PRIVATISATIONS CAMEROUNAISES : DEROULEMENT ET METHODE
D' EVALUATION
Le processus de privatisation en cours au Cameroun
soulève aujourd'hui de vives réactions de la part du grand
public. Pour l'homme de la rue, la privatisation est
un pire cauchemar. Les désagréments
observés depuis la reprise de la SONEL par l'américain
AES, notamment avec le phénomène de "délestage"
n'a fait que conforter cette opinion. A la Commission Technique de
Privatisation et de Liquidation, on est plutôt préoccupé
par les opérations en cours, et on promet de leur assurer un
succès tout aussi retentissant que celui des opérations
antérieures. En effet dans un des bulletins
périodiques15 publiés par cette entité, on
peut se rendre compte du fait que la concession des chemins de fer du
Cameroun et la reforme du secteur des
télécommunications sont présentées comme
étant un succès. Par ailleurs, on observe dans le paysage
économique camerounais, la naissance d'une catégorie
bien particulière d'institutions, il s'agit des Agences de
régulations. Toute cette dynamique
pousse quand même à s'interroger en profondeur
sur le phénomène. Quelles sont les règles du jeu des
privatisations au Cameroun ? Comment arrive-t-on à la décision de
privatiser ? Et dans la mesure où nous sommes appelés
à évaluer l'efficacité du processus en cours, quelle
démarche allons nous employer pour le faire ? Ce chapitre apporte une
réponse à ces questions en présentant dans une
première partie le processus de privatisation camerounais, et
dans une seconde la méthode qui sera utilisée pour
l'évaluer.
Section 1 : Le processus de privatisation camerounais
Pour un succès optimal de tout programme de
privatisation, il est urgent de définir les règles qui
vont le régir. En effet, par la mise sur pied d'un cadre
réglementaire, les initiateurs cherchent à répondre
aux questions suivantes : Quels
15 Il s'agit du n°01/mai 2000 de
"Privatisations News"
objectifs voulons nous atteindre ? Quelles techniques de
privatisation allons nous
retenir ? Quelles entreprises devons nous privatiser, à
qui et à quel prix ? Il s'agit pour nous dans cette section, de montrer
quelles sont les règles du jeu et les procédures de
privatisations définies par l'Etat camerounais.
1.1. Le cadre légal et principes directeurs
des privatisations camerounaises
Les règles du jeu des privatisations au Cameroun
comprennent non seulement l'ensemble des textes de lois qui conditionnent la
procédure de privatisation et donne la liste des entreprises
concernées, mais également les principes directeurs qui
sont observés lors de cette procédure.
1.1.1. Le cadre légal des Privatisations au
Cameroun
On pourrait situer la genèse de la
réglementation de la privatisation au
Cameroun à la date du 03 juin 1986, avec la signature par
le chef de l'Etat du décret n°
86/656 portant création d'une Mission de
Réhabilitation des Entreprises du Secteur Public et Parapublic
(MRESPPP). La quintessence de cet acte réglementaire nous permet
de lire déjà dans les intentions du gouvernement, la
volonté de solutionner le problème de la mauvaise santé
des entreprises de son portefeuille, avec notamment la mise en place des
structures telles que la Commission Technique et le Comité
interministériel, tous deux organes de la mission de
Réhabilitation. Cette intention va mieux s'afficher dans le
décret n° 89/010 du 04 janvier 1989 portant élargissement
des attributions de la MRESPPP. En effet dans son article premier, nous pouvons
lire que
la Mission " veille à la mise en oeuvre du programme de
privatisation et de liquidation des entreprises publiques et parapubliques
arrêté par le gouvernement".
Jusqu'ici, bien que la mise sur pied d'un programme de
privatisation soit déjà évoquée, la question du
comment est encore sans réponse. Il faudra attendre le 22 juin
1990, avec la signature de l'ordonnance n° 90/004
relative à la privatisation des entreprises publiques et
parapubliques pour y voir plus claire. Ce texte, véritable code
en matière de privatisation dans notre pays mentionne
d'abord ce que l'Etat attend des privatisations. Ensuite, il liste les
personnes concernés par l'opération, définit les
différents objectifs assignés à celle-ci, choisit les
techniques qui seront utilisées, et fixe
les modalités juridiques financières et fiscale qui
devront guider l'opération. Le décret
d'application de cette importante ordonnance est
référencé au n° 90/1257 du 30 août
1990. La première liste des entreprises sujettes
à cette opération est contenue dans le décret 90/1423 du
03 octobre 1990. Ainsi se sont 15 entreprises appartenant à
différents secteurs d'activité qui sont pointées du
doigt. Les décrets n° 94/ du 14 juillet 1994 et n°
99/210 du 22 septembre 1999 viennent compléter cette liste en
y ajoutant respectivement 15 et 7 autres entreprises. Au total se
sont 37 entreprises (auxquelles il faudrait ajouter trois
établissements financiers) qui ont déjà faits l'objet
d'une volonté manifeste de rétrocession de la part du
Gouvernement.
1.1.2. Les principes directeurs des privatisations
au Cameroun
Dans le but de créer et de renforcer les conditions de
transparence et de saine concurrence dans le processus de privatisation, les
principes suivants sont respectés :
- L'évaluation préalable et objective de
l'entreprise ;
- L'appel à la concurrence ;
- la publicité
L'évaluation préalable est systématique
avant chaque opération de privatisation de manière à ce
que l'Etat sache ce qu'il vend et que les candidats investisseurs aient une
information fiable et complète sur chaque entreprise. L'appel
à la concurrence se traduit par des appels d'offres lancés au
plan international afin de susciter le plus grand intérêt de la
part des investisseurs. La publicité quant à elle est
destinée à informer aussi bien l'opinion nationale que les
investisseurs camerounais et étrangers. Elle se fait à toutes
les phases du processus, depuis l'admission de l'entreprise à la
procédure
de privatisation, jusqu'à la sélection provisoire
et définitive du repreneur.
A ces principes résultant de la loi, il faudrait
ajouter une pratique complémentaire consistant à assurer un
traitement égal à tous les candidats, notamment en ce
qui concerne l'accès à l'information et l'assujettissement aux
conditions prescrites par les cahiers de charges. Ces principes de
transparences et d'égalité de traitement des candidats ont
été étendus au processus de recrutement des
Cabinets d'Etudes et de Banques d'affaires qui assistent le
gouvernement dans la conduite des opérations de
privatisation.
1.2. Le Processus de prise de
décision
Le décret n° 90/004 du 22 juin 1990 dans son
article 3 prévoit comme mode désengagement de l'Etat non
seulement les opérations de privatisation (peuvent s'effectuer de
plusieurs manières), mais également celles de
liquidation et de dissolution. Pour pouvoir décider du mode de
désengagement à utiliser, il existe
tout un processus qui comprend plusieurs étapes.
1.2.1. La liquidation
De manière très simple liquider une entreprise
c'est vendre tout son actif afin de couvrir dans un certain pourcentage et
selon un ordre légal de préférence son passif.
En effet c'est une opération qui intervient quand
l'entreprise souffre d'un sérieux déséquilibre
financier, et ne peut plus faire face à ces engagements à court
terme. Pour
ce qui est du processus camerounais de
rétrocession, les étapes préalables qui
déclenchent le processus de prise de décision sont celles de
l'analyse en profondeur et
de l'évaluation de l'entreprise. Cette
évaluation est effectuée dans le but d'informer l'Etat et les
candidats investisseurs sur la valeur de ce qui va être vendu. Au bout de
cette étape, on peut savoir si l'entreprise est viable et si elle a
réellement des chances
de subsister. Dans le cas contraire, on décide de liquider
l'entreprise.
1.2.2. La restructuration
Après une analyse en profondeur et une
évaluation de l'entreprise, si on se rend compte que celle-ci n'est que
convalescente, autrement dit qu'avec quelques efforts de gestion elle peut
encore subsister, alors on l'engage dans un processus de restructuration. La
restructuration est une opération par laquelle l'Etat s'engage
à rendre l'entreprise mieux vendable soit en durcissant sa gestion,
soit en engageant des opérations assainissement, capables de la ramener
sur le chemin de la prospérité. Si l'opération de
restructuration (qui peut être plus ou moins longue)
s'avère être une réussite à terme, l'Etat aura
ainsi contribué à rendre l'appel d'offre plus attrayant. Et la
concurrence entre les potentiels repreneurs parce que plus
incités est de nature à
augmenter le prix de cession de l'entreprise. Il peut
également arriver qu'au bout d'une
opération de restructuration, l'Etat n'ait pas
réussi à améliorer la santé financière de
l'entreprise. Dans ce cas, la solution précédente,
celle de la liquidation est la seule à pouvoir être
envisagée.
1.2.3. De la stratégie de Privatisation
à la signature du contrat
Maintenant que l'on est fixé sur le sort de
l'entreprise, il faudrait établir une stratégie de
privatisation qui soit adaptée à ses spécificités.
Il faudrait également lancer l'appel d'offre et aboutir à la
signature de la convention de vente.
1.2.3.1. La préparation de la stratégie
de Privatisation
Les études faites au préalable auront permis
d'avoir les informations nécessaires
à la définition des conditions et des
modalités par lesquelles la privatisation devra être faite pour
atteindre les objectifs qui lui sont assignés. Ainsi comptes tenus des
forces et des faiblesses de l'entreprise, de ses contraintes et atouts
spécifiques, des conventions
qui la lient avec les tiers, ou avec certains associés,
l'Etat va adopter une stratégie. Il s'agira par exemple de
négocier un plan social lorsque celui-ci est prévu,
d'harmoniser
les points de vue des différents stakeholders avec
lesquels l'entreprise est liée, avant de passer à la phase
cruciale de lancement d'appel d'offre. Par ailleurs la stratégie
de privatisation en intégrant dans ses coefficients directeur les
informations fournies par
les études antérieures déterminent
une valeur de référence à l'entreprise qui est
destinée à servir de repère dans l'appréciation des
résultats de l'appel d'offre, ou dans la négociation. Car le
prix réel de l'entreprise est celui issu de la confrontation
entre l'offre et la demande.
1.2.3.2. L'Appel d'offre
L'opération d'appel d'offre est une étape
fondamentale dans le processus de privatisation d'une entreprise. Dans
son quatrième article, le décret n°90/004 du 22 juin
1990 stipule "qu'afin d'assurer la transparence des opérations de
privatisation, et dans un souci d'obtenir un juste prix pour l'Etat,
elles devront être effectuées
conformément aux principes directeurs" parmi lesquels
l'appel à la concurrence. Les
différentes informations concernant l'entreprise, le
secteur d'activité dans lequel exerce
l'entreprise, sont contenus dans le dossier d'appel d'offre.
Une fois l'appel d'offre lancé, la gestion
du processus de sélection de l'adjudicataire est
organisée par rapport à chaque dossiers. Les offres
reçus sont évaluées aussi bien sur les aspects techniques
que financiers, pour la désignation de l'adjudicataire provisoire avec
qui il convient de négocier.
1.2.3.3. Signature de la convention de
cession
Les résultats des négociations avec
l'adjudicataire provisoire sont sanctionnés
par une convention qui définit les conditions et
modalités de la cession. Ces conditions sont souvent contenues dans
un cahier de charges. La convention étant signée, le
transfert de propriété entre l'Etat et l'acheteur est
effectué.
En somme, les principales étapes du processus de
privatisation sont résumées
dans le schéma suivant :
FIGURE 3.1 :
PRINCIPALES ETAPES DU PROCESSUS DE PRISE DE DECISION
Analyse en profondeur et évaluation de
l'entreprise
L'entreprise est-elle
viable et a-t-elle réellement des chances de
subsister ?
NON
LIQUIDATION
OUI
L'entreprise peut-elle
être privatisée en l'état
?
OUI
NON
RESTRUCTURATION
La restructuration
NON
Préparation de la
stratégie de Privatisation
OUI
est-elle réussie ?
Est-il prévu un plan
social ?
NON
OUI Négociation du plan
social
Lancement de l'appel
d'offres
Evaluation des Offres
techniques et financières
DESIGNATION DE L'ADJUDICATAIRE
Négociation
Signature de la Convention de Cession
source : "Privatisation News", n°01/mai 2000
1.3. Les Techniques de
privatisations
Ces techniques de privatisation tiennent compte des
caractéristiques propres
à l'entreprise, du secteur où celle-ci
opère et de la structure de son marché. Elles peuvent
prendre l'une des formes suivantes selon qu'il existe un marché
financier ou non : la vente d'éléments d'actifs, la vente
d'actions, l'ouverture de capital, le contrat
de gestion et la concession.
1.3.1. La vente d'éléments
d'actifs
Cette technique est généralement
utilisée pour les entreprises à structure financière
déséquilibrée et dont le redressement nécessite des
moyens importants. Elle porte sur la cession d'unités autonomes
d'exploitation. Cette technique, de moins en moins utilisées,
cède progressivement la place à la technique de vente de
blocs
d'actions.
1.3.2. Vente de blocs d'actions
Les ventes de blocs d'actions se font en recourant
à la concurrence, soit par appel d'offres sur la base d'un
cahier des charges, soit à la criée par le biais de la
bourse des valeurs mobilières. Elle peut aussi prendre la forme d'une
vente d'un bloc
de contrôle combinée avec une offre
publique de vente (O.P.V). Cette pratique est utilisée pour
les entreprises financières saines et disposant d'un
potentiel de croissance. Dans ce cas, la vente d'un bloc de contrôle
est combinée avec la réalisation d'une O.P.V. Cette technique
est de nature à assurer une large diffusion de l'actionnariat et
l'introduction en bourse de nouveaux titres.
1.3.3. L'ouverture du capital
Cette technique consiste à procéder à
l'ouverture du capital de certaines grandes entreprises publiques avec pour
objectif de leur permettre de s'assurer de l'appui d'un partenaire à
haut potentiel, soit technique, soit financier, de dynamiser le
marché
financier et de promouvoir l'actionnariat populaire.
1.3.4. La concession
Elle consiste en un transfert de la gestion et de
l'exploitation d'une activité traditionnellement assurée par
une entité publique, à une personne ou une entité
privée, et ce pour une période déterminée (+
de10 ans) au cours de laquelle le concessionnaire réalise et
finance les investissements. Elle offre un grand avantage aux pouvoirs publics
dans la mesure où ils n'assurent aucun engagement financier. Mais elle
ne va pas sans inconvénients. La possibilité qu'elle offre
à l'investisseur de partitionner les activités de
l'entreprise peut déboucher à une situation peu
confortable dans laquelle les activités non rentables resteraient la
propriété de l'Etat.
1.3.5. Le contrat de gestion et
l'affermage
Dans ce cas, l'Etat demeure propriétaire des actifs et
ne cède que la gestion de l'entreprise au secteur privé
approprié, la durée du contrat n'excédant pas cinq
ans. Ainsi, l'Etat continue à assurer les risques commerciaux de
l'activité et les charges de maintenance de renouvellement et
d'extension des investissements.
Dans le cas où la gestion de l'entreprise et l'entretien
des équipements sont sous
la responsabilité de l'investisseur privé, on
parle plutôt de contrat d'affermage. Celui-
ci à une durée de cinq à dix ans et le
concessionnaire supporte tous les risques liés à son
activité. Le diagramme ci-dessous montre combien le niveau de
délégation ou le risque transféré est
positivement corrélé au volume d'investissements
financiers
réalisés par l'opérateur privé et la
durée du contrat.
Investissements, Répartition des
risques
Privé
Public
0
Affermage
Location gérance
Régie intéressée
Contrat de gestion
Sous-traitance
source : Bulletin d'information du CREDDA n°13
Concessions
Privatisation
Durée illimitée
Figure 3.2
Techniques contractuelles de privatisation
Section 2 : Démarche d'investigation dans le
secteur des entreprises privatisées au
Cameroun
Il existe de nombreuses démarches pour rendre
compte de l'efficacité des privatisations. Celle que nous utilisons
ici est empruntée à Megginson et al (1994) et
réadaptée en fonction non seulement du contexte
camerounais, mais également de l'aspect partenarial sur lequel
l'étude s'étend. Avant de présenter
concrètement cette démarche, nous rappelons d'abord la
problématique, les hypothèses de cette recherche, ainsi
que le modèle élaborée et ses ingrédients.
2.1. Rappel de la Problématique et des
hypothèses de recherche
Il s'agit pour nous à ce niveau de rafraîchir la
mémoire du lecteur, afin de lui permettre de mieux appréhender
les développements qui vont suivre. La présentation
schématique du modèle à la fin de ce paragraphe
obéit également à cette logique.
2.1.1. La problématique de la relation P/P au
Cameroun
La revue de la littérature sur la relation privatisation
performance montre que celle-ci est encore controversée. En effet
il existe de nombreuses ambiguïtés non seulement entre la
théorie et la recherche empirique, mais également entre les
résultats des diverses recherchent qui sont loin de
s'accordés. Cette situation nous pousse à rechercher dans
le contenu donné à la notion de privatisation, mais
surtout à la performance qui ne devrait pas se limiter à sa
seule connotation économique. Fort de
ce constat, et plus d'une dizaine d'années
après le lancement du programme de privatisation camerounais, il
nous a semblé nécessaire de s'interroger sur ses
résultats. Ainsi cette étude se pose la question de savoir
quel est l'impact de la privatisation sur
la performance économique des entreprises, sur les
bailleurs de fonds, sur l'état, et sur
le personnel ? En d'autres termes, à qui profite la
privatisation ?
2.1.2. Base des hypothèses et
Hypothèses recherche
Pour pouvoir résoudre ce problème,
nous nous appuyons sur la théorie néoclassique, et en
particulier dans ses développements néo institutionnels,
qui affirment la supériorité du système de
propriété privé. Ainsi notre première
hypothèse s'intitule comme suit :
H1: "la privatisation accroît
la performance économique des entreprises
privatisées".
La TGP est le fondement de notre deuxième
hypothèse. En effet cette théorie
considère tout partenaire étant en possession
d'information spécifique, comme devant être à l'origine
d'une décision. Et comme l'entreprise est désormais
considérée comme
un noeud de contrat au centre duquel se trouve le dirigeant, ce
dernier subit l'influence
de chacun dans la prise de ses décisions
notamment en matière de répartition de la valeur
crée. Compte tenu du fait que la privatisation accroît cette
latitude de chaque partenaire à discipliner le dirigeant, elle permet
par conséquent une amélioration de la part de chacun dans le
partage de la valeur globale crée par l'entreprise. D'où
l'hypothèse suivante :
H2 : "la privatisation accroît la valeur
appropriable par chaque groupe de partenaire pris
individuellement".
Pour faciliter l'opérationnalisation de cette
dernière hypothèse, nous l'éclatons
en trois sous hypothèses :
H2a : " la privatisation accroît la valeur appropriable
par les salariés".
H2b : " la privatisation accroît la valeur appropriable
par les Bailleurs de fonds".
H2c : " la privatisation accroît la valeur appropriable
par l' Etat".
Le schéma suivant résume donc l'ensemble de nos
propositions:
Performance économique
(H1)
PRIVATISATION
(*)
(H2a)
(H2b) (H2c)
(H2d)
Valeur appropriable
par les salariés
Valeur appropriable par
les Bailleurs de fonds
Valeur
appropriable par l'Etat
Valeur
appropriable par les clients
Relation d'accroissement
(*) Cette relation ne sera pas vérifié
dans notre étude
2.1.3. Présentation schématique du
modèle d'EPP
Au regard de ce qui précède, nous pouvons
schématiser le modèle de la manière suivante:
PRIVATISATION
Accroissement de la discipline exercée par chaque groupe
de partenaires sur
le dirigeant, d'où accroissement de la valeur appropriable
par chacun d'eux.
*
Déréglem entation
Transfert de la Propriété
Modification de l'Architecture
organisationnelle
Accroissement de la discipline du Conseil d'Administration
Processus décisionnel
plus décentralisé.
(H1)
(H2)
Performance
économique
(H2a) (H2b)
(H2c)
Valeur
appropriable par les salariés
Valeur appropriable par l'Etat
Valeur appropriable
par les Bailleurs de fonds
Performance Partenariale
Relation d'accroissement
Relation d'égalité
*Aspect de la modification de l'architecture
organisationnelle vérifié dans cette étude
FIGURE 3.3 :
Modèle d'efficacité Partenariale des
privatisations
2.2. Les Ingrédients du Modèle
d'EPP
Par ingrédient du modèle, nous entendons
les différentes variables prises en compte ainsi que les indicateurs
choisis pour pouvoir les approximer. Nous présentons également un
tableau des différentes évolutions attendues
2.2.1. Les Indicateurs de mesure des Variables du
modèle d'EPP
A l'instar des études antérieures sur la
privatisation (Megginson et al 1994, Villalonga 2000, Carreaux et
Alexandre 2001), nous optons pour l'utilisation des indicateurs
comptables. Malgré les nombreuses critiques notamment celles
liées aux possibilités d'habillage ou de manipulation des
résultats, ils semblent être les seuls à pouvoir
approximer la performance actionnariale et partenariale surtout dans un
environnement économique marqué par l'absence d'un marché
financier.
Pour mesurer la performance économique, nous allons
utiliser deux ratios:
i) le taux de rentabilité des Capitaux
propres
Return On Equity (ROE)= Résultat
Net/Capitaux Propres
Ce ratio reste le seul indicateur qui soit
fondé en tant qu'approximation comptable de la valeur
actionnariale, véritable mesure de la rentabilité de
l'entreprise. Il consacre effectivement l'idée selon laquelle
l'actionnaire est le seul créancier résiduel et affirme en
toute rigueur que le résultat net n'est secrété que par
les capitaux propres. L'inconvénient de ce ratio
est qu'il est très sensible aux manipulations comptables.
Voilà pourquoi nous l'accompagnons d'un autre ratio.
ii ) Le ratio de rentabilité
économique
(RE)= Excédent Brut
d'Exploitation (EBE)/Capitaux
Permanents
L' EBE incorporant les frais financiers, le ratio
permet de mesurer la rentabilité obtenue de l'ensemble des
capitaux investis par les investisseurs actionnaires et créanciers
financiers.
Pour ce qui est de la valeur appropriable par les
différents partenaires, de nombreuses difficultés demeurent
quant à l'utilisation d'un indicateur agrée par la
communauté scientifique. Ceci vient du fait que pour certains
partenaires les flux
monétaires avec l'entreprise sont unidimensionnels
(Figge et Schaltegger, 2000).
L'autre difficulté est liée à la
nature même de la valeur. En effet celle-ci n'est pas toujours
quantifiable et nécessite l'utilisation des stratégies
d'investigation qualitative pour être tout au moins approximée.
Pour le client par exemple, la valeur appropriable peut dépendre du
prix, mais également de la qualité du service
commerciale. En faisant l'hypothèse d'un attachement commun de tous les
clients aux mêmes valeurs, il reste que la mesure des indicateurs
de cette valeur serait difficilement quantifiable. Ceci justifie le fait
que la valeur appropriable par les clients ne soit pas analysée dans
cette étude. Cette dernière reste donc à explorer.
Pour ce qui est des autres partenaires, l'analyse du partage
de la valeur ajoutée nous semble être assez significative
pour approximer la valeur reçue par chaque partenaire. Patrice
Vizzavona trouve en elle l'indicateur permettant de mesurer au mieux
l'efficacité de l'entreprise et la combinaison des facteurs qui sont mis
en oeuvre pour son fonctionnement et sa survie. La principale critique faite
à la valeur ajoutée comme mesure de la valeur crée
est qu'elle ne tient compte que des prix et coûts explicites.
Pourtant, l'une des raisons de l'écart entre coûts prix
explicites et ceux d'opportunité est l'asymétrie d'information
qui existe entre deux cocontractants. Voilà pourquoi la
réduction de cette asymétrie informationnelle a pour effet
d'améliorer l'approximation de la valeur partenariale par la valeur
ajoutée.
Cela dit la valeur ajoutée étant retenue comme
indicateur de valeur créée pour
les trois groupes de partenaires concernés par notre
étude, les ratios suivantes mesurent
la valeur appropriable par chacun d'eux:
Valeur appropriable par les salariés
VS = Frais de
personnel(FP)
Valeur ajoutée(VA)
Valeur appropriable par les bailleurs de fonds
VBF = Intérêts
Versés(IV)
Valeur ajoutée
Valeur appropriable par l'état
Impôts et Taxe(IT)
VE =
Valeur ajoutée
2.2.2. Les Evolutions Attendues
En rapprochant chaque indicateur de la variable qu'il est
sensé mesurer, nous pouvons élaborer le Tableau suivant,
véritable tableau de bord qui nous permettra de
confirmer ou d'infirmer nos hypothèses:
Tableau 3.1 Evolutions attendues
|
|
HYPOTHESES
|
VARIABLES
|
INDICATEURS
|
EVOLUTION
ATTENDUE*
|
H1
|
Performance
Economique et
Financière
|
ROE= RN
CP
RE= EBE
CPerm.
|
ROEA >ROEB
REA >REB
|
H2
|
H2a
|
Valeur
appropriable par le personnel
|
VS=
FP
VA
|
VSA >VSB
|
H2b
|
Valeur
appropriable par les bailleurs de fonds
|
VBF = IV
VA
|
VBFA > VBFB
|
H2c
|
Valeur
appropriable par l'Etat
|
VE= IT
VA
|
VEA > VEB
|
Source : l'auteur
*L'indice A signifie « After privatisation »,
après privatisation
*L'indice B signifie « Before
Privatisation », avant la privatisation
2.3. La Méthode d'évaluation de
l'Efficacité : une approche longitudinale
La littérature sur la privatisation permet de
dénombrer quatre principales démarches utilisées pour
évaluer l'efficacité des privatisations : la mesure de
l'efficacité, la dimension
transvesalité/longitudinalité, les effets temporels de la
privatisation, et la modélisation du lien privatisation performance
(Charreaux et Alexandre, 2001). Si pour la dernière
démarche le difficile accès aux données quand bien
même elles existent et l'absence d'un marché
financier16 justifie son abandon, celle qui la
précède directement nous semble moins adaptée à
notre étude. En effet cette démarche dite
d'effets temporels correspond aux études dont
16 Dans cette démarche, les variables
comme l'appartenance à un indice boursier mesurent
l'intensité de la discipline exercées par le marché
financier. Elles sont explicatives des performances dans la mesure
où cette
appartenance entraîne une attention renforcée des
investisseurs et des autorités boursières.
l'objectif est de montrer l'influence du temps dans la
réussite d'une privatisation. La méthode
dite d'approche longitudinale est en quelque sorte une
synthèse des deux premières. Avant de décrire
l'échantillon et les tests qui seront effectués, nous
allons d'abord présenter cette méthode.
2.3.1. Présentation de la méthode dite
d'approche longitudinale
C'est une approche proposée par Megginson et al
(1994). Elle consiste à comparer les valeurs prises par certains
indicateurs des variables concernées par l'étude, avant et
après la privatisation. En effet on constitue deux
sous-échantillons, un pour les données des trois années
avant la privatisation et un autre pour celles des trois années les
plus récentes (dans la base de donnée) après la
privatisation. Ensuite on détermine pour chaque entreprise et
pour chaque indicateur une série des moyennes dans chacun des sous
échantillons. Ces deux séries de moyennes nous permettent de
caractériser l'évolution en médiane et en moyenne de
chaque indicateur avant et après
la privatisation. Ainsi, pour chacun des indicateurs, nous aurons
une moyenne et une médiane avant et après la privatisation.
2.3.2. Présentation de la population
d'entreprises privatisées au
Cameroun, et méthode
d'échantillonnage
La population d'entreprises privatisées à ce jour
dans notre pays est constituée
de 18 entreprises (Tableaux 3.3). Ces entreprises se recensent
dans tous les secteurs d'activité. Pour pouvoir retenir un
échantillon d'entreprises concernées finalement par
l'étude, nous faisons un sondage exhaustif selon les critères
suivants :
· La date de privatisation
Notre étude portant sur une durée de sept ans,
(trois ans avant la privatisation, et trois ans après), les
entreprises dont la date de privatisation se situe après le 01
janvier
2001 sont écarté de l'échantillon final.
Ceci non seulement parce que les trois années, après celle de la
privatisation ne sont pas encore échues, mais également à
cause des réaménagements survenu au cours de l'année 2002
au Cameroun, avec l'arrimage de l'année budgétaire à
l'année civile, conformément aux prescriptions de l'acte OHADA
actuellement en vigueur dans notre pays ;
· La disponibilité des informations
Nos besoins en informations sont résumés dans le
Tableau 3.1. ci dessous :
Tableau 3.2. : Données sur les entreprises
privatisées
RAISON SOCIALE
...................................................................
|
Eléments
|
Avant la
privatisation
|
N
Année de privatisation
|
Après la privatisation
|
N-3
|
N-2
|
N-1
|
N+1
|
N+2
|
N+3
|
...............
|
2001/2002
|
Résultat Net
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Capitaux
propres
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Excédent
brut d'exploitation
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Capitaux
permanents
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Frais de
personnel
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Intérêts
versés
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Impôts et
taxes
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Valeur
Ajoutée
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Source : l'auteur
Ainsi, grâce à la collaboration de la Direction
de la Statistique, et de la CTPL (Commission Technique de Privatisation et de
Liquidation) nous avons pu collecter les données qui seront
analysées dans la suite. Et c'est par rapport à la
disponibilité de ces informations que finalement notre étude ne
portera que sur 12 entreprises mentionnées
dans le tableau suivant :
Tableau 3.3 Entreprises privatisées au
Cameroun
Entreprises
|
Secteur
d'activité
|
Date de
lacement de
l'appel d'offre
|
De
signatur e du
contrat de vente
|
Acquéreurs
|
% du
secteur privé étrange r
|
Montan
t de la vente
en millions de CFA
|
O.C.B
|
Production et
commercialisatio n de la banane
|
Le 13
octobre
1990
|
Le 15
Février
1991
|
Compagnie
Fruitière de
Marseille
|
70
France
|
2,281
|
SOCAMAC *
|
Manutention et
Acconage
|
Le 16
Avril
1991
|
Le 03
Octobre
1993
|
CCEI
Devenu
GEODIS
|
51
France
|
849,243
|
CHOCOCAM*
|
Transformation
Du cacao
|
Le 16
Avril
1991
|
Le 12
Décembr e
1995
|
Groupe
Barry sa
|
70
France
|
258,112
|
SEPBC*
|
Exploitation du
parc à bois
|
Le 16
Avril
1991
|
Le 12
Avril
1991
|
Investisseurs
étrangers
|
70
France
|
1,813
|
ONDAPB
|
Aviculture
Et petit bétail
|
Le 16
Janvier
1992
|
Le 23
Février
1995
|
Groupe
Fadil(Yaound é)
Daniel YOK Muyoka
|
34
France
|
-
|
SCDM*
|
Industrie
métallurgique
|
Le 16
Avril
1991
|
Le 30
Juin
1994
|
HOBUM
AFRIKA
|
86,6
Alleman d
|
300
|
SOFIBEL
|
Industrie
Du bois
|
Le 26
décembre
1991
|
Le 13
décembre
1995
|
Groupe
Fadil
|
Moins
de
50
|
1,425
|
CEPER
|
Impression et
édition
|
Le 10
Mars
1992
|
Le 24
Septembr e
1998
|
MUPEC
|
0
|
500
|
COCAM*
|
Transformation
Du bois
|
De
décembre
1991 à Septembr e
1992
|
Le 29
Décembr e
1992
|
Société
Khoury
|
87,6
Inde et
Pakistan
|
500
|
CAMSUCO
|
Culture et
transformation
de la canne à
|
1991,
1993,
1995,
|
Le 22
Décembr e
|
SOSUCAM
|
98,12%
|
11,000
|
|
sucre
|
1998
|
1998
|
|
|
|
SPFS*
SRL*
|
Raffinerie
Huile de palme
|
Le 01
Mai et
Janvier
1993
|
Le 23
Février
1995
|
Groupe Fadil
Et autres Partenaires étrangers
|
63,49
Suisse
|
-
|
CAMSHIP*
|
Transport
Maritime
|
Le 14
Juillet
1994
|
Le 13
Février
1997
|
Groupe
privés
|
48,41%
|
3,000
|
HEVECAM*
|
Culture et
Commercialisati on
De l'hévéa
|
Le 14
Juillet
1994
|
Le 09
Décembr e
1996
|
GMG
|
90
USA
|
23,000
|
SOCAPALM*
|
Culture et
Transformation De l'huile de palme
|
Le 14
Juillet
1994
|
Le 12
Février
1999
|
COGEFAR
CAMPALM
|
90
France
|
25,000
|
REGIFERCA
M*
|
Transport
ferroviaire
|
Le 14
Juillet
1994
|
Le 01
Mars
1999
|
SAGA
COMA ZAR
|
77
France et Afrique du sud
|
|
CAMTEL*
MOBILE
|
Téléphone
mobile
|
Le 08
Septembr e
1998
|
Le 15
Février
2000
|
MTN
|
100
Afrique du Sud
|
40,635
|
SONEL*
|
Electricité
|
Octobre
1999
|
Le 18
juillet
|
AES
|
51
USA
|
23,000
|
BICIC
|
Secteur bancaire
|
|
|
- Banques
populaires
|
71
France
|
-
|
Source : Monkam et Nzomo
(2002), Tamba (1996), Tsafack Nanfosso et Touna Mama
(2000).
* Entreprises concernées par les
tests
2.3.3. Description du test de différence de
médiane
Pour pouvoir confirmer ou infirmer nos hypothèses, nous
faisons recours au test
de différence de médiane, le test de Wilcoxon. Ce
test non paramétrique nous permet
de cerner l'impact de la privatisation sur les indicateurs
d'efficacité utilisés. De manière plus explicite, quatre
étapes permettent de parcourir le test dans le cas où
N, le nombre de paire d'observations non nulles est inférieur ou
égal à 30:
- Etape 1 : on détermine
les différences DI et on les classe dans l'ordre croissant de
leur valeur absolue en écartant les différences nulles.
Si nous revenons à notre étude, DI = MoyAI -
MoyBI
Avec : MoyAI, la moyenne du sous
échantillon après la privatisation pour l'entreprise i
: MoyBI, la moyenne du sous échantillon
avant la privatisation pour l'entreprise i
- Etape 2 : on fait la somme des rangs
des différences positives qu'on note T+,
et celle des différences négatives en valeur
absolue notée T-.
- Etape 3 : pour la suite du test, nous
prenons la valeur minimale entre T+ et
T-. Cette valeur notée T sera utilisée pour
prendre notre décision.
- Etape 4 : on décide. On lit
dans la table de Wilcoxon, la valeur critique de
T correspondant à N et à un seul de
significativité.
Si T est inférieur ou égal à la
valeur critique lue sur la table, on rejette l'hypothèse
nulle.
En prenant l'exemple de notre première hypothèse :
"la privatisation accroît la performance économique des
entreprises privatisées", nous aurons :
HO : pas de différence entre les situations avant ou
après la privatisation. (dans ce cas notre hypothèse n'est pas
vérifiée).
H1 : il y a une différence entre les deux situations.
Et particulièrement dans notre étude, cette différence
doit être positive pour signifier un accroissement. Il faudrait ainsi que
T+ soit supérieur à T-.
Ainsi après lecture dans la table de la valeur
critique de T, nous pouvons nous prononcer de la manière suivante
:
T valeur critique lue sur la
table
|
On rejette HO
|
T > valeur critique lue sur la table
|
On accepte HI
|
CONCLUSION
Ce chapitre nous a permis de savoir quels sont les textes de
droit et les principes qui régissent la privatisation dans notre
pays. Une entreprise publique en situation financière critique
peut soit être liquidée, soit être privatisée.
Nous avons vu que la liquidation pouvait intervenir immédiatement
ou à l'issue d'une restructuration non
concluante. Il a également été question
dans ce chapitre de démarche, de méthodologie
appropriée pour l'étude que nous menons.
Compte tenu de la réalité camerounaise,
caractérisée par l'absence d'un marché
financier, la priorité a été accordée aux
indicateurs comptables, qui sont utilisés dans une approche
longitudinale dite de comparaison avant/après privatisation.
Ainsi nous savons qu'une valeur partenariale globale n'est pas
calculée, mais qu'une approximation lui sera faite par la
valeur appropriable par chaque partenaire. Les douze entreprises qui
sont en fin de compte concernées par l'étude sont
également connues, ainsi que les tests qui seront effectués.
Tous ces ingrédients étant rassemblés, il ne nous reste
plus qu'à les mettre ensemble et
à les exploiter pour aboutir à des
résultats, véritable point culminant de cette partie
Page 67
|