2. 4. La redéfinition du politique avec Hannah
Arendt_
Parler de ré-définition suppose, à la
base, un oubli ou une remise en question ou en cause d'une définition
préalable. En effet, le politique, aux temps Modernes, avec
l'avènement de la société des masses (le totalitarisme
dont Arendt à parlé) et de la société
économique (ou société de consommation avec Karl Marx,
dont Arendt a aussi critiqué l'irruption de l'économie dans la
réalité politique...) se trouve biaisé quant à son
sens et à son exercice: il inclut le règne du despotisme ou de la
tyrannie excluant une majorité de citoyens de la gestion de la
cité ou du monde -tel fut le cas des Juifs d'alors et tel aussi le sort
de plusieurs peuples en Afrique qui ne sont pas toujours concernés par
les choses qui engagent leur déstinée, pendant q'un petit groupe
privatise la gestion du politique.
Le politique est normalement le lieu public ou commun
où se discutent et se règlent entre tous les affaires de la
res-publica. Malheureusement, ce politique véritable, qui consiste dans
un rapport de libertés égales qui se respectent strictement et
s'expriment librement dans et par la parole et l'action, n'est plus qu'un
antique idéal difficile à atteindre.
Pour Jacques Taminiaux, la politique est avant tout une
"monstration intrinsèquement interindividuelle_". Cela signifie qu'elle
engage les citoyens, qui doivent, pour ce faire, dire leur mot au sujet des
affaires publiques de la communauté et débattre de ces affaires
avec leurs égaux. Toujours dans le même effort de
compréhension exacte du politique, nous pouvons parler du politique
comme de l'interpénétration des termes que nous avons
rencontrés jusqu'ici, à savoir le domaine public, l'espace
d'apparence, le réseau de relations humaines, la
révélation du "qui" -sujet, ( comme constituant la condition
d'une vie politique.
Dans la pensée de Hannah Arendt, le politique est
avant tout le lieu d'existence de l'homme en tant qu'homme. L'homme,
essentiellement "animal politique", ne se retrouve dans son espace réel
ou proprement humain que lorsqu'il est dans l'espace politique. Celui-ci est
alors l'espace public où les paroles et les actes s'échangent
dans un débat ouvert et public entre des personnes libres et
égales. Le politique, dès lors, se constate et se crée ;
on n'en fait pas trop l'étalage, "il se définit par la
phénoménalité comme révélation de soi dans
un espace d'apparence_". Hannah Arendt emploie souvent la métaphore de
la scène pour caractériser l'espace public (politique) au sein
duquel l'homme agit en "animal politique".
Puisque l'espace politique est surtout marqué et
fondé par l'agir de l'homme parmi les hommes, comprendre le politique
devient, dès lors, réfléchir sur l'action en tant
qu'activité fondatrice et caractéristique du politique; car
l'action constitue vraiment l'auto-expression de l'identité de l'agent.
Par l'action, en effet, ce dernier exprime son originalité en face de
ses pairs qui, eux aussi, expriment la leur. Par le fait même, l'ensemble
qu'ils forment est un espace politique.
L'action, chez Hannah Arendt, comprend à la fois cette
parole dite en public, la lexis, et l'action en face des autres, la praxis, et
elle est le noeud de la coexistence humaine sur la scène politique. Le
politique, tel que Hannah Arendt le comprend, n'est pas un lieu matériel
ou une entité quelconque, mais il advient lorsque les hommes parviennent
à la "co-action interlocutoire", parce qu'ils sont capables, par droit
de naissance, d'agir et de dire une parole en concert.
Aussi, pensons-nous avec Arendt, qu'on ne pourrait localiser
et fixer d'une manière stable le lieu où vivent les "animaux
politiques", la cité ;
"la polis proprement dite n'est pas la cité en sa
localisation physique, c'est l'organisation du peuple qui vient de ce que l'on
agit et parle ensemble. Le domaine politique naît directement de la
communauté d'action, de la mise en commun des paroles et des actes_".
Il en ressort que, pour faire advenir le politique en son
vrai sens tel qu'Arendt nous le propose, chaque citoyen doit reconnaître
et réclamer son droit et son devoir de prendre l'initiative, d'agir et
de dire ce qu'il pense sur la marche ou la direction des affaires communes ou
publiques. L'homme, voulant devenir plus humain, est dans l'obligation (en
toute liberté) de prendre la parole et de poser des actes en
présence de ses égaux. C'est le fait de poser l'acte politique du
dire et de l'agir avec les autres et en présence d'eux qui correspond
à ce que nous appelons la participation politique des citoyens_.
|