2) Les jeunes étrangers ne sont pas isolés
d'un contexte.
Les jeunes « mineurs isolés »
viennent dans un pays marqué par toute cette histoire de
l'immigration.
La France a un certain rapport, un point de vue face à
l'arrivée sur son territoire des étrangers.
Leur venue n'est pas liée au hasard et elle est souvent
le fruit de relations complexes, historiques et puisent leurs racines dans
toute l'histoire mondiale, internes à leurs pays d'origine comme
à celle de la France.
Cette absence de perspective d'avenir est -elle le motif
principal de départ ?
On ne peut pas ignorer le statut d'ancienne colonie et le
mythe d'un occident ou tout serait possible, un lieu où tous les
désirs de réussite, de richesse seraient exaucés.
Des filières de toutes sortes (mafieuses, religieuses,
familiales) interviennent pour le franchissement des frontières
Pour ceux qui sont en possession de papier d'identité
on pourrait penser que les choses sont plus aisées, alors que d'autres
difficultés sont en perspectives, sachant qu'il y a un certain nombre de
papiers qui sont faux.
J'ai pu constater qu'il est aisé de croire que ces
enfants, qui sont instrumentalisés par des adultes, cherchent à
leur tour à instrumentaliser les dispositifs d'aide et de protection de
l'enfance.
Ce fait ne remet pas en cause les dangers encourus par
ces enfants sur le territoire.
Même si beaucoup quittent leurs pays en étant
informés sur le discours à tenir face aux travailleurs sociaux,
une relation de confiance doit pouvoir s'établir entre le jeune et son
éducateur, dans le cadre d'un travail d'accompagnement
socio-éducatif. Ce qui constitue parfois un travail de longue
haleine.
Tous ces enfants et adolescents disent souvent qu'ils
sollicitent l'aide et la protection en France. Ils ont des projets, faire des
études une formation, apprendre un métier, maîtriser la
langue française.
Historiquement, la France a toujours accordé la
protection à des enfants étrangers,
C'est le cas des enfants cambodgiens persécutés
et menacés de mort sous le régime Khmers rouges de Pol Pot, ou
des enfants juifs persécutés sous le régime de Vichy et
accueillis puis protégés en France.
Il a souvent été dit que les dispositifs de
protection de l'enfance ne sont pas souvent adaptés à leur
l'accueil et à leur prise en charge.
Les arguments utilisés par ceux qui tiennent de telles
allégations sont que les services de protection de l'enfance ont
été créés dans le cadre du travail d'accompagnement
en lien avec les familles.
Le danger encouru par ces enfants sur le territoire a souvent
tendance à se noyer dans la question de l'immigration et leur parole
est souvent mise en doute.
Or, on ne peut parler de « travail avec les
familles » dans le cadre de l'accompagnement du mineur isolé.
La famille étant souvent en dehors du territoire, ou parfois inconnue,
décédée ou disparus. Quand cette famille existe, des
contacts sont établis pour informer celles-ci de la situation de leurs
enfants.
Indéniablement l'accueil du mineur se fait dans le
cadre d'une absence parentale sur le territoire français.
Quel sens peut prendre le travail avec les familles ?
Quand nous savons aussi que certains mineurs cachent l'existence de leurs
proches qu'ils disent morts ou disparus et retrouvés à la suite
d'une enquête approfondie. Il n'est pas anodin de tuer ses parents,
même sur un plan symbolique ou même de cacher leur existence. Cela
peut être le témoignage de souffrances, de malaises ou de
non-dits. Si la souffrance de ces enfants n'est pas acceptable, il n'est pas
acceptable que des mineurs qui veulent rester en France s'intègrent par
le mensonge.
Au delà de la situation de ces jeunes, dont la plupart
sont aux prises avec des adultes qui les manipulent et dont il convient de les
en extirper au plus vite, tous sont confrontés à une situation
contradictoire : d'une part ils sont mineurs isolés issus d'une
autre culture, d'autre part ils demandent à s'intégrer en
France.
Et le fait qu'ils arrivent en France dans un contexte de
maîtrise des flux migratoires peut avoir une incidence sur leur
éventuelle prise en charge éducative.
Ne courent-ils pas le risque de voir perpétuer cette
instabilité en France ?
Ce statut qu'on leur prête ne va pas sans avoir des
incidences à chaque palier de leur évolution.
De fait ces jeunes, dont certains vivaient déjà
dans une situation instable vont perpétuer cette instabilité en
France avant de rencontrer quelqu'un qui va les orienter vers les services de
protection de l'enfance, ou des associations.
Ces mineurs doivent aussi mobiliser d'autres ressources pour
s'adapter à un nouvel environnement, des stratégies pour se faire
aider.
Le tout entraîne une fragilité tant au regard de
leur place dans la société, qu'à la situation de danger
dont ils font l'objet.
Il se pose aussi la question de leur accueil et aussi celle
de leur intégration.
Le mineur qui arrive en France doit apprendre les usages et
les codes de toutes sortes qui vont lui permettre de se faire accepter par les
autres. Cela passe par les différentes démarches administratives
qui servent à officialiser sa présence, les démarches
d'inscription à l'école, la participation de chacun au
fonctionnement des diverses activités du centre permet à chaque
jeune de s'inscrire comme membre du groupe social.
La socialisation est un processus cumulatif par lequel un
individu en relation avec d'autres, acquiert des comportements, des normes, des
valeurs et des codes d'un environnement socioculturel.
Sur le plan psychologique, les jeunes vivent mal leur
isolement, dû à l'absence des parents des familles et des amis.
Certains ont un discours, des histoires, et des documents qui paraissent
invraisemblables.
Par ailleurs ces mineurs arrivent à un moment de leur
vie où ils sont en pleine période d'adolescence,avec toutes les
mutations que cela comporte tant sur le plan de la maturité
physiologique, intellectuel, mental affectif, sexuel, que sur le plan des
relations avec les autres. À une fragilité psychologique,
s'ajoute une instabilité sociale.
Ce qui dans beaucoup de cas devrait obliger les travailleurs
sociaux, les autorités compétentes à prendre des
décisions qui respectent l'intérêt du mineur.
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