L'incitation aux actes de terrorisme( Télécharger le fichier original )par Joseph Breham Université Toulouse 1 - Master II Juriste International 2006 |
ii.« La zone noire »: Ce qu'est l'incitation.Inciter une personne est le fait de pousser fortement quelqu'un à faire quelque chose36. L'incitation peut être faite par l'utilisation de la raison. Dans ce cas l'incitateur 34 Article 9§2. 35 Par exemple, le mensuel du Hamas « Filastin almuslimah » est disponible en version papier depuis le RoyaumeUnis, jusqu'en Cisjordanie en passant par le Canada et les pays Arabes. En outre il est disponible en version électronique sur Internet. 36 Définition de l'Académie française disponible sur : va tenter de convaincre son interlocuteur que les actes qu'il défend doivent être commis. Il cherchera probablement à les justifier, ensuite à les glorifier, avant de fournir les motifs nécessaires au passage à l'acte. Elle peut aussi être le résultat d'une abdication de la raison. Dans ce cas l'incitateur utilisera des ressorts émotionnels, par exemple, la haine d'une race ou d'un type de comportement. Il s'agira plutôt d'une provocation. Ainsi, une incrimination de l'incitation doit permettre la répression de plusieurs comportements : l'apologie, l'éloge, la motivation et la provocation à la commission d'infraction. ·L'apologie L'apologie est un discours écrit ou verbal qui a pour but la justification, la défense de personnes, d'actions ou d'ouvrages37. Ainsi, l'apologie du terrorisme peut porter sur trois éléments : Tout d'abord, il peut s'agir de la justification ou de la défense de terroristes reconnus comme le fait de prendre, dans un ouvrage, la défense d'Oussama Ben Laden ou de Abu Musab AlZarqawi. Ainsi, « l'affaire Dieudonné » (de son vrai nom M'bala M'bala), humoriste français, qui fut relaxé par le tribunal correctionnel de Paris, le 11 juillet 2003, après des poursuites pour « apologie de terrorisme »38. Il avait en effet déclaré en parlant des attentats du 11 septembre Il (Ben Laden) est seul contre la plus grande puissance du monde Donc forcément cela inspire le respect, je préfère le charisme de Ben Laden à celui de Georges Bush. Cette réponse a été donnée suite à une question qui ne portait ni sur les attentats, ni sur l'opinion de M. Mbala Mbala à propos de Ben Laden. En outre, M. Mbala Mbala précise qu'il comprenait sa (Ben Laden) révolution. Mais évidemment la violence ne résout rien. C'est contre ma conscience. De la sorte, tout débat relatif à la justification des actes terroristes étaient exclus de la question de la http://portail.atilf.fr/cgibin/dico1look.pl. 37 Définition de l'Académie française disponible sur : http://portail.atilf.fr/cgibin/dico1look.pl?strippedhw=apologie&headword=&dicoid=ACAD1932 38 Affaire n°0206300012, jugement du 11 juillet 2003, jugement non publié. journaliste et M. Mbala Mbala ne pouvait donc pas, par ses paroles, justifier les actes de terrorisme. Ensuite, l'apologie peut être une prise de position en faveur d'actes terroristes, par exemple la justification des attentats terroristes de Bali, contenue dans le document Mending the Heart of the Believers39 : Ils (les attentats de Bali) ont accentué le niveau de conscience de la jeunesse de la nation (musulmane), et les ont déterminés à infliger la punition (suprême) sur leurs ennemis et à ne pas gaspiller leurs énergies sur des batailles secondaires contre des pécheurs et des apostats. Enfin, il peut s'agir de prendre la défense de discours ou d'écrits qui correspondent aux deux premières possibilités. · L'éloge et la motivation : Un éloge est un discours ou un écrit à la louange d'une personne ou d'un acte40. Ainsi, à la différence de l'apologie, il ne s'agit pas de justifier mais de glorifier. Le numéro du mois de janvier 2006 de Filastin alMuslimah présente Raed Abdallah Zakarne, l'auteur d'un attentat suicide commis à Afula41 en Israël en avril 1994, comme un héroïque combattant du Djihad. Il s'agit ici d'un exemple typique de l'éloge d'un terroriste. En sus, l'attentat d'Afula est présenté comme une attaque de sacrifice pour Allah et comme un acte d'explosion héroïque, ce qui illustre un éloge d'acte terroriste. La motivation est l'action de motiver c'estàdire de fournir les motifs nécessaires42 pour passer à l'action. Les exemples de motivation abondent. Ainsi Carlos a déclaré : Le 11 septembre l'Amérique a déclaré la guerre, mais pas la guerre au terrorisme, ni aux seuls Arabes, encore moins à l'Islam qu'elle a su utiliser et manipuler selon ses besoins, 39 Traduction libre l'auteur de ce mémoire, texte complet disponible en anglais sur le site de l'institut de contreterrorisme : http://www.ict.org.il/articles/articledet.cfm?articleid=453 40 Définition de l'académie française disponible sur :http://portail.atilf.fr/cgi bin/dico1look.pl?strippedhw=éloge&headword=&dicoid=ACAD1932&articletype=1 41 Attentats du 06 janvier 1994 qui fit 9 morts civils et 45 blessés. 42 http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/fast.exe?mot=motiver mais elle a déclaré la guerre à tous les peuples parce qu'elle veut les soumettre..."43. Selon lui, dans la suite de son ouvrage, tous les peuples de la Terre devraient prendre les armes contre « le grand Satan » car il désire tous les éliminer, exemple flagrant de motivation à la violence. ·La provocation : Provoquer c'est exciter quelqu'un, le pousser, par un défi lancé ou par des outrances d'attitude ou de langage, à une action souvent violente et appelant ellemême une riposte. Pour la jurisprudence, la provocation est définie comme une manoeuvre consciente qui a pour but de surexciter les esprits et de créer la mentalité qui appelle à l'infraction44. A cet égard, la provocation ne fait pas appel à la raison mais aux émotions du provoqué. Il ne s'agit plus de convaincre mais de s'assurer d'une réaction instinctive. Les exemples les plus nombreux de provocation concernent la provocation à la haine et à la discrimination raciale qui est réprimée par l'article 24 de la loi française sur la liberté de la presse de 1881. Ces incriminations qui limitent la liberté d'expression sont autorisées par la Convention Européenne des Droits de l'Homme et validées par la Cour (comme il sera indiqué dans la partie II A 2). Nous avons donc déterminé ce qui ne relevait pas de l'incitation aux actes de terrorisme et ce qui en relevait. Il existe une dernière catégorie, la plus intéressante intellectuellement, celle dont il est plus difficile de savoir si elle relève ou non de l'incitation aux actes de terrorisme. iii.« La zone grise » : estce de l'incitation ? Affirmer qu'il est nécessaire d'empêcher, comme au Rwanda, les radios de diffuser des appels aux meurtres est aisé, mais est il aussi simple de rendre illégale 43 L'islam révolutionnaire, Monaco, édition du rocher, p. 191, 2003. 44 Tribunal correctionnel de Paris, 15 avril 1986, Revue de Science criminelle, 1987 n°209. l'expression d'une haine, voire du racisme dans un cadre privé ou familial ? Que faire lorsque toute une société tend à déshumaniser l'autre, désigné comme l'ennemi ? Ces questions renferment toute la problématique de l'endoctrinement. ·L'endoctrinement L'endoctrinement ou l'action de chercher à influencer, gouverner quelqu'un en lui imposant une doctrine, des modèles de pensée, des règles de conduite45, n'est pas une notion juridique. Il est, néanmoins, possible de distinguer deux éléments constitutifs : Le but, c'est à dire la volonté d'influencer, de gouverner et la méthode, c'est à dire imposer un modèle de pensée. En pratique cela peut se traduire de diverses façons. « 1984 » de Georges Orwell décrit admirablement une société où l'endoctrinement est roi. Mais il n'est nul besoin de la fiction pour prendre conscience des ravages de ces méthodes : un retour au régime nazi et à ses jeunesses hitlériennes, ou au régime stalinien et son Komsomol (jeunesses communiste du parti communiste d'Union Soviétique) nous rappelle comme il est simple d'endoctriner. L'endoctrinement s'adresse généralement aux jeunes plus malléables que leurs aînés, dont les opinions sont déjà forgées. L'endoctrinement est pour certains la cause des multiplications des « attentatssuicides » en Israël. Ainsi, la télévision palestinienne diffuse souvent des chants à la gloire du shahada46 (par exemple : Palestinian Tv, le 24 juillet 200247), de nombreuses fatwas48 justifient le recours aux attentatssuicide alors que certains livres scolaires dépeignent les juifs comme des traîtres49. Il est évident que ces pratiques, si elles s'ajoutent à une 45 http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/fast.exe?mot=endoctrinement 46 Martyr. 47 cité dans Maria Alvanou, « Islamic Incitement and Palestinian female terrorism », allocution présentée en 2005 à la conférence du CESNUR, à Palerme. 48 Décrets religieux. 49 Father said: 'What do we learn from this [Qur'anic] Surah [i.e., Surat alHashr - Exile]?" Mahmud said: "We learn from it precious lessons, some of which are [...] the Jews are a people of transmission par la famille d'une « haine du juif », ne peut que favoriser les attentats50, en diabolisant l'ennemi qui n'est plus considéré comme un être humain. Ces approches factuelles permettent de cerner le phénomène en pratique mais ne font appel qu'à des notions floues et non juridiques. Il est donc nécessaire de s'essayer à une approche juridique de la notion d'incitation 2.Approche juridique : Après avoir tenté de comprendre, dans les faits, ce qu'est l'incitation, il convient de définir ce phénomène en droit. Pour cela, divers instruments juridiques internationaux qui fondent une éventuelle obligation d'incriminer l'incitation aux actes de terrorisme seront étudiés. Ensuite, la notion juridique d'incitation sera analysée à travers les exemples de l'incitation aux produits stupéfiants et au génocide. Enfin l'incitation aux actes de terrorisme sera étudiée. |
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