CHAPITRE 2 : LA LEGALITE DE LA GUERRE PREVENTIVE AU
REGARD DE LA NORME
Nous allons étudier ici, les instruments juridiques qui
régissent
le recours à la force dans les relations
internationales. Interviennent dans ce cadre, non seulement les
instruments du droit international, mais également ceux du droit
interne.
S'agissant du droit international, nous pouvons citer
comme instruments juridiques essentiels, les Conventions bilatérales et
multilatérales qui réglementent le jus ad
bellum1. Mais, vu toutes les difficultés qu'il y aura
à recueillir, à analyser et à cerner l'ensemble des
Conventions bilatérales existant entre les Etats, nous nous proposons de
recentrer l'analyse autour de la Charte des Nations Unies qui est
à l'heure actuelle l'instrument juridique de
référence qui régit les conditions de
l'entrée en guerre. A côté de la Charte,
nous
embrasserons pour les besoins de l'étude, les
cas de quelques
Conventions d'importance majeure.
En revanche, pour ce qui est du droit interne
nous nous focaliserons sur les lois fondamentales des Etats car elles
constituent la source par excellence de la souveraineté des
Etats. D'elles, découlent certaines obligations pour les Etats
sur le plan de leurs relations internationales. Il s'agit par exemple de
l'obligation de faire la guerre
ou de ne pas la faire, l'obligation de faire la guerre de
sécurité nationale
ou encore l'obligation de s'abstenir de livrer une guerre
d'agression. Il
ne sera donc pas inutile d'analyser la légalité
de la guerre préventive au regard du droit interne et plus
précisément au regard de quelques dispositions
constitutionnelles.
Notre première section sera consacrée à
la position de la Charte des Nations Unies sur la LDP. Ensuite, dans
notre deuxième section, nous analyserons certaines dispositions
constitutionnelles qui
concernent le recours à la force.
1Le jus ad bellum, c'est le droit qui régit les
conditions d'entrée en guerre. Il diffère du jus in bello et du
jus post bellum. Le premier (le jus in bello), réglemente le
déroulement du conflit armé, tandis que le second (le jus post
bellum) réglemente
l'après conflit.
Section 1 : La Charte des Nations Unies et la notion de
légitime défense préventive
Avant l'élaboration et l'adoption de la Charte des Nations
Unies en 1945, l'emploi de
la force par les Etats sur la scène internationale
faisait déjà l'objet de quelques Conventions1 . Mais
dans les faits, l'usage de la force était toujours laissé
à la discrétion des Etats comme en
ont témoigné les deux guerres mondiales.
Dans ce contexte, il apparaissait alors inutile et inopportun de
régir la légitime défense, puisque attaquer un Etat ou se
défendre d'un Etat par
la force, était déjà considéré
comme une chose discrétionnaire. Il n'y avait de ce fait, aucune norme
spécifique concernant la légitime défense. Mais,
avec l'avènement de la Charte en
1945, la notion de légitime défense allait
désormais être dotée d'un cadre normatif formel.
En effet, après avoir posé le principe du
non recours à la force en son article 2 paragraphe 4, la
Charte tempère cette interdiction par l'article 51 qui
crée un droit exceptionnel de légitime défense au
profit des Etats qui font l'objet d'une agression2 :
« Aucune disposition de la présente
Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime
défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre
des Nations Unies est l'objet d'une agression armée jusqu'à ce
que le Conseil de Sécurité ait pris les mesures
nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité
internationales ». Mais quelle peut bien être la portée
d'une telle disposition ? Peut-on y voir une autorisation implicite ou
même explicite de la légitime défense préventive
?
Depuis la création de cette norme, les opinions sont
divisées sur la question. Les uns plaident pour une
interprétation restrictive qui exclurait du champ de la légitime
défense la guerre préventive (paragraphe 1).
D'autres plaident pour une interprétation extensive qui
inclurait la guerre préventive dans le champ de l'article
51 (paragraphe 2).
1D'abord c'était la Convention
Drago-Porter de 1907 qui interdisait en son article 1er
le recouvrement armé de dettes contractuelles entre
Etats.Ensuite c'était le Pacte de la SDN signé le 28
juin 1919 qui faisait état dans son préambule,
de « certaines obligations de ne pas recourir à
la guerre ». On a enfin le Pacte Briand-Kellog du 26 Août 1928
par lequel les
Etats signataires renonçaient à la guerre en tant
qu'instrument de politique nationale.
2 Selon la résolution 3314 du 14
décembre 1974 de l'Assemblée Générale des Nations
Unies, « L'agression est l'emploi de la force armée par un
État contre la souveraineté, l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique d'un autre État,
ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies
». (Voir la résolution 3314 dans les annexes)
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