LE CADRE CONCEPTUEL DE LA PRIVATISATION
Dans toute économie organisée, il existe un secteur
public et un secteur privée.
Le premier est caractérisé par un fort engagement
de l'Etat dans l'activité économique alors que dans le second,
sont les particuliers réunis en groupes ou individuellement
qui interviennent. On parlera par exemple d'entreprise
publique (dans laquelle l'Etat détient la majorité du
capital) par opposition à l'entreprise privée. Le passage
d'un secteur à un autre est une opération sous-tendue soit par
une volonté politique, soit par une exigence des bailleurs de fonds
internationaux qui l'introduisent dans un grand ensemble appelé
programme d'ajustement structurel. En effet, la transition secteur
privé secteur public porte le nom de nationalisation. Son contraire, la
dénationalisation entendez privatisation, plus fréquente de nos
jours est une politique libérale visant à désengager
l'Etat du secteur productif. Quel est le véritable visage de la
privatisation aujourd'hui ? Quels sont ses fondements théoriques ? Que
pouvons nous retenir des études empiriques sur le
phénomène ? Ce sont là les questions auxquelles ce
chapitre tentera d'apporter une réponse. Il est structuré
en deux sections. La première nous donnera une idée sur le
contenu et les objectifs des privatisations. La deuxième section quant
à elle reviendra sur les va-et-vient entre prédictions
théoriques et observations empiriques et essayera d'en tirer les
leçons qui s'imposent.
Section 1 : Privatisation : définitions et
objectifs
Le concept de privatisation c'est très souvent vu
attribuer un contenu différent selon les auteurs. Traditionnellement, la
privatisation est définie comme un transfert d'actifs détenus par
les agents publics au profit des agents privés (BÖS 1991).
L'Etat
qui détient la propriété d'une
entreprise, se désengage progressivement ou en bloc en cédant
les droits de propriété à des particuliers qui
deviennent alors les nouveaux propriétaires. Pour exercer
efficacement le contrôle de l'entreprise, le nouveau
propriétaire doit pouvoir détenir la
majorité du capital. Ce qui fait dire à certains
auteurs que la privatisation est la cession par l'Etat de plus de
la moitié du capital aux
privés. C'est donc un transfert du contrôle de
l'entreprise à des agents privés.
Cette conception du phénomène de privatisation
justifie l'analyse faite par de nombreuses recherches sur les effets du
transfert de propriété sur la performance de la firme. En effet
pour la majorité d'entre elles, l'accroissement de performance attendue
après chaque privatisation est dû au seul changement de
propriétaire (public/privé). Mais seulement, les résultats
de ces recherches amènent à penser que la privatisation
ne saurait se limiter à la seule nature de la
propriété mais qu'elle est d'avantage à l'origine
d'un changement organisationnel plus complexe.
1.1. La Privatisation comme modification de
l'architecture organisationnelle
En analysant l'intérieur de la « boîte
noire », on se rend compte que la privatisation engendre des
modifications organisationnelles profondes. Ces Changements s'opèrent
principalement à trois niveaux :
- Le processus organisationnel ;
- Le système de gouvernance ;
- Le niveau de valeur appropriable par les partenaires de
l'entreprise
(Chatelin 2001)
Williamson (1992) affirme à cet effet que la
privatisation consiste à placer la coopération sous la
gouvernance du marché financier privé. Elle engendre des
modifications au niveau organisationnel permettant à la
firme de passer d'une gouvernance de la forme fonctionnelle (F-Form)
à une gouvernance de la forme multidivisionnelle (M-Form). Nous
reviendrons en profondeur sur ces relations entre privatisation et gouvernance
dans la suite. Le moins que l'on puisse dire à ce niveau
est qu'en analysant les modifications organisationnelles
internes consécutives à la privatisation, sa conception
traditionnelle du seul changement de propriété est
dépassée. En ce sens, elle constitue également un
transfert des droits décisionnels, et
une modification du système de gouvernance.
1.2. Privatisation comme
déréglementation de l'activité
A un troisième niveau, la privatisation
pourrait être considérée comme l'ouverture à
la concurrence, la déréglementation d'un secteur. Celle-ci se
manifeste
par la disparition des monopoles publics et
l'entrée de nouveaux opérateurs dans le secteur. Ici ni le
contrôle, ni la direction de l'entreprise, encore moins l'architecture
organisationnelle ne sont modifiés. La seule manifestation
visible de cette forme de privatisation est l'accroissement de
l'offre du service ou du bien produit par l'entreprise.
1.3. Les Objectifs des
Privatisations
Les objectifs des programmes de privatisations
diffèrent selon que ceux-ci s'opèrent dans un pays
développé ou non. Cette distinction naît de celle qui
existe dans les raisons qui amènent à la privatisation.
En effet dans les pays développés, comme le Japon, la
privatisation va répondre à une logique de
vitalité, à un souci d'impulser une nouvelle forme de
dynamisme à l'économie du pays. En France, la
privatisation répond à trois soucis majeurs : la réduction
de la fiscalité, celle-ci étant devenue trop pressante pour la
classe moyenne la réduction des déficits, la résolution
du problème de sous capitalisation des entreprises
publiques par le développement de l'actionnariat populaire. Par
contre dans les pays en voie de développement, on privatise
pour entrer dans la mouvance du libéralisme, se pliant ainsi
à une des exigences des bailleurs de fonds qui ne sont disposés
à n'aider que ceux qui s'engagent
à désengager l'Etat dans l'économie.
Ainsi les objectifs assignés à la privatisation sont
fonction du niveau de développement de chaque pays.
1.3.1. Les Objectifs des privatisations dans les
Pays développés.
Dans les pays développés, les privatisations
sont une volonté politique réelle et font partie des programmes
électoraux des partis politiques. Ce sont des instruments de politique
économique qui sont décidés par les gouvernements de
manière autonome. Elles ont pour objectifs :
- D'assouplir les contraintes budgétaires ;
- De développer l'actionnariat populaire ;
- De promouvoir la participation des salariés au capital
des entreprises ;
- De réduire le poids de l'Etat dans
l'économie et restaurer les mécanismes de marché
afin d'accroître l'efficacité du système
économique global ;
- De remédier à la sous capitalisation de certaines
grandes entreprises publiques...
Pour atteindre ces objectifs, il existe des structures
d'accueils, un secteur privée dynamique et attractif, une
épargne privée, des repreneurs, des marchés
financiers développes, un cadre institutionnel adapté, et des
informations disponibles.
1.3.2. Les Objectifs des Privatisations dans les
Pays en voie de développement
Dans ces pays la volonté politique est non
réelle. La privatisation fait partie des politiques d'ajustement
structurel et devient même une des conditionnalités pour
l'octroi des prêts par les bailleurs de fonds internationaux.
Olivier C., Campbell et Anita (1998) mentionnent que les pays
africains ont privatisé pour les raisons
suivantes :
- Changement politique ;
- Un besoin d'octroi d'aide financière de la Banque
mondiale, du FMI
et d'autres donneurs ;
- La nécessité de mobiliser des fonds en vendant
des entreprises ;
- L'état précaire de certaines entreprises
publiques ;
- L'impératif de maintenir les niveaux d'emploi ;
- Parfois, la nécessité de satisfaire des
intérêts spéciaux.
Au Cameroun par exemple, le cadre légal
des privatisations est défini conjointement par le décret
n° 89/010 du 04 janvier 1989 portant élargissement des attributions
de la mission de réhabilitation des entreprises du Secteur
Public et Parapublic, et par l'ordonnance n° 90/004 du 22 juin
1990 relative à la privatisation des entreprises publiques et
parapubliques. Dans l'article 2 de ce dernier texte, nous pouvons lire
que « la privatisation à pour objectifs essentiels :
l'assainissement des finances publiques, la stabilisation
des initiatives privées, la
promotion des investissements, la restauration des
mécanismes de marché, et la
mobilisation de l'épargne nationale vers des
investissements productifs ».
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