en appliquant le principe Aut Dedere Aut Judicare. La résolution 1624 (2005)59 du Conseil de sécurité demande aux états d'interdire par la loi l'incitation à commettre un ou des actes terroristes, de prévenir une telle incitation et de refuser l'asile à toute personne au sujet de laquelle on dispose d'informations crédibles et pertinentes selon lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle est coupable d'une telle incitation. Cette résolution a été adoptée le 14 septembre 2005 lors de la 5261e séance du Conseil de sécurité. Elle fait suite aux attentats de Londres et fut initiée par les Britanniques et les Russes. Elle s'inscrit dans la lignée des résolutions du Conseil de sécurité concernant les menaces que le terrorisme fait peser sur la paix et la sécurité internationales. Les principales résolutions sont la résolution 1267 (sur les talibans), la résolution 1373, la résolution 1617 (qui reprend et affine le régime mis en place par 1267 contre les talibans). ·Valeur juridique de cette résolution : Cette résolution possède un fort poids politique car le Conseil de sécurité considère que le terrorisme et l'incitation aux actes de terrorisme constituent une des plus graves menaces contre la paix et la sécurité, [...] une menace grandissante pour la jouissance des droits de l'homme, [...] entrave le développement social et économique, compromet la stabilité et la prospérité mondiale, [que] l'incitation est contraire aux buts et principes des Nations Unies. Cette dernière expression est très forte et elle est, par exemple, utilisée dans la résolution 1373 du Conseil de sécurité pour qualifier le 59 Résolution 1624 (2005) du Conseil de sécurité disponible sur : http://www.un.org/Docs/journal/asp/ws.asp?m=s/res/1624(2005). terrorisme, ainsi que dans la résolution 96 de l'Assemblée Générale du 11 décembre 1946 pour qualifier l'acte de génocide. Malgré ces qualificatifs très forts utilisés dans la résolution 1624, celleci n'a pas été prise sous l'égide du chapitre VII de la charte des Nations Unies et n'est donc pas contraignante. Le Conseil de sécurité appelle seulement les Etats à prendre des mesures pour lutter contre l'incitation, il ne décide pas que les Etats doivent prendre des mesures contre l'incitation. Ce caractère facultatif de l'incrimination est probablement dû aux libertés que heurtent de front une éventuelle incrimination : la liberté d'expression et la liberté de pensée qui dans les conceptions anglosaxonnes ne peuvent être limités que dans des cas extrêmement limitées60. ·Contenu de cette résolution : En premier lieu, le Conseil de sécurité demande aux Etats d'interdire par la loi l'incitation à commettre un ou des actes de terrorisme. L'observation générale n°1161 (1983) du Comité des droits de l'homme, indique que pour que l'article 20 du Pacte devienne effectif, il doit exister une loi qui sanctionne la violation de l'interdiction de la propagande et des appels à la haine (...). Bien que ni l'article 20 du Pacte, ni l'observation générale ne le spécifie, il est difficile d'imaginer des sanctions non pénales qui puissent être effectives contre les terroristes. En outre, divers instruments internationaux, reconnaissent que l'incitation à la commission d'infractions et à la violence puisse être interdite par des lois pénales (par exemple, l'article 31ciii de la Convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes62). Ceci nécessite que les principes généraux du droit pénal reconnus par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques s'appliquent, c'estàdire : nullum crimen, nulla poena sine lege (art 15) et le principe de non rétroactivité de la loi pénale (article 15) En deuxième lieu, le conseil demande de prévenir une telle incitation ce qui est 60 voir II A 61 Précitée 62 La Convention est disponible sur : http://www.admin.ch/ch/f/rs/0_812_121_03/index.html. un des objectifs de la loi pénale. Toutefois, en l'occurrence, la résolution sous tend qu'il faille aller plus loin par des mesures administratives (ou d'autres natures) permettant de suspendre la parution de journaux, des autorisations d'émission pour des radios ou des télévisions, des lois permettant de fermer des lieux de réunions, d'interdire des associations lorsque ces moyens sont utilisés pour inciter à la commission d'actes terroristes. En troisième et dernier lieu, le conseil demande aux Etats de refuser l'asile à toute personne au sujet de laquelle on dispose d'informations crédibles et pertinentes selon lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle est coupable d'une telle incitation. Cela sousentend deux éléments : ·Qu'il existe dans le droit relatif à l'asile des Etats une disposition permettant de refuser l'asile pour les personnes ayant incitées au terrorisme ·Que les Etats communiquent entre eux afin de s'échanger des informations sur les personnes soupçonnées d'avoir commis des actes d'incitation au terrorisme. Cette demande du Conseil de sécurité n'est pas nouvelle. La Convention relative au statut des réfugiés63 dans son art 1Fc dispose que le statut de réfugié n'est pas applicable aux personnes qui se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. Or, l'incitation aux actes de terrorisme est contraire aux buts et principes des Nations Unies comme l'a déclaré le Conseil de sécurité dans la résolution 1624. Cette résolution envisage donc l'ensemble des aspects relatifs à la lutte contre l'incitation aux actes de terrorisme. Néanmoins, il ne s'agit pas d'un texte de loi et elle ne définit pas juridiquement l'incitation. ii.Notion juridique d'incitation : 63 La convention est disponible sur : http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/o_c_ref_fr.htm. La notion d'incitation n'est pas nouvelle en droit. En ce sens, l'Organisation des Nations Unies l'a utilisée dans sa convention relative aux stupéfiants dès 1988. Depuis les « procès de Nuremberg », l'incitation aux actes de génocide est connue du droit international. Ces deux précédents seront étudiés successivement. ·Convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes : Article 31ciii L'article 31ciii de la Convention de l'Organisation des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes incrimine le fait d'inciter ou d'amener publiquement autrui, par quelques moyens que ce soit, à commettre une des infractions [établies par cet article] ou à faire illicitement usage de stupéfiants ou de substances psychotropes. Lors de l'adoption de la convention, la disposition entendait répondre aux problèmes que suscitaient les journaux et les films qui faisaient l'apologie des stupéfiants et préconisaient des comportements culturels favorables à la consommation des drogues. L'étude de la définition de l'incitation à la consommation de produits stupéfiants ou à la commission d'infraction au régime légal des stupéfiants conduit à s'intéresser à l'élément matériel et à l'élément moral. ·Un élément matériel : le fait d'inciter ou d'amener publiquement autrui, par quelques moyens que ce soit, à ... Inciter publiquement peut64 être compris de plusieurs manières, soit lorsque l'acte d'incitation est commis publiquement, soit lorsque le public tout entier est visé. 64 Explications tirées du rapport annuel 1997 de l'organisme international de contrôle des stupéfiants disponible sur : http://www.incb.org/incb/fr/annual_report_1997_chapter1.html#I" >http://www.incb.org/incb/fr/annual _report_1997_chapter1.html#I Ainsi, cette disposition comporte un « gardefous », puisqu'une incitation commise dans un contexte purement privé n'est pas répréhensible. Cette incitation peut être effectuée par n'importe quel moyen : lors de réunions publiques ou par l'utilisation de médias (presse écrite, télévision, cinéma, Internet...) mais également par la tromperie, le recours à la force ou à une persuasion monétaire. De la sorte, tous les moyens imaginables pour inciter à la consommation de stupéfiants sont donc répréhensibles, pourvu qu'ils aient été commis publiquement. ·Un élément moral : il n'est pas spécifié dans le texte d'incrimination. C'est pourquoi cette incitation peut n'être pas commise intentionnellement. Cette convention n'est cependant pas le seul instrument international qui contienne une définition légale de l'incitation. Le Statut de Rome et les Statuts des divers tribunaux pénaux internationaux comme leurs jurisprudences, peuvent aussi être utiles pour définir l'incitation. |
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