ECOLE SUPERIEURE DE COMMERCE DE TUNIS
Mémoire présenté pour l'obtention du
diplôme de Mastère en Gestion des Organisations
Option : Finance
GOUVERNANCE ET CREATION DE VALEUR
Elaborée par :
Encadré par :
BEN MOUSSA Fatma
Monsieur Le Professeur :
EZZEDINE ABAOUB
Année universitaire : 2004-2005
Introduction générale
Les graves dysfonctionnements observés dans la gestion
de certaines grandes firmes ainsi que les désordres boursiers qui les
ont accompagnés ont suscité un foisonnement d'articles et
d'ouvrages, d'origine et de nature diverses sur la gouvernance d'entreprise.
Pourtant, l'intérêt retrouvé pour ce sujet ne date pas de
ces deux ou trois dernières années.
L'origine du thème de gouvernement d'entreprise se
situe dans l'analyse de Berle et Means (1932)1(*) qui faisait suite à la crise de 1929. Pour ces
auteurs, le problème de la gouvernance est né du
démembrement de la fonction de propriété, - en une
fonction de contrôle, qui fait intervenir les systèmes
d'incitation et de surveillance, censée être accomplie par les
actionnaires et une fonction décisionnelle supposée être
l'apanage des dirigeants -, qui s'est produit dans les grandes
sociétés américaines au début du siècle, et
qui caractérise la grande société cotée à
actionnariat diffus, la firme managériale. Ce démembrement, en
raison d'une défaillance des systèmes de contrôle
chargés de discipliner les principaux dirigeants, aurait provoqué
une dégradation de la performance et une spoliation des
actionnaires.2(*)
Le renouveau de la littérature sur la gouvernance se
situe au début des années 1990 : c'est à peu
près à ce moment que l'on a commencer à recontester les
excès du pouvoir managérial et à vouloir le réguler
au nom de l'intérêt des actionnaires. Ce qui montre
qu'au-delà des circonstances et de l'effet de mode, le
développement de la réflexion en ce domaine correspond à
une tendance de fond touchant aux transformations du modèle dominant de
la firme.
De fait, il semble que la valeur actionnariale est devenue une
référence essentielle dans la définition des
stratégies et dans le pilotage des firmes. Et les causes de cette
évolution ne font guère débat. D'un coté, les
vagues de privatisation, les opérations de fusion et d'acquisition, les
restructurations industrielles et l'émergence du secteur des nouvelles
technologies ont accru l'activité des marchés d'actions ainsi que
la dépendance des firmes à leur égard. La globalisation
financière a aussi étendu l'influence des marchés
boursiers. Parallèlement, les évolutions démographiques
ont orienté l'épargne des ménages vers les placements
boursiers. De surcroît, cette réorientation s'est faite par
l'intermédiaire de fonds d'investissement qui ont potentiellement
renforcé le pouvoir de l'actionnariat en le concentrant. Celui-ci est
désormais en mesure de demander des comptes et de faire valoir ses
objectifs auprès des dirigeants d'entreprise.
Le système de gouvernement de l'entreprise est
assimilé à un ensemble de mécanismes internes (conseil
d'administration et système de compensation) et externes
(géographie de capital) ou de contrôle (géographie de
capital et conseil d'administration) et un mécanisme incitatif à
travers le rôle assigné à la compensation, par lequel,
l'investisseur s'assure d'avoir un rendement équitable de ses
investissements.
Plusieurs études empiriques ont prouvé la
contribution de la géographie de capital dans la détermination du
niveau de performance de l'organisation (Schleifer et Vishny 1986, Wruck et
Backer 1989, Wruck 1989, Mc Connel et Servaes 1990...). D'un coté, la
détention d'une part importante du capital par le manager (Jensen et
Meckling 1976) influence directement le comportement du manager. D'un autre
côté, la présence d'investisseurs institutionnels dans la
structure de propriété renforce le contrôle exercé
sur la manager à moindre coût (Pound 1988) et forme une source
d'accumulation de vote pour les stratégies les plus créatrices de
valeur.
Un autre courant de recherche a essayé d'examiner le
rôle assigné au conseil d'administration à travers la
formulation des stratégies, ainsi que la révocation et la
nomination des managers en fonction de leurs compétences et leur
capacité à créer la valeur aux actionnaires (Fama 1980,
Fama et Jensen 1983,). En effet, l'apport du conseil d'administration dans la
résolution des conflits d'intérêt est d'autant plus
efficace, que le nombre d'administrateurs externes est important Agrawal et
Knoeber(1996), BYRD et HICKMAN (1992), Hermalin et Weisbach (2003) et que sa
taille est optimale Ferris, Jagannathan, et Pritchard (2003), Olubunmi Faleye
(2004).
D'autres auteurs accordent plus d'importance aux
mécanismes d'incitation et insistent sur le rôle de la
compensation dans la motivation du manager : Jensen et Murphy (1990),
Danka Starovic, Stuart Cooper, Matt Davis (2004), Michael C. Jensen, Kevin J.
Murphy, Eric G. Wruck (2004), Janne Väänänen (2005).
Toutes ces études faites ont pour but la recherche
d'un système de gouvernance efficace dans la mesure où il permet
aux investisseurs et plus particulièrement aux actionnaires de juger la
performance de l'entreprise et de s'orienter vers la firme la plus performante
et vers les stratégies les plus créatrices de valeur. Ainsi,
Selon Nicolas Mottis et Jean-Pierre Ponssard (2000) 3(*), l'objectif de la
création de la valeur est un thème périodique dans tout
le discours courant sur l'évolution d'entraînements du
gouvernement d'entreprises. Si le concept de la création de valeur pour
les actionnaires est aujourd'hui en passe de devenir une exigence
réelle, qu'en est-il de sa mesure? A une époque, on a
considéré qu'on pourrait juger de la valeur d'une entreprise
d'après sa taille. Les dirigeants très portés sur les
acquisitions, proclamaient haut et fort l'augmentation de valeur des actifs de
leurs entreprises. Puis, vinrent l'ère du bénéfice, PER,
dividendes et de flux cash-flow. Aujourd'hui, des nouveaux indicateurs ont fait
progressivement leur chemin dans le discours des dirigeants et ont envahi les
pages des revues financières, il s'agit de l'EVA, et de la MVA.
Notre problématique de recherche s'articule autour des
questions suivantes :
- Quels sont les indicateurs les plus appropriés pour
mesurer la création de valeur ? Les nouveaux indicateurs
apportent-ils une contribution nouvelle à la théorie de
valorisation des entreprises ou ne sont -ils qu'une formulation des indicateurs
traditionnels ?
- Comment le système de gouvernance de l'entreprise
affecte t-il la valeur créée aux actionnaires ?
Pour répondre à cette problématique, nous
avons scindé notre travail en trois chapitres.
Le chapitre premier traitera les différentes approches
et outils de mesure de création de valeur qu'ils soient
traditionnels : l'approche de dividende, de bénéfice et de
free cash-flow ou nouveaux : l'Economic Value Added (EVA), Market Value
Added (MVA)...etc. ce chapitre sera achevé par une validation empirique
des travaux de Tracey West et Andrew Worthington, (2004)4(*) qui confirment la pertinence du
bénéfice avant éléments extraordinaires, du
bénéfice résiduel et de l'EVA dans l'explication du
rendement annuel des actions des entreprises.
Le chapitre deuxième traitera le système de
gouvernance de l'entreprise qui sera étudié à travers les
mécanismes de contrôle et de structure de propriété
et il sera achevé par un test empirique de travaux de S. Beiner, W.
Drobetz, F. Schmid et H. Zimmermann (2003)5(*) et Panasian C et Andrew K. Prevost (2004)6(*) qui ont essayé de
montrer la relation qui existe entre la composition du conseil
d'administration, la structure de propriété et la performance de
l'entreprise mesurée par le ratio Q de Tobin.
Dans le troisième chapitre, nous analyserons l'impact
du système de gouvernance sur la création de la valeur à
travers la politique de la rémunération des dirigeants. Ce
chapitre sera achevé par une validation empirique de travaux de Richard
Startz (2003)7(*).
CHAPITRE PREMIER
Evaluation des entreprises et création de
valeur
Introduction
L'évaluation des entreprises est une tâche
extrêmement importante et constitue la variable clé de toute
politique financière. L'étude de la valeur d'une entreprise
consiste dans sa valorisation ainsi que dans l'identification des
éléments susceptibles de l'influencer, et en particulier des
sources de création de valeur. Ainsi, selon Pablo Fernandez
(2004)8(*), comprendre les
mécanismes d'évaluation de la firme est une condition
indispensable pour toute personne impliqué dans le champ de la finance
d'entreprise. C'est pas seulement à cause de l'importance de
l'évaluation dans les opérations d'acquisitions et des fusions
mais aussi parce que le processus d'évaluation permet d'identifier les
sources de création et de destruction de la valeur économique
dans l'entreprise.
Les déterminants de la valeur, de même que la
valorisation à proprement parler, ont fait l'objet de très
nombreuses recherches, qui permettent aujourd'hui d'appréhender les
différents problèmes en se fondant sur des concepts
théoriques solides. Cependant, Il a fallu attendre le début du
XXème siècle et les contributions de Fischer [1930] et de
Williams [1938] (The Theory of Investment Value)9(*) pour que soit donnée
une définition précise de la valeur d'une firme. Elle est
pensée comme la capacité de la firme à engendrer des
profits futurs.
Ainsi, les différents modèles établis
dans les années 50 [D. Durand 1957 ; M. Gordon, E. Shapiro 1956 ; F.
Modigliani et M.H. Miller 1958, 1961] ont posé toutes les bases pour la
pratique de l'évaluation des entreprises. De même, les recherches
sur l'impact de la structure financière et de la politique de dividende
sur la valeur de l'entreprise, bien que faisant toujours l'objet de nombreuses
discussions, permettent aujourd'hui de s'interroger sur d'autres sources de
création de valeur. La politique d'investissement, les flux issus de
l'exploitation, les rentabilités économiques
réalisée et normative, et l'actif économique se placent au
coeur des études sur la valeur, et semblent apparaître comme
autant de solutions aux problèmes de structure financière, de
politique de dividende, de fluctuations des cours boursiers et d'estimations de
paramètres dans des modèles d'évaluations, comme le
coefficient « bêta » dans le Modèle d'Evaluation des
Actifs Financiers (MEDAF). Le retour aux paramètres fondamentaux pour
appréhender la valeur de l'actif économique est une
réalité tant au sein de la littérature que dans les
pratiques financières.
De nos jours, on entend souvent parler du management de la
valeur ou Value Based Management (VBM) qui est une approche par laquelle les
aspirations totales de la compagnie, les techniques analytiques, et les
processus de la gestion sont alignées pour aider l'entreprise à
maximiser la valeur en mettent l'accent sur l'alignement des décisions
des dirigeants sur un objectif de création de valeur
actionnariale10(*).
Dès lors, la conception des critères de performance et des
systèmes d'incitations rendant mieux compte de la création de
valeur joue un rôle essentiel. Il s'agit en particulier de remplacer les
mesures comptables traditionnelles (résultat net, bénéfice
par action ou flows) par de «nouveaux» critères
supposés mieux traduire la performance économique en termes de
création de valeur. Parmi les critères les plus connus, citons
l'EVA, breveté par Stern, Stewart et Co. (Stewart 1991, Stern et al.
1995) qui n'est autre que le bénéfice résiduel auquel on a
appliqué une série d'ajustements, le CFROI (Cash Flow Return On
Investment), le TSR (Total Shareholder Return) ou la SVA (Shareholder Value
Added - Rappaport 1998).
L'évaluation de l'entreprise est donc une étape
très importante qui consiste à calculer sa valeur
financière en tenant compte des données comptables passées
et du potentiel de développement de la société. Cependant,
l'objectif de la valorisation est rarement le même, et donc la technique
retenue aussi. Ainsi, l'évaluation peut se faire pour différentes
raisons. En effet, la valorisation se fait afin d'estimer le prix de
l'entreprise dans les opérations d'achat ou de vente, valoriser l'action
et justifier le prix offert au public, comparer des entreprises d'un même
secteur...etc. l'évaluation des entreprises est aussi
intéressante dans la mesure où elle permet de prendre des
décisions stratégiques (maintenir une activité, abondant,
..etc). Pour notre étude, l'évaluation d'une entreprise ou d'une
affaire est intéressante et fondamentale pour quantifier la valeur
créée et pour identifier et stratifier les principaux leviers de
création de valeur.11(*)
Nous allons traiter dans une première section, les
méthodes d'évaluation actuarielles et essentiellement le
Discounted Dividend Model et le Discounted Cash Flow Model.
Dans la deuxième section, nous allons essayer de
définir le concept « création de valeur »
pour passer en suite à une présentation des différents
outils de mesures traditionnels et nouveaux de la création de valeur.
Enfin, la troisième section sera consacrée
à faire une comparaison de l'EVA par rapport aux autres mesures de
création de valeur à travers une étude empirique.
Section 1 : Les méthodes actuarielles
d'évaluation
Il a fallu attendre le début du XXème
siècle et les contributions de Fischer [1930] et de Williams
[1938] (The Theory of Investment Value)12(*) pour que soit donnée une
définition précise de la valeur d'une firme. Elle est
pensée comme la capacité de la firme à engendrer des
profits futurs.
Irving Fisher est connu comme le père de
l'économie mathématique en Amérique. Il a écrit en
[1930], dans « La Théorie de
l'intérêt »13(*), "La valeur de tout bien ou droit de
propriété est sa valeur en tant que source de revenus
[...] elle est déterminée en actualisant les revenus
anticipés [...] [ce] principe évidemment n'est pas
limité aux obligations. Il s'applique à tout bien et
richesse : actions, terres, immeubles, machines ou à toute autre
chose"
J.B. Williams [1938] a développé la même
approche (The Theory of Investment Value) quand il écrit: "Like a host
in a haunted house, the notion of a soul possessing the market and sending it
up or down with a shrewdness uncanny and superhuman, keeps ever reappearing...
Let us define the investment value of a stock as the present worth of all
dividends to be paid upon it." En effet, aucun auteur avant J.B. Williams
n'avait développé le concept de la valeur de manière aussi
complète, tout particulièrement dans son application à la
détermination de la valeur intrinsèque d'une action. Celle-ci
vaut ce qu'elle rapporte, c'est-à-dire le plus souvent des dividendes,
bien qu'ils puissent être parfois les revenus de la liquidation de
l'entreprise ou d'une prise de contrôle. Cette technique
d'évaluation n'est autre que le modèle d'actualisation des
dividendes.
Le modèle original de J.B. Williams devait être
prolongé par M.J. Gordon et E. Shapiro (1956)14(*), pour lesquels la valeur de
l'action est égale à la somme des dividendes actualisés
à un taux k, les dividendes augmentant à un taux g.
A partir des années 1980 et 1990, plusieurs auteurs ont
présenté des modèles d'évaluation des entreprises
basés sur le free cash-flow (FCFF). D'où le Discounted Cash-flow
Model, à partir duquel l'entreprise est considérée comme
une entité dont la valeur dépend de sa capacité
bénéficiaire qui est mesurée par ses « free
cash-flows » ou flux de trésorerie disponibles. Les auteurs ayant
développés ce modèle sont Copeland, Koller et Murrin
[1990,1994, 2000], Rappaport [1988, 1998], Stewart [1991] et Hackel et Livnant
[1992]. Récemment, Copeland, Koller et Murrin [1994, p. 500] ont
présenté une définition du free cash-flow. Quelques
années Damadoran plus tard [1998, 2001] et Reilly et Marron [2000, p.
797] ont présenté une méthodologie pour estimer le free
cash-flow to equity [FCFE]15(*). De même Pablo Fernandez (2003)16(*) a présenté dix
méthodes d'évaluation des entreprises selon le Discounted
Cash-flow Model.
1-1 : Discounted Dividend Model
1-1-1 : Le modèle d'Irving Fisher (1930)17(*)
La justification économique de l'investissement la plus
communément partagée repose sur l'appréciation de la
rentabilité. Concrètement, cette mesure se détermine par
la comparaison entre la somme du profit futur et celle de la dépende
initiale. Chacun des termes de cette comparaison peut se développer sur
plusieurs années, tant pour les dépenses engagées que pour
les revenus futurs. Dans ces conditions, il est nécessaire de prendre en
compte « la valeur du temps » an actualisant les
dépenses et les revenus correspondant à chaque exercice.
Cette réalité parfaitement applicable à
l'investissement boursier, est décrite par Irving Fisher qui
présente « la valeur de tout capital comme la somme actuel de
son rendement futur ». Cette réflexion est
matérialisée, dans le cadre d'un investissement en bourse, par la
formule suivante :
(1.1)
Avec :
- V0 = la valorisation actuelle
- Di = le dividende perçu pour i, de 1
à n
- Vn = le prix de vente de l'action à
l'année n
- t = le taux d'actualisation
Cette équation fondamentale reste malheureusement d'un
emploi délicat sitôt que l'année n s'éloigne de
l'année zéro. Il est en effet difficile de prétendre
construire une valorisation fiable si l'appréciation de la série
de dividendes versés sur la longue période, et si
l'appréciation de Vn, restent peu ou pas réalistes. Ces
réserves sont d'autant plus importantes dans l'application de cette
formule que la valeur Vn / (1+t)n reste significative,
dans la détermination de V0, à partir du moment
où on se met à dépasser l'horizon de prévisions des
analystes.
Sous une certaine simplicité apparente, cette formule,
qui est à la base de toutes les méthodes d'évaluation
actuarielles, n'en est pas moins difficile à utiliser en pratique,
étant donné qu `il est nécessaire de
déterminer au préalable le taux d'actualisation à
appliquer, les dividendes futurs (fonction des résultats futurs et de la
politique de distribution des dividendes retenue par les dirigeants) et le prix
auquel les investisseurs pourront revendre l'action dans n années.
En définitive, on se rend compte que la contribution
concrète de cette approche reste limitée. En effet, ce
modèle fondamental, s'il présente l'avantage de la
simplicité, repose malgré tout sur un certain nombre
d'hypothèses fortes qui doivent préalablement être
justifiées.
Par contre, d'importants efforts de simplification ont permis
ensuite de développer d'autres modèles (le modèle de
Gordon Shapiro, le modèle de Bates....), plus accessibles et plus
satisfaisants.
1-1-2 : Le modèle de Gordon Shapiro
(1956)18(*)
Elaboré en 1956, il se base sur le modèle
d'actualisation des dividendes. Ce modèle s'appui sur le principe
suivant : Le prix d'une action correspond à la somme des flux
futurs de dividendes générés par l'entreprise
actualisés au taux de rentabilité exigé par les
actionnaires.
Gordon et Shapiro (1956) reprennent le modèle de Fisher
en introduisant un certain nombre d'hypothèses qui permettent de
valoriser une action et donc une société ;
- Les dividendes augmentent à un taux constant g,
année après année (hypothèse de croissance
perpétuelle des bénéfices).
- Le pay-out ratio (taux de distribution des
bénéfices) est identique tous les ans.
- La période de distribution des dividendes est
infinie.
Dès lors la formule d'actualisation des dividendes
permettant d'obtenir une valorisation de la société est la
suivante :
(1.2)
Avec :
· V = valorisation
· D = dividende de l'année retenue
· t= le taux de rentabilité exigé par les
actionnaires
· g = le taux de croissance des bénéfices
Dans les faits si cette formule est très connue, elle
est peu utilisée par les professionnels en raison des hypothèses
trop simplificatrices introduites. D'abord, pour être applicable, elle
suppose que le taux de rentabilité exigé par les actionnaires
soit supérieur au taux de croissance des dividendes (t>g) ce qui
n'est pas forcément le cas dans la réalité. Par ailleurs,
dans un environnement économique en perpétuelle évolution,
le dividende par action varie régulièrement et le pay-out ratio
est également rarement identique (après une phase durable de
croissance, une entreprise distribue généralement plus de
dividendes qu'après une année e ralentissement
économique). Ces hypothèses font que le modèle de Gordon
Shapiro est en réalité peu utilisé, ou il est au moins par
d'autres modèles d'évaluation.
Pour répondre à ces limites, la formule
développée de Gordon-Shapiro a tenté d'aménager les
hypothèses, ou plutôt de les décaler dans le temps :
· Hypothèse n°1 : les prévisions sur
les dividendes portent sur D i, avec i de 1 à n ;
· Hypothèse n°2 : à partir de
l'année n, on considère l'existence d'une croissance à
l'infini du dividende à un taux g constant avec un P/O stable.
Dans ces conditions, la formule d'Irving Fisher :
Où D1.....D n sont des
estimations d'analystes devient, pour V n, selon l'approche
simplifiée de Gordon-Shapiro que nous venons de présenter :
(1.3)
Ainsi :
(1.4)
Soit encore :
(1.5)
Cette formule souffre des mêmes contraintes
arithmétiques que la précédente sur t-g De plus, elle
s'avère plus lourde à calculer. Toutefois, et c'est ce qui
explique son utilisation dans la pratique des marchés, son approche
reste facilement accessible par la programmation d'une machine à
calculer.
De façon plus globale, l'approche de Gordon-Shapiro
présente un certain nombre d'avantages. En effet, elle s'appuie sur des
flux réels (les dividendes versés aux actionnaires) et
répond sur ce point à la préoccupation de l'investisseur
en quête d'une mesure concrète de retour sur son placement. Cette
approche intègre également dans son actualisation une des
composantes de la valorisation des marchés actions avec le choix d'un
taux t de rentabilité spécifique des actions risquées.
Par contre, cette approche reste éloignée de
toute référence au prix de marché. De plus, la formule,
sous sa forme développée, est fortement dépendante,
à l'issue de la période de prévision des analystes, de la
contribution prépondérante de Vn /
(1+t) n dans la détermination de
Vo.
En définitive, si le modèle de Gordon-Shapiro
offre l'avantage de la simplicité, il reste difficile à mettre en
oeuvre dans la mesure où les dividendes futurs et le taux
d'actualisation sont concrètement des éléments
délicats à déterminer.
1-1-3 : Le modèle de Bates 19(*)
Le modèle de Bates est également une approche
actuarielle de valorisation des sociétés. Il prolonge l'approche
développée par Gordon Shapiro, mais présente un aspect
plus réaliste dans la mesure où il annihile certaines
hypothèses réductrices de ce modèle.
Le modèle de Bates permet d'évaluer une
société en tenant compte des bénéfices futurs et du
pay out et pas simplement du dividende comme dans le modèle de Gordon
Shapiro. Il permet par ailleurs de diviser la période totale
d'observation en sous périodes ce qui annihile ainsi le problème
de constance des données inhérent au modèle de Gordon
Shapiro. La méthode de Bates bénéficie ainsi d'un aspect
plus réaliste puisqu'il est possible - conformément à la
réalité du marché- de modifier les paramètres de la
formule.
L'originalité et la réalité de la formule
de Bates résident dans la logique comparative du modèle. La
relation est la suivante : la société appartient à un
échantillon ou à un secteur de référence dont les
données (price earning ratio (PER), pay-out, taux de croissance des
bénéfices sur n années et rentabilité exigée
par les actionnaires), sont connues. Elles permettent de définir le
price earning ratio du secteur, à l'année n. Au-delà de
l'année n, l'horizon est trop lointain et Bates affirme que le PER du
secteur se confond alors avec le PER de la société. Dès
lors, à partir les prévisions effectuées par les analystes
sur le secteur pour les périodes n, il est possible de déterminer
la valeur actuelle de la société.
La formule simplifiée est la suivante :
(1.7)
A et B sont des paramètres de calcul (données
immédiatement par la lecture de la table de Bates) fonction du taux de
croissance des bénéfices sur la période
considérée, du taux de rentabilité exigé par les
actionnaires et de la durée n de la période.
On obtient alors la valorisation :
V = PER société * bénéfice
année en cours
Sa facilité d'utilisation et ses hypothèses
proches de la réalité font de ce modèle une méthode
d'évaluation couramment utilisée par les professionnels.
La synthèse entre les modèles de
Gordon-Shapiro et de Bates
La préoccupation légitime de l'investisseur de
mesurer la performance de son placement ne trouve pas de réponse directe
dans les deux grandes méthodes d'évaluation financière que
nous venons de développer : le modèle de Gordon-Shapiro et le
modèle de Bates. En effet, malgré leurs supports
théoriques, ces deux approches supportent chacune des réserves
dans leur appréciation.
L'atout développé par l'approche de
Gordon-Shapiro, les flux réels, souffre dans la détermination de
Vo, à la fois dans la contribution prépondérante et
souvent aléatoire de Vn, et aussi de sa grande
indépendance d'une référence avec la valorisation de
marché.
L'approche de Bates, pour sa part, se développe dans un
univers de flux (les bénéfices) qui reste théorique dans
la mesure du rendement du placement pour l'investisseur.
Or, il est possible de retenir une combinaison de ces deux
approches basée sur :
- Les flux réels de dividendes,
liés aux prévisions des analystes, pour permettre, le cas
échéant, de considérer les augmentations de capital
futures de l'entreprise ;
- Un taux t correspondant au taux de
rentabilité exigé sur le marché actions avec la prise en
compte d'une prime de risque supplémentaire ;
- Une valeur terminale Vn
qui ne soit plus l'actualisation d'une croissance à l'infini
(approche de Gordon-Shapiro), mais l'expression d'un PE n
théorique déterminé en fonction des
références actuelles du secteur (Bates).
En tenant compte de ces remarques, l'équation
fondamentale d'Irving-Fischer :
devient simplement, avec E n le
bénéfice de l'année n :
(1.8)
Cette méthode est souvent utilisée dans la
pratique des marchés financiers. En effet, le dernier terme, qui pose
souvent des problèmes lors de l'utilisation des modèles
d'évaluation actuariels, est, cette fois ci calculé à
partir des prévisions des analystes financiers.
1-1-4 : Le modèle de Molodovsky
Très proche du modèle de Bates, le modèle
de Molodovsky se distingue de ce dernier dans la mesure où la croissance
des bénéfices nets par action et des dividendes nets par action
n'est plus constante ni perpétuelle.
En effet, le modèle de Molodovsky propose de diviser
l'avenir d'une société en trois périodes
caractérisées par des rythmes de croissance
différents : La première correspond à une phase de
croissance rapide et stable, la deuxième à une phase de
maturité caractérisée par une
décélération linéaire de taux de croissance, et la
troisième à une phase de relative stagnation avec un taux de
croissance résiduel perpétuel (phase prolongée
jusqu'à l'infini de croissance nulle). Ce modèle va actualiser
les dividendes qui suivent ces trois phases de croissance successives.
L'équation de base du modèle de Molodovsky avec
un seul taux de croissance, est de type :
(1.9)
Avec :
- Po = le Price Earning Ratio de
l'année d'origine ;
- g = le taux de croissance des dividendes ;
- t = le taux d'actualisation ;
Cette formule présente des avantages. En effet, il
possible de faire varier le taux d'actualisation t en fonction du rendement
exigé, compte tenu du niveau de risque que présente la
société étudiée.
Par contre cette méthode d'évaluation ne tient
pas compte de la rentabilité de l'entreprise considérée
non plus d'autres paramètres tel que l `inflation. C'est la raison
pour laquelle ce modèle est très rarement utilisé par les
spécialistes des marchés financiers opérant au sein des
sociétés en bourse. En effet, il repose sur des observations trop
éloignées pour pouvoir être adapté au contexte
économique actuel.
1-1-5 : Le modèle de
Holt
Le modèle de Holt répond à la critique
faite au modèle de Bates en ce qui concerne l'hypothèse de
perpétuité de la croissance des dividendes puisqu'il ne la
reprend pas. Au contraire, ce modèle a pour objectif de
déterminer la durée de croissance exceptionnelle de la
société implicitement contenue dans son Price Earning Ratio.
Le principe de cette méthode, qui va permettre
d'échapper partiellement à la difficulté du choix du taux
d'actualisation, est de comparer le P/E relatif de la société
étudiée avec le P/E moyen du marché.
La formule développée par Holt est la
suivante :
(1.10)
Avec :
- c = le taux de croissance du bénéfice par
action
- r = le taux de rendement
-n = l'horizon au-delà duquel le P/E de l'entreprise a
rejoint celui du marché.
Simple et clair dans sa conception, le modèle de Holt
souffre lui aussi de ses hypothèses trop peu réalistes. En effet
il suppose un taux de croissance des BNPA et un rendement constants. Or, rien
ne prouve que le P/E du marché reste stable et que les risques de
non-réalisations des BNPA propres à chaque société
soient identiques.
De plus, le modèle de Holt ne s'applique qu'aux
sociétés de croissance qui ont un P/E élevé.
Toutefois, une société de croissance ne le demeurera pas toujours
et son P/E rejoindra tôt ou tard celui d'entreprises dont
l'activité progresse à un rythme beaucoup plus lent.
Les difficultés de cette méthode résident
surtout dans la croissance des données (P/E, croissance, rendement) de
marché. Par contre, elle peut être pratique à utiliser pour
évaluer une société dotée d'une croissance
exceptionnelle par rapport à d'autres sociétés du
même secteur.
1-2 : Discounted Cash-flow Model
La méthode d'évaluation de l'entreprise par les
Discounted Cash-Flow est probablement la plus utilisée et la
plus universellement reconnue. Dans cette méthode, l'entreprise est
considérée comme une entité dont la valeur ne
dépend pas de son bénéfice mais de sa capacité
bénéficiaire qui est mesurée par ses « free
cash-flows » ou flux de trésorerie disponibles. Cette
méthode est utilisée pour la valorisation des
sociétés innovantes, souvent déficitaires les
premières années d'existence et pour qui l'actualisation des
bénéfices n'a donc pas de sens. Par ailleurs on considère
aujourd'hui que les cash-flows représentent de façon plus
réaliste le potentiel de création de valeur de l'entreprise car
ces flux peuvent être réinjectés dans la
société.
Cette méthode est particulièrement
adaptée à l'actionnaire majoritaire qui peut mesurer les
performances financières futures de la société. En effet,
par cette méthode, la valeur de l'entreprise est égale à
la somme actualisée des flux futurs générés par
l'exploitation courante de l'entreprise. Autrement dit, cette méthode
permet de dégager la valeur économique de la firme en faisant
abstraction de ses dettes financières c'est à dire de sa
structure financière.
1-2-1 : La méthode des free
cash-flow
Selon Pablo Fernandez (2004)20(*), trois éléments sont importants quant
à la pertinence de cette méthode : le cash-flow initial, le
coût du capital et les cash-flows à long terme de l'entreprise. En
actualisant les cash-flows à un taux au moins égal au coût
du capital, on évalue le bénéfice supplémentaire
généré par l'entreprise et donc son accroissement de
valeur.
Le cash-flow utilisé est le « free cash-flow
» c'est-à-dire l'excédent net de trésorerie
après financement des investissements d'exploitation et de distribution
(dividendes). Autrement dit, c'est l'excédent dégagé par
l'entreprise qui serait mis à la disposition des créanciers et
actionnaires. Selon cette méthode la valeur de l'entreprise est
égale à :
(1.11)
Avec :
- FCFt : est le flux de trésorerie
libre relatif à l'année t ;
- t : est le Wacc (Weighted Average Cost of Capital) ou
CMPC (Coût Moyen Pondéré du Capital) utilisé en tant
que taux d'actualisation ;
- n : est le nombre d'année que comprend l'horizon
de prévision ;
- FCFn : est la valeur terminale de
l'entreprise c'est le cash-flow disponible de l'année n ;
La détermination des flux libres de
trésorerie (free cash-flow) et de la valeur terminale :
Le free cash-flow (FCF) peut s'apprécier
à partir de l'excédent brut d'exploitation (EBE). Il se calcule
alors de la façon suivante :
FCF = EBE - variation du besoin en fonds de roulement (BFR) -
(2.12) investissements d'exploitation + /-
frais financiers nets - dividendes distribués - impôts
Le free cash-flow peut également
s'apprécier à partir du résultat (du
bénéfice net). Il se calcule alors de la façon suivante
:
FCF = BN + amortissements et provisions + / -
éléments exceptionnels - variation du BFR - dividendes
distribués - investissements d'exploitation
(1.13)
Le cash-flow disponible de l'année n est
déterminé selon une approche classique de capitalisation du flux
(FCF p) de la dernière année :
(1.14)
Avec :
- t : le taux d'actualisation risqué ;
- g : le taux de croissance à l'infini du FCF.
Le cash-flow disponible à l'année n peut
être déterminé d'une autre façon de manière
à tenir compte du prix du marché. La valeur terminale ne va plus
être calculée en tenant compte de l'hypothèse d'une
croissance à l'infini, mais en tenant compte d'un P/E(n)
théorique déterminé en fonctio, n des
références et des prévisions actuelles du secteur.
Ainsi le cash-flow disponible de l'année n :
(1.15)
devient :
(1.16)
Avec :
- P/E (n) le price earning ratio du marché
anticipé en n ;
- E (n) le bénéfice anticipé en n de la
société considérée ;
La formule précédente d'actualisation des free
cash-flow devient :
(1.17)
La détermination du taux
d'actualisation :
Le taux utilisé pour actualiser les flux libres de
trésorerie est le coût moyen pondéré du capital
(Weighted Average Cost of Capital). Ce taux se définit comme la somme
:
· Du coût des capitaux propres,
pondéré par l'importance de ces capitaux propres dans la
structure de financement à long terme de l'entreprise (capitaux propres
et dettes financières à long terme).
· Du coût lié à l'endettement
financier à long terme, pondéré par le poids de cet
endettement dans la structure de financement à long terme de
l'entreprise. Le coût des capitaux propres se calcule par
référence à la rentabilité exigée par les
actionnaires d'entreprises comparables cotées en bourse.
La pondération entre l'endettement financier et les
capitaux propres est déterminée par référence
à une structure de financement optimale, c'est-à-dire
générant un coût de financement minimum pour
l'entreprise.
La méthode de l'actualisation des flux de
trésorerie libre bénéficie d'un grand intérêt
dans la mesure où elle tient particulièrement compte des
spécificités propres à l'entreprise (risque lié
à l'activité, perspectives de croissance, dépenses
d'investissement,). La mise en oeuvre de cette méthode amène, en
effet, l'évaluateur à se pencher sur l'avenir de l'entreprise,
sur l'évolution de sa position concurrentielle et sur la tendance du
marché dans lequel elle opère.
L'application de cette méthode présente,
cependant, certaines difficultés pratiques liées à
l'estimation de différents paramètres. Ainsi, l'estimation du
taux d'actualisation est délicate pour les raisons suivantes :
· Le coût des fonds propres est
déterminé sur base de données passées et non
futures;
· La pondération entre l'endettement financier et
les capitaux propres n'est guère aisée vu la difficulté
d'appréhender une structure de financement optimale pour
l'entreprise.
Par ailleurs, l'estimation des flux libres de
trésorerie représente un exercice subjectif dépendant de
l'appréciation des perspectives de développement futur de
l'entreprise. D'autre part, l'accès à l'information sur
l'entreprise est souvent limité, en particulier pour l'analyste externe
ou l'acquéreur potentiel. Dans ces conditions, il est difficile
d'anticiper l'évolution de la stratégie de l'entreprise ou
l'adéquation des moyens humains et techniques aux développements
attendus.
Enfin, le calcul de la valeur terminale, composante souvent
importante de la valeur totale de l'entreprise, est également
délicat en raison des incertitudes qui surgissent au-delà de
l'horizon prévisionnel.
1-2-2 : La méthode des cash-flows pour les
actionnaires ou Equity cash-flow (ECF)
D'après Pablo Fernandez (2004)21(*), en se basant sur l'ECF, la
valeur de l'entreprise est égale à la valeur des Equity cash-flow
anticipé et actualisé au taux de rentabilité des fonds
propres Ke plus la valeur des dettes cash-flow ou les cash-flows
pour les créanciers anticipés et actualisés au taux du
coût de la dette Kd.
L'ECF est calculé comme suit :
ECF = FCF - [intérêt payé x (1- t)] -
paiement du principal + nouvelle dette (1.18)
Le taux de rentabilité des fonds propres est
calculé selon le modèle d'évaluation des actifs
financiers
Ke = Rf + â (Rm -
Rf) avec
Avec :
Rf : le taux sans risque ;
Rm : le rendement espéré du marché
 : la volatilité du cours de l'action par
rapport au marché
Rm - Rf : prime de risque
Le Debt cash-flow est égal aux intérêts
diminués de la variation des dettes
CFD = It - Ä Dt
1-2-3 : La méthode du capital
cash-flow
Le capital cash-flow est le cash-flow valable pour la
sécurité de tous les partenaires de l'entreprise. La valeur de
l'entreprise est ainsi équivalente à la valeur des cash-flows
capital actualisée au coût moyen pondéré avant
impôt. Ce dernier est obtenu comme suit
(1.19)
Avec :
CMPC : Le coût moyen pondéré du
capital avant impôt ;
Ke : Le taux de rentabilité des fonds
propres calculé selon le MEDAF ;
E : Fonds propres ;
D : Dettes ;
Kd : Le coût d'endettement
En conclusion, on peut obtenir la relation suivante :
CCFt = ECFt + CFDt
= ECFt - Ä Dt + It
CCFt= FCFt + It
(1.20)
Les méthodes basées sur l'actualisation des free
cash flows ne sont pas différentes dans leur nature des méthodes
basées sur l'actualisation des dividendes ou des
bénéfices. En effet, elles consistent de façon
générale à actualiser l'ensemble des sommes qui peuvent
être libérées pour être investies dans une autre
activité. Il ne s'agit donc plus seulement d'un dividende, mais
également d'une partie des amortissements que l'on ne peut
réinvestir dans l'activité normale de l'entreprise.
Nous avons vu dans cette partie que l'évaluation
financière d'une société à partir de
l'actualisation de ses flux futurs est une opération délicate qui
ne saurait en aucun cas se réduire, à partir de quelques
données financières simples, à l'utilisation d'une formule
mathématique.
Le défaut relatif à l'ensemble des
méthodes actuarielles est la force des hypothèses de
départ, un taux d'actualisation ou une durée différente
pouvant par exemple modifier complètement le montant de
l'évaluation finale. De plus, on considère souvent dans les
méthodes actuarielles que les éléments de base
utilisés dans les calculs sont constants dans le temps (taux de
croissance des dividendes, bénéfices, ...), ce qui est bien
entendu une aberration dans un contexte économique en constante
évolution.
Section 2 : La création de valeur:
définition et outils de mesure
Aujourd'hui, classer les entreprises selon la richesse
créée pour l'actionnaire est une pratique qui se développe
compte tenu de la place essentielle prise par les apporteurs des fonds propres.
La création de valeur est devenu ainsi le critère essentiel du
marché financier, même si ce concept a toujours existé dans
l'esprit des dirigeants des entreprises. Ce fut une contrainte
extérieure, à savoir la mondialisation et la
libéralisation du marché financier, qui a donné plus
d'importance au thème de création de la valeur.
Il existe aujourd'hui de nombreux modèles ou
méthodes de calcul de la création de valeur pour l'actionnaire.
Un des plus cités par la presse financière au cours des
dernières années est connu sous les vocables EVA (Economic Value
Added) et MVA (Market Value Added). Ces vocables étant des marques
déposées par le cabinet américain Stern et Stewart de
nombreux cabinets de consultant et des entreprises ont développé
sous des appellations différentes leur propre système de mesure
de la création de valeur. Parmi les plus diffusés on citera ici
les méthodes et indicateurs de création de valeur suivants :
Total Shareholder Return (TSR) et Total Business Return (TBR) du cabinet Boston
Consulting Group (BCG), le CFROI (Cash Flow Return on Investment) indicateur
utilisé notamment par les cabinets Holt Value Associé et Braxton
et Associés, les méthodes de calcul de la création de
valeur actionnariale à partir de la valeur économique
intrinsèque (cabinets Mckinsey et LEK consulting).
2-1 : Définition de la création de
valeur pour l'actionnaire
La notion de « création de valeur pour les
actionnaires » ou Shareholder Value Added (SVA) est soutenue par une
grande majorité d'économistes. L'approche a été
développée par Alfred Rappaport dans les années 1980. Elle
peut être utilisé pour estimer la valeur créée pour
les actionnaires ou utilisée comme une base pour formuler et
évaluer des décisions stratégiques.22(*)
A ce propos, Pablo Fernandez et Alvaro Villanueva
(2004)23(*) ont
énoncé qu'il y a création de valeur pour l'actionnaire
quand le rendement des actionnaires excède le coût des capitaux
propres (le rendement exigé des capitaux propres). Une firme
détruit la valeur quand l'opposé se produit.
Cette valeur se mesure comme la différence entre la
richesse tenue par les actionnaires à la fin d'une année
donnée et la richesse qu'ils ont tenu l'année antérieure.
Le calcul de la création de la valeur des actionnaires se fait comme
suit :
Création de valeur des actionnaires = valeur marchande
des capitaux propres x [rendement des actionnaires - WACC (Weighted Average
Cost of Capital)].
Cette valeur se mesure comme la différence entre le
résultat d'exploitation après impôts et le coût de
financement de l'actif net. Elle rapproche ainsi le cash-flow du coût du
capital investi pour le générer et valorise le
différentiel dégagé, lequel traduit
précisément la vraie richesse créée pour les
actionnaires.
En d'autres termes, si l'indicateur SVA est positif, il
représente la création de valeur dégagée par
l'entreprise après le paiement de son dû auprès de tous ses
créanciers, banquiers et actionnaires. Dans le cas contraire,
l'entreprise enregistre une baisse de valeur pour ses actionnaires.24(*)
Alfred Rappaport, l'un des pères du renouveau de la
« création de valeur pour les actionnaires », a eu en la
matière une influence déterminante au début des
années 90, en démontrant par l'observation des titres
cotés le lien organique fort existant entre cette création de
valeur et l'appréciation boursière. Selon Rappaport, la valeur de
l'entreprise est scindée en une valeur préstratégique et
la valeur de la stratégique envisagée. La valeur
préstratégique est le fruit d'une capitalisation au coût du
capital, du résultat d'exploitation après impôt actuel. La
valeur de la stratégie est obtenue en retranchant la valeur
préstratégique à la valeur totale. La valeur totale des
actions est calculée par actualisation des cash-flows et d'une valeur
résiduelle obtenue par capitalisation d'un cash flow stabilisé
(Rappaport, 1986)25(*).
Plus la valeur stratégique est forte, plus la stratégie
envisagée est créatrice de valeur.
Selon Alfred Rappaport, on voit que la notion de valeur occupe
une place prépondérante dans les préoccupations des
managers et des investisseurs. Les premiers essayent, à travers cette
approche, de développer un climat de confiance avec les fournisseurs de
fonds. Les derniers trouvent dans cette approche le gage qu'ils peuvent tirer
du manager en contre partie de la participation au capital de l'entreprise. La
création de valeur est une forme radicale et complète de la
société cotée, réforme fondée sur de
nouvelles façons d'envisager la rémunération des
dirigeants, la direction, l'évaluation des stratégies et la
distribution des ressources excédentaires aux actionnaires, devrait
entraîner un rajeunissement de cette institution vitale.
Au Etats Unis, selon l'AICPA (American Institue of Certified
Public Accountants) 26(*),
la valeur est créée quand la gestion produit des revenus
supérieurs aux coûts économiques
générés par ces revenus. Ces coûts proviennent de
quatre sources: les salaires; matériel, matières
premières, la dépréciation des actifs physiques; les
impôts et taxes et le coût de capital. Cette valeur est
créée aux seuls actionnaires de la firme parce qu'ils sont les
vrais propriétaires de l'entreprise. Les actionnaires espèrent
donc que la gestion produise la valeur au-dessus des coûts des ressources
consommés, y compris le coût de capital.
2-2- : Les outils de mesure traditionnels de la
création de valeur
2-2-1 : Le Profit Economique (PE) ou Residual
Income (RI)
Le profit économique, appelé aussi
bénéfice résiduel, est calculé en soustrayant du
résultat d'exploitation après impôt NOPAT (net operating
profit after taxes), le coût total de l'utilisation des capitaux
utilisés. Ce coût est déterminé en appliquant aux
capitaux engagés le coût moyen pondéré du
capital.
Le bénéfice résiduel a été
considéré depuis longtemps un outil de mesure de la performance,
et il a été l'objet d'un débat académique
étendu dans la littérature de la comptabilité de gestion
durant les 1960 et 1970. Il n'a joué aucun rôle proéminent
dans les recherches de la comptabilité financière jusqu'à
l'étude de Ohlson (1989, 1995) qui a introduit à une nouvelle
génération une ancienne idée selon laquelle la valeur
économique d'une entité est égale à sa valeur
comptable plus la valeur actuelle de tous les bénéfices
résiduels futurs. L'évaluation basée sur le profit
économique est devenu un trait familier des recherches récentes
sur le rôle de la comptabilité dans l'évaluation des
projets.27(*)
Profit économique = Bénéfice
résiduel = (ROIC- Kct) x CI
(1.21)
Avec :
ROIC : le retour sur capital investi ;
Kct : le coût moyen
pondéré du capital ;
CI : le capital investi
Solomon (1965) a considéré que le residual
income peut être utilisé comme une mesure interne de performance
et selon Anthony (1973, 1982a, and 1982b) il peut être utilisé
comme une mesure de performance externe.28(*)
2-2-2 : Le Return On Equity
(ROE)
(1.22)
Il s'agit d'un bon indicateur de performance mais il peut
être manipulé.
Le ROE est égale à la somme de la
rentabilité économique et de l'effet de levier. L'analyse de la
rentabilité des capitaux propres doit donc séparer nettement ces
deux composantes. En effet, si le recours à l'endettement peut permettre
d'obtenir une rentabilité des capitaux propres nettement
supérieure à la rentabilité économique, il fait
aussi peser un risque financier plus lourd sur les actionnaires, dont
l'exigence de rentabilité croît d'autant. Sur le long terme, seule
une rentabilité économique élevée peut donc
permettre de créer de la valeur pour les actionnaires.
2-2-3 : Le Return On Assets (ROA)
(1.23)
Le résultat après impôt traduit
l'enrichissement ou l'appauvrissement de l'entreprise au cours de l'exercice
considéré ; il relève donc d'un concept patrimonial et non
de trésorerie. Il s'agit en fait de la part résiduelle du
résultat d'exploitation revenant aux actionnaires après que les
créanciers et l'Etat ont perçu leur part. Ce résultat net
peut donc être distribué sous forme de dividendes, ou mis en
réserves (et augmenter ainsi le montant des capitaux propres de
l'entreprise).
2-2-4: Le Return On Investment (ROI)
Le ROI, concept apparu en 1920, met en rapport une marge ou un
gain avec un actif utilise pour l'obtenir. Il permet de ce fait, dans une
hypothèse de régularité de rendement d'apprécier le
temps requis pour récupérer le capital engagé.
(1.24)
Avec le ROI dans l'esprit de beaucoup de dirigeants, une
nouvelle approche appelée la création de la valeur de
l'entreprise cherche à identifier et à donner la priorité
aux projets ayant plus d'impact sur la création de valeur pour
l'actionnaire. Le ROI est donc utilisé pour évaluer les
performances des dirigeants et pour sélectionner les projets
d'investissement. Ainsi, on acceptera un projet si son ROI est
supérieur au coût du capital29(*).
Brewer, Chandra et Hock (1999) ont discuté la
supériorité de l'EVA par rapport au ROI. En effet, le ROI peut
encourager les dirigeants à prendre des décisions dans leurs
propres intérêts au lieu de travailler pour l'intérêt
des actionnaires30(*).
Avec le ROI on se focalise sur le court terme, c'est pourquoi, il a
été progressivement rejeté et d'autres critères
(agrégats et indicateurs synthétiques) ont été
élaborés dans les années 1990 afin d'améliorer les
mesures de la performance financière.
Les outils de mesure comme le ROI, ROA et ROE
présentent certaines limites : le ROE comme le ROA est un outil de
mesure de la performance à court terme. D'où, on ne tient pas
compte du risque. Le niveau du ROE ne peut pas être une information
exacte pour les actionnaires si l'entreprise est entrain de créer de la
valeur ou de la détruire.31(*)
2-2-5 : Le multiplicateur de
bénéfice ou (PER) et le Price book ratio (PBR)
Le Price Earning Ratio relie la valeur de l'entreprise
à son résultat. La plupart des analystes ont pris l'habitude
d'évaluer une action à partir du bénéfice net par
action (BPA) multiplié par le PER tel que,
(1.25)
Mais en raisonnant non plus pour une action mais de
manière globale, on a alors :
(1.26)
Le PER (également appelé coefficient de
capitalisation) permet de dégager une mesure de la cherté d'un
titre. Un PER élevé est représentatif d'un titre cher ou
sur-évalué (en terme de bénéfices) et inversement.
Cet agrégat indique combien de fois la bourse accepte de payer le
bénéfice. En d'autres termes, il permet de calculer et
d'apprécier la valorisation d'une société en comparant le
prix et la rentabilité.
Le Price book ratio (PBR) mesure le nombre
d'unités de compte de valeur actionnariale produites par unité de
compte d'investissement. C'est un moyen d'apprécier la manière
dont la direction a géré une unité d'argent actionnariale
: soit en créant de la valeur (PBR>1), soit en en détruisant
(PBR<1). La valeur de marché de ce capital sera d'autant plus
élevée par rapport à son coût initial que la
rentabilité prévue de l'entreprise dépassera son « k
» et que les possibilités d'investissement aussi rentables seront
nombreuses.
(1.27)
2-2-6 : Le Bénéfice Par Action
(BPA)32(*) ou Earning Per
Share
Le bénéfice par action traduit l'enrichissement
théorique, d'un actionnaire détenant une action, au cours d'un
exercice. Le bénéfice net est en effet la part revenant aux
actionnaires de la richesse créée par l'entreprise pendant ce
même exercice. Le bénéfice par action fait l'objet d'un
calcul très précis, l'analyste corrigeant le résultat net
part du groupe publié de l'impact des survaleurs et des
opérations exceptionnelles. Trop souvent, le BPA est
considéré comme le critère financier le plus important
alors qu'il peut être manipulé par certains choix multiples,
recours à l'endettement, une fusion, une acquisition. La progression du
BPA n'est pas toujours synonyme de création de valeur, son recul de
destruction de valeur.
2-3 : Les nouveaux agrégats et indicateurs
synthétiques
2-3-1 : Les nouveaux
agrégats
2-3-1-1 : L'Earning Before Interest Taxes,
Depreciation and Amortization (EBITDA)
L'évaluation de l'entreprise peut être obtenue
sur la base d'un multiple de résultats, L'EBITDA est l'un de ces
multiples. C'est un agrégat qui équivaut approximativement
à l'excédent brut d'exploitation. Il s'agit de la mesure de la
création de richesse avant toute charge calculée33(*). Au sein d'un même
secteur, les analystes financiers utilisent de plus en plus le multiple
d'EBITDA pour évaluer les entreprises afin de s'affranchir des
différences de traitement comptable entre les différentes
entreprises.
C'est un agrégat simple à utiliser et s'adapte
aux spécificités sectorielles, il est moins sensible aux options
comptables et est donc moins délicat à manipuler que le PER. Il
est censé refléter la véritable capacité
bénéficiaire d'une activité, indépendamment des
politiques d'investissement, de la fiscalité et des structures
d'endettement. Toutefois ce critère est rejeté parce qu'il ne
donne qu'une information partielle sur la profitabilité ou la
rentabilité et n'apporte aucune information sur le niveau de risque
associé à l'entreprise et en terme actionnariale, le levier
offert par une optique du niveau de dette financière est totalement
ignoré par une analyse fondée sur l'EBITDA.
2-3-1-2 : L'Earning Before Interest Taxes
(EBIT)
L'EBIT équivaut au résultat opérationnel.
Il est moins utilisé que l'EBITDA car il prend en compte les
amortissements. L'EBE constitue le cash-flow d'exploitation avant charges
financières et impôt sur le résultat. C'est la ressource
fondamentale que l'entreprise tire régulièrement du cycle de son
exploitation. Il exprime donc la capacité de celle-ci à engendrer
des ressources de trésorerie et à ce titre, il sert de
charnière entre les résultats de l'entreprise et le tableau de
financement.
2-3-2 : Les nouveaux indicateurs synthétiques
2-3-2-1: Le Cash Flow Return On Investment (CFROI)
Proposé par le Boston Consulting Group, Le CFROI
correspond à la moyenne des taux de rentabilité interne des
investissements actuels de l'entreprise. Le CFROI est le taux de du capital.
Comme le CFROI rentabilité interne qui égalise l'actif
économique de l'entreprise, pris en montant brut, c'est-à-dire
avant dotations aux amortissements et réévalué du taux d'
inflation, et la série
des excédents bruts d'exploitation après impôt,
calculée sur la durée de vie des actifs immobilisés en
place. Cette dernière s'estime en divisant la
valeur brute des
immobilisations par la
dotation aux amortissements
de l'année. Le CFROI est alors comparé au coût moyen
pondéré est supérieur au coût de capital, il y a
création de valeur. Les changements dans le CFROI d'une année
à l'autre peuvent être utilisés comme un indicateur de la
performance annuelle de l'entreprise.34(*)
Le CFROI tente de palier au caractère statique de
l'indicateur ROI. Il s'agit du taux de rendement de tous les investissements
réalisés par une entreprise. La création ou destruction de
valeur est mesurée par la différence entre le CFROI et le
coût moyen pondéré du capital (CMPC). L'estimation de la
rente économique dégagée par l'entreprise s'obtient par la
formule suivante :
Rente économique dégagée = (CFROI - CMPC)
x CE (1.29)
L'objectif du CFROI est étudier la performance
d'ensemble d'une entreprise en généralisant les techniques de
choix d'investissement ou de financement de projets à un niveau global.
L'indicateur CFROI considère donc l'entreprise comme un seul et grand
investissement. La méthode du CFROI va alors se calquer sur le calcul du
TRI (taux de rentabilité interne). Les éléments suivants
vont donc intervenir dans le calcul du CFROI :
- Un investissement initial pour chaque période :
le total des capitaux employés ou les actifs économiques
bruts.
- Un flux de trésorerie d'exploitation Operating Cash
Flows par période :
OCF = Résultat d'Exploitation après impôts
+ amortissements + provisions d'exploitation BFRE.
2-3-2-2 : Le taux de rentabilité de
l'actionnaire ou Total Shareholder Value (TSR)
Le TSR, développé par le Boston Consulting
Group, est le taux de rendement interne obtenu par l'actionnaire grâce
aux dividendes et à la plus réalisée lors de la revente de
l'action. Il est en général exprimé par un pourcentage
annuel. Un « bon » TSR serait un chiffre plus haut que
celui des entreprises comparables.
Selon Boston Consulting Group35(*) la mesure la plus claire de la création de
valeur est le TSR. Le TSR mesure le changement dans la valeur de marché
d'une entreprise, plus son rendement du dividende, sur une période
donné de temps.
On peut augmenter le TSR en améliorant la valeur
fondamentale, celle ci représente la valeur actualisée des
cash-flows futurs du projet, basée sur sa marge, sa productivité,
sa croissance, et son coût de capital. On peut aussi améliorer le
TSR en distribuant des dividendes aux actionnaires.
2-4 : Les mesures de la création de valeur issues
de la théorie du portefeuille
Dans un article de Patricia Charléty (2004)36(*), Charreaux a cité
trois mesures usuelles, issues de la théorie du portefeuille et de ses
prolongements, qui constituent des mesures de la valeur créée
pour les actionnaires qui prennent également la forme d'indices. Quel
que soit l'indice retenu, la mesure des rentabilités
réalisées se fait à partir des cours boursiers ; ces
mesures ne font intervenir aucune valeur comptable.
2-4-1 : L'indice de Sharpe
Il rapporte le différentiel entre le taux de
rentabilité moyen R du titre de l'entreprise obtenu sur une
période donnée et le taux de rentabilité sans risque
Rf, ajusté par l'écart-type, représentatif du
risque total. Ce faisant, on suppose que le portefeuille de l'investisseur
n'est pas diversifié et comprend exclusivement des titres de
l'entreprise considérée.
Cet indice est mesuré par :
(1.30)
Cet indice, tel quel, ne constitue pas une mesure directe de
la valeur créée ; il permet uniquement une comparaison de la
rémunération offerte par unité de risque. Il peut
cependant permettre d'apprécier la valeur créée en
étant confrontée au benchmark constitué par l'indice de
Sharpe évalué à partir de la rentabilité
d'équilibre.
Selon le MEDAF, le taux de rentabilité
d'équilibre est:
Re = Rf + ß [Em -
Rf]
Avec : - Em la rentabilité
anticipée pour le portefeuille de marché
- ß le coefficient de risque
systématique du titre
L'indice de Sharpe à l'équilibre est tel
que :
(1.31)
Si l'indice calculé est supérieur à cette
norme -- qui suppose un comportement de diversification --, l'entreprise a
offert sur la période considérée une rentabilité,
ajustée pour le risque total, supérieure à celle requise
par les actionnaires.
2-4-2 : L'indice de Treynor
L'indice de Treynor repose sur l'hypothèse que le
détenteur des titres de l'entreprise détient par ailleurs un
portefeuille bien diversifié. Le risque spécifique étant
éliminé, seul le risque systématique, non
éliminable par diversification, est retenu pour pondérer la
rentabilité obtenue.
(1.32)
À l'instar de l'indice de Sharpe, cet indice ne
constitue pas non plus une mesure directe de la valeur créée. On
ne peut appréhender cette dernière qu'en le comparant à un
indice de référence fondé sur la rentabilité
d'équilibre et égal à
Te = Em - Rf.
Si T est supérieur à Te, la
rémunération offerte par l'entreprise, pondérée par
le risque systématique, est plus élevée que la norme
requise et il y a création de valeur.
2-4-3 : L'indice Alpha de Jensen
L'indice Alpha de Jensen représente l'écart de
taux de rentabilité entre la rentabilité obtenue et le taux
requis évalué à partir du Medaf.
á ?= R - Re
(1.33)
Un terme á positif signifie qu'il y a eu
création de valeur, les capitaux ayant été
rémunérés au dessus du taux d'équilibre. L'indice
de Jensen permet d'appréhender directement la valeur créée
sous forme d'un écart de taux.
On suppose également que l'investisseur détient
également un portefeuille bien diversifié. Cependant, la logique
qui sous-tend cet indice s'écarte de celle de l'indice de Treynor dans
la mesure où on montre aisément que T - Te = . Autrement dit, l'indice
de Treynor pondère par le risque systématique la mesure de la
valeur créée que représente le á de Jensen.
2-5 : L'EVA et la création de
valeur
Les auteurs (Stephens and Bartunek, 1997; Milunovich and
Tsuei, 1996; Jackson, 1996; Tully, 1993; Chamberlain and Campbell, 1995;
Mayfield, 1997; O'Bryne, 1996; Lleiman 1999; Biddle, Bowen, and Wallace, 1997
and 1999; Martin and Petty, 2000; and Feltman et al 2004) ont discuté
les vertus de l'EVA et on essayé d'expliquer pourquoi l'EVA s'est
imposée à la fois comme la définition la plus riche
analytiquement et la plus représentative de la valeur. Les origines
d'EVA peuvent être tracées depuis Hamilton (1777) et Marshall
(1890). Selon ces auteurs les entreprises créent de la richesse
lorsqu'elles gagnent plus que le coût de leur dette. Dès les
années 1920 General Motors a appliqué ce concept et dans les
années 1950 Général électrique l'a appliqué
comme une mesure de performance dans leurs divisions
décentralisées sous le nom de «residual income»
(Stewart 1994).
En 1991 Stewart a révisé le calcul de revenu
résiduel à travers une série d'ajustements comptables pour
aboutir à l'EVA. Depuis lors le débat à propos de
l'efficacité d'EVA a été rigoureux mais inconcluant.
La plupart des travaux sur l'EVA ont porté sur
l'indicateur en tant que tel. Ramené à un simple
élément de théorie financière, il est alors facile
de montrer que l'EVA n'apporte rien de substantiel, il s'agit simplement de la
remise au goût du jour de la notion ancienne de bénéfice
résiduel (O'Hanlon et Peasnell, 1998).
L'EVA vise à dénoncer l'incapacité du
système d'information comptable standard à mettre en
évidence les gains véritables des propriétaires de
l'entreprise. Le Résultat Net Comptable, en particulier, ne donne
à ce sujet qu'une indication extrêmement trompeuse. Une entreprise
peut fort bien dégager des bénéfices en apparence
substantiels et pourtant ne pas encore rémunérer correctement le
capital apporté par ses actionnaires.
L'EVA est aussi la mesure de la performance liée
directement à la création de richesse de l'actionnaire dans le
temps.37(*)
2-5-1 : Définition de l'EVA
L'une des contributions essentielles de l'EVA est de mettre en
évidence le fait que le capital a un coût. Le message central de'
l'EVA consiste t-il à dire qu'il n'est pas suffisant d'avoir un
résultat net positif ou un certain niveau de bénéfice par
action. Bien plutôt, l'entreprise doit gagner assez pour couvrir le
coût de la dette et le coût d'opportunité du capital avant
même de songer à créer la valeur.
Peter Drucker écrit « there is no profit
unless you earn the cost of capital, Alfred Marshall said that in 1896, peter
Drucker said that in 1954 and in 1973, and now EVA (Economic Value Added) has
systematized this idea, thank god ». (Drucker, 1998).38(*)
L'EVA est alors définie comme un profit
économique généralisé, c'est à dire, non pas
le résultat net comptable traditionnel, mais le surplus obtenu
après rémunération de tous les apporteurs de fonds, dettes
et capitaux propres. L'EVA est donc égale à la
différence entre le résultat opérationnel après
impôts (NOPAT, Net Operating Profit After Tax) et la
rémunération de la totalité des capitaux investis au
coût moyen pondéré du capital (pour tenir compte de la
structure de financement de l'entreprise). Il y a donc création de
valeur (EVA > 0) non pas lorsque l'entreprise s'est
révélée simplement profitable, mais lorsque son
résultat est suffisamment abondant pour couvrir la
rémunération des fonds propres évaluée au
coût du capital.
2-5-2 : Le Calcul de l'EVA
(1.34)
Avec: NOAPT: net operating profit after taxes
On a aussi :
EVA = (rendement sur capital investi - coût de capital) *
(capital investi)
EVA = (RCI - CMPC) *
CI (1.35)
Avec :
CI : Capitaux investis.
RCI : Rentabilité économiques des
capitaux investis.
CMPC : Coût moyen pondéré du
capital.
* La rentabilité économique
des capitaux investis est donnée par :
(1.36)
* Le coût de capital estimé doit
être :
- Une moyenne pondérée des coûts de toutes
les sources de financement (fonds propres et dettes) qui sont employés
par le processus d'exploitation pour générer la valeur
créée pour l'entreprise
- Calculé sur la base des taux de rentabilité
nominaux et tenant compte à la fois des taux réels et de
l'inflation attendue.
- Estimé tout en tenant compte du risque
systématique supporté par chacun des bailleurs de fonds
- Formulé de telle sorte que chaque composante du
capital soit pondérée par sa valeur du marché, qui
reflète les véritables exigences économiques liées
à chaque type d'encours de financement.
Stern et Stewart ont proposé la formule suivante
d'estimation du coût de capital de l'entreprise :
(1.37)
Avec :
Ic : le taux marginal d'imposition de l'entité
évaluée
E : la valeur du marché de l'endettement portant
l'intérêt
V : la valeur du marché de l'entreprise et donc V
= E+P+S
Kb : le coût de la dette
Ks : le coût d'opportunité des
fonds propres (estimé par le MEDAF)
S : la valeur du marché des fonds propres.
Le coût des capitaux propres est donné par le
modèle d'équilibre des actifs financiers
(MEDAF) ou « Capital Asset Pricing
Model » (CAPM), qui a été élaboré par
Sharpe, Lintner (1965) et Mossin (1966) :
(1.38)
Avec :
- E(Ri) : le taux de rendement
espéré du titre i
- Rf : le taux sans risque
- E(Rp) : le taux de rendement
espéré
- Âp : la volatilité du titre i
par rapport au portefeuille p
Si l'on raisonne en terme de portefeuille de marché qui
est un portefeuille efficient pour tous les investisseurs lorsque le
marché est à l'équilibre. On aura le résultat
suivant :
(1.39)
Avec :
- E(Ri) : le taux de rendement
espéré du titre i
- E(Rm) : le taux de rendement du portefeuille
du marché
- Âi : la volatilité du titre i
par rapport au portefeuille du marché
On a :
(1.40)
- Rf : le taux sans risque
- [E(Rm)-Rf] : la prime de risque
du marché des actions
* Le capital investi est la somme de tous les financements de
l'entreprise, à l'exclusion des dettes d'exploitation ne portant pas
intérêt telles que les comptes fournisseurs, les salaires à
payer et les impôts dus. Ce qui équivaut à dire qu'il est
égale à la somme des titres des actionnaires et de toutes les
dettes portant intérêt, qu'elles soient de long terme ou de court
terme.
2-5-3 : Les ajustements comptables
Anne M. Anderson, Roger P. Bey, Samuel C. Weaver
(2004)39(*) ont
essayé, à partir d'une illustration de la relation entre le
bénéfice résiduel et l'EVA, d'identifier les principaux
ajustements comptables et d'insister sur la nécessité de
recourir aux ajustements comptables au niveau de l'EVA.
On a :
BR = BN - CMPC x
CI (1.41)
Avec :
BR : le bénéfice résiduel
BN : le bénéfice net
CI : le capital investi
Et
EVA = NOAPT - WACC x CI
Il est clair que l'EVA et le Bénéfice
Résiduel sont identiques, d'où les ajustements comptables du
NOAPT et du CI doivent avoir un impact significatif pour pouvoir dire que l'EVA
est une mesure de la création de valeur favorisée au
bénéfice résiduel. Egalement, comme :
BN = ROA x CI
ET,
I = l'intérêt après impôt du
coût de la dette, KdVd
Kd : le coût de la dette après
impôt
Vd : la valeur de la dette
Donc:
(1.42)
BR = BN + I -
KeVe - I
(1.43)
BR = BN -
KeVe
(1.44)
Avec :
Ke : le coût de capital
Ve : la valeur comptable des capitaux
propres
Et le bénéfice résiduel est égale
au bénéfice net moins les charges du capital investi. Aussi, si
on n'effectue aucun ajustement on a, EVA = BN - KeVe .
Ainsi, l'EVA et le bénéfice net seraient fortement
corrélés. Si les ajustements sont effectués mais non
significatifs, la relation entre l'EVA et le bénéfice net reste
essentiellement inchangé. D'où la nécessité des
ajustements comptables pour que l'EVA ait un apport et une valeur
ajoutée par rapport au bénéfice net.
Pour identifier les ajustements nécessaires, nous
allons nous référer à Tracey West et Andrew Worthington
(2004)40(*)
· Les dépenses de recherches et de
développement
Ne pas capitaliser la rechercher et développement
revient à sous évaluer le capital de l'entreprise et donc
à surestimer l'EVA. Et si les dépenses en recherches et
développement ne sont pas capitalisées ils sont supposés
générer des revenus futurs. Donc, au lieu de déduire les
dépenses dans l'exercice en cours, il est plus judicieux de les
répartir sur quelques années pour les faire correspondre aux
revenus qu'ils engageraient.
· Les impôts
différés
Pour calculer l'EVA, on rajoute au résultat
opérationnel la variation des impôts différés au
cours de la période considérée. Cet ajustement
dégage une charge d'impôt plus conforme à ce que
l'entreprise doit réellement chaque année à
l'administration fiscale.
· Les plus-values d'acquisition :
(goodwill)
Les intangibles et spécialement le goodwill provenant
de l'acquisition des entreprises ne sont pas automatiquement déduits
dans le calcul de l'EVA. La comptabilisation du goodwill dans le
résultat fait disparaître du bilan une partie de l'investissement
de l'acquéreur et n'oblige donc plus les dirigeants à
dégager un rendement compétitif sur cette portion du capital
investi. En d'autres termes, toute réduction du goodwill sous estime le
capital, et en l'absence d'ajustement, surestime l'EVA. Pour calculer l'EVA
tout amortissement du goodwill est rajouté au capital et au
résultat opérationnel. L'accumulation de l'amortissement des
années antérieures est également ajoutée au
capital, de même que le goodwill passée en charges à
l'époque d'acquisitions d'entreprises qui sont encore détenus par
l'acquéreur.
· Les provisions
Les provisions sont une source très importante de
manipulation. La technique la plus courante consiste à constituer des
provisions généreuses lorsque l'entreprise marche bien. Les
profits de l'année en sont réduits mais, ce faisant, les
dirigeants disposent d'une réserve cachée qui sera utile pour
stimuler les profits d'années ultérieures moins fastes.
· Finalement, les ajustements peuvent aussi être
faits pour les industries extractives (miniers, forêts, huiles et
gaz...etc.). On suppose que des changements généraux dans ces
industries résultent d'une lourde accentuation sur les prix des produits
exogènes : conditions sur lesquelles le manager n'a plus de
contrôle discrétionnaire.
2-5-4 : La relation entre l'EVA et ses
composantes41(*)
Nous allons commencer par la description des liaisons qui
existent entre les mesures de la création de la valeur pour
l'entreprise, à savoir : le bénéfice avant
éléments extraordinaires (EBE), les flux de trésorerie
d'exploitation nets (NCF), le bénéfice résiduel ou
residual income (RI) et la valeur ajoutée économique (EVA).
Commençant par l'EBE comme indicateur de base de la valeur de la firme.
Nous avons:
EBE =
NCF + ACC (1.45)
Avec :
ACC : total des accruals relatifs aux activités
d'exploitation
Le résultat d'exploitation net d'impôt (NOPAT)
est un indicateur qui est lié étroitement à la performance
courante et future de l'entreprise. Il est calculé en ajoutant les
dépenses d'intérêts après impôts (ATI)
à l'EBE. On aura donc :
NOPAT = EBE + ATI = NCF+ACC+ATI
(1.46)
Comme il est indiqué, la différence la plus
signifiante entre EBE et NOPAT, est que la dernière sépare les
activités d'exploitation des activités de financement en incluant
l'effet de financement de dette après impôts (dépenses
d'intérêts).
Le bénéfice résiduel diffère de
l'EBE dans le sens où il mesure la performance d'exploitation (NOPAT)
nette de charge de coût de dette et des capitaux propres
employés :
RI = NOPAT - (WACC x CAP) = NCF + ACC + ATI - CC
(1.47)
Avec:
WACC : coût moyen pondéré du capital de la
firme (CMPC)
CAP : capital défini comme actif investi dans les
activités d'exploitation (net de dépréciation), c'est
aussi équivalent aux dettes et capitaux propres au début de la
période.
CC : la charge du capital qui est égale au produit
de la firme et le montant du capital contribué.
Un RI positif (négatif) indique un profit en surplus
(déficit) d'où création (destruction) de la valeur
créée pour les actionnaires.
Comme l'on a déjà vu, l'EVA n'est autre que le
Bénéfice Résiduel plus les ajustements faits sur le NOPAT
et le CAP.
Donc l'EVA est déterminée par :
EVA = NCF +ACC + ATI - CC + ADJ
(1.48)
L'ajustement comptable total de l'EVA est l'ajustement net de
NOPAT (NCF + ACC + ATI) moins l'ajustement au capital dans la
détermination de CC (WACC x CAP).
2-5-5 : Comment accroître l'EVA42(*)
L'EVA peut être augmentée à travers les
moyens suivants :
- Améliorer la rentabilité des capitaux
investis. Cela peut être accompli à travers l'augmentation des
prix ou des marges, les stratégies de volume ou par la baisse des
coûts.
- La croissance avantageuse : c'est à dire
investir dans des projets où la croissance du profit excède le
coût du capital additionnel. Cela peut faciliter la croissance des
ventes, la production de nouveaux produits et la conquête de nouveaux
marchés.
- Rationaliser, liquider ou abandonner les projets qui ne
peuvent pas générer des revenus supérieurs au coût
de capital. C'est à dire désinvestir ou se retirer des
marchés peu avantageux.
- Optimiser le coût de capital. Cela peut être
accompli à travers la réduction du coût de capital tout en
essayant de maintenir la flexibilité financière nécessaire
de supporter la stratégie du projet d'investissement à travers
l'usage prudent de la dette, du risque, et autres produits financiers.
2-5-6 : Les avantages de l'EVA
La popularité croissante de la méthode EVA
reflète la prise de conscience que les instruments de mesure du
passé, en particulier le rendement des capitaux propres et autres outils
basés uniquement sur les données comptables, laissent beaucoup
à désirer lorsqu `il s'agit de mesurer la création de
valeur.
· Le premier avantage de l'EVA réside dans sa
simplicité conceptuelle. En effet, il est facile de comprendre et
d'appliquer le concept de l'EVA43(*). Si on dispose des données financières
adéquates on peut reconnaître parmi les facteurs qu'on
contrôle ceux qui augmentent la valeur économique de l'entreprise
ou la diminuent. On en déduit que c'est là l'un des avantages de
l'EVA sur les méthodes de la valeur actualisée nette (DCF ou
discounted cash flow). Celles-ci déterminent la valeur présente
de tous les flux financiers de l'entreprise et s'avèrent souvent lourdes
à mettre en oeuvre.
· L'EVA n'est pas seulement un outil de mesure de la
performance de l'entreprise, c'est aussi un moyen de motivation des dirigeants
et facilite les activités économiques à tous les niveaux
de l'entreprise. En effet, l'EVA constitue un outil de gestion
financière décentralisé car elle permet à tous les
niveaux de l'entreprise de mesurer la performance d'une unité en lui
appliquant un taux de rentabilité exigé individuel.44(*)
· On pourra noter l'habileté du positionnement
stratégique de l'EVA qui, s'établissant à l'intersection
du financier et de l'économique, s'adresse aussi bien à
l'actionnaire, dont on entend défendre le point de vue et le revenu,
qu'au chef d'entreprise à qui l'on fournit un critère de
performance.
· Les investisseurs institutionnels sont progressivement
conduits à s'intéresser aux firmes mais de l'intérieur, et
non plus comme seule composante « ponctuelle » d'un portefeuille
diversifié, l'EVA venant alors opportunément combler le besoin
d'indicateurs internes de performance économico-financière.
· L'EVA élimine les distorsions économiques
pour se concentrer sur les décisions qui affectent les résultats
économiques réels.45(*)
· Selon Stern et Stewart, l'EVA est une base de
compensation des dirigeants des entreprises dans un objectif
bidimensionnel :
- Motiver les directeurs au sein de l'organisation
- Assurer l'alignement des intérêts du
manager sur ceux des actionnaires.
En effet, si la compensation est basée sur une autre
mesure tel que le bénéfice,... et qui se caractérise par
une faible corrélation avec l'objectif ultime de l'entreprise à
savoir la création de valeur pour ses actionnaires, le comportement du
manager sera orienté dans le sens qui assure la maximisation de sa
propre fonction d'utilité au détriment des actionnaires.
· L'EVA aligne et accélère la prise des
décisions et améliore la communication, la collaboration et la
coopération entre les différentes divisions et
départements. L'EVA est en effet un système interne de
gouvernement de l'entreprise qui guident tous les managers et les
employés et les amènent à se concentrer sur les
intérêts des actionnaires.
2-5-7 : Les limites de l'EVA46(*)
· L'EVA ne peut pas être un moyen de contrôle
pour des divisions de taille différentes.
· L'EVA est basée sur méthodes de la
comptabilité financières qui peuvent être manipulées
par les dirigeants.
· L'EVA peut se concentrer sur des résultats
immédiats qui diminuent l'innovation. L'EVA néglige aussi les
opportunités de croissance pour la firme en se focalisant sur la mesure
de performance à court terme (Johnson et Soenen, 2003).
· Etant Donné l'accentuation d'EVA dans
l'amélioration de la performance, elle n'encourage pas la collaboration
entre les dirigeants des unités différentes (Ibendahl et
cFleming, 2003).
· Malgré la suprématie de l'EVA par
rapport aux autres outils de mesure de la création de valeur, elle n'est
pas encore une mesure parfaite.
2-6 : Market Value Added (MVA) et création
de valeur
2-6-1 : La définition de la
MVA
La MVA, comme l'EVA, a été
développée par le cabinet américain Stern et Stewart. Elle
représente une autre méthode de détermination de la valeur
de l'entreprise. C'est une référence de comparaison de
sociétés. Elle sert d'indicateur de classement des entreprises
par le cabinet Stern et Stewart (Paliard, 1999) notamment.
La MVA est définie comme étant la
différence entre la valeur de marché (soit la capitalisation
boursière) et la valeur historique des capitaux engagés. La MVA
reflète la richesse créée et accumulée par
l'entreprise depuis sa création.
2-6-2 : Le calcul de la MVA
La MVA se présente par la formule suivante :
MVAt =
Vt - Ct
(1.49)
Avec :
- Vt : la valeur globale de l'entreprise = MV
(capitalisation boursière) + B (la valeur marchande de la dette).
- Ct : la valeur comptable des capitaux
propres
La MVA s'exprime donc par la différence entre la valeur
boursière des capitaux propres et leur valeur comptable.
MVAt = MVt - CPt
(1.50)
Avec :
- MVt : la capitalisation boursière de
l'entreprise à la date t
- CPt : la valeur comptable des capitaux propres
au début de la période t.
2-6-3 : La MVA et la création de valeur
L'entreprise est créatrice de valeur si sa MVA est
positive, c'est à dire que sa capitalisation boursière est
supérieure à la valeur bilancielle des capitaux propres.
Lorsque la capitalisation boursière est
inférieure à la valeur bilancielle des capitaux propres,
l'entreprise détruit de la valeur.
Donc, pour atteindre son objectif, qui est la maximisation de
la valeur, l'entreprise doit se focaliser sur la maximisation de la MVA.
2-6-4 : La relation EVA-MVA
Si l'évaluation des marchés était
rétrospective, la MVA ne serait pas autre chose que le cumul des EVA
antérieures. Comme le marché financier est anticipatif et regarde
les actifs d'un point de vue prospectif, la MVA est en fait la somme des EVA
futures actualisées. Incidemment, le fait que la MVA cumule les EVA,
c'est-à-dire les surplus dégagés après
rémunération des apporteurs de capitaux, confirme à sa
façon que les EVA, incorporées dans la MVA, sont bien
conçues comme appartenant de fait aux actionnaires, alors qu'en principe
elles se présentent comme des surplus libres et offerts à la
répartition. Stewart (1990) décrit l'EVA de l'entreprise comme
étant le « fuel » qui tire la MVA.
Selon François Larmande et Jean-Pierre Ponssard
(2003)47(*), l'EVA se
calcule schématiquement comme suit pour l'année n
EVAn =
EBITn (1 - t) - r.CEn-1
(1.51)
Avec:
EBIT = earning before interest and taxes;
t = taux d'imposition sur les bénéfices;
r = coût du capital ;
CE = capital engagé ou actif total.
Sachant que le flux net de trésorerie FNTn
correspondant à l'année n peut se déterminer
Comme :
FNTn =
EBITn (1 - t) - (CEn - CEn-1 )
(1.52)
Il est facile de voir que l'EVA vérifie la
propriété suivante :
(1.53)
Si l'on admet que la valeur de marché totale VMT, est
égale à la valeur actualisée des FNT au coût du
capital, on obtient
(1.54)
(1.55)
D'où finalement la relation souvent citée entre
MVA et EVA :
(1.56)
La MVA est donc la valeur actuelle de tous les EVA futures.
Section 3 : La comparaison de l'EVA aux autres
mesures de création de valeur : validation empirique
Nous avons mentionner dans ce qui précède que
selon Stern et Stewart l'EVA est le meilleur outil de mesure de la
création de valeur. L'objectif de cette section est de tester
empiriquement cette affirmation
3-1 : Présentation du
modèle
On se réfère à l'étude de Tracey
West et Andrew Worthington, (2004)48(*) qui ont essayé de calculer le contenu
incrémental relatif à chaque instrument de mesure de la
création de valeur à savoir le bénéfice
résiduel, les flux de trésorerie, le bénéfice avant
éléments extraordinaires et la valeur ajoutée
économique.
Il s'agit de tester le contenu informationnel relatif et
incrémental à travers la régression suivante
STK it = á0 + á
1 NCFit + á 2 EBEIit +
á 3 RIit + á 4 EVAit
+ åi,t
3-2 : Définition des variables
3-2-1 : La variable dépendante
STK it : C'est le rendement
ajusté des actions c'est-à-dire commençant trois mois
après la fin de l'exercice et ceci pour que l'information soit saisie
dans les cours.
3-2-2 : Les variables
indépendantes
NCFit = Les flux de
trésorerie d'exploitation nets de l'entreprise i à la date t
EBEIit = Le bénéfice
avant éléments extraordinaires de l'entreprise i à la date
t
RIit = Le bénéfice
résiduel de l'entreprise i à la date t
EVAit = La valeur
économique ajoutée de l'entreprise i à la date t.
Les flux de trésorerie sont calculés comme
bénéfice plus les accruals de la firme i à la date t.
Le bénéfice résiduel est calculé
en ajoutant au résultat d'exploitation les charges de capital. Les
charges de capital sont calculées en multipliant le coût moyen
pondéré par le capital investi (capitaux propres et dettes
à long terme et court terme portant intérêts).
L'EVA est calculé en ajoutant les ajustements au
bénéfice résiduel. Mais, faute de disponibilité des
données nous avons utilisé comme ajustement que la variation des
provisions.
3-3 : Description de
l'échantillon
L'échantillon de l'étude comporte 19 entreprises
non financières cotées en Bourse des Valeurs Mobilières de
Tunis (BVMT) sur une période de cinq ans s'étalant de 1999
à 2003.
Les données de l'étude ont été
recueillies manuellement à partir des sources d'information suivantes:
- Les documents d'informations, les prospectus
d'émission d'emprunt obligataire, les prospectus d'émission
d'actions et les rapports d'activité des entreprises disponibles au
Conseil du Marché Financier.
- Les états financiers publiés dans les
bulletins officiels de la BVMT.
- Le site Web de la BVMT, les sites Web des entreprises et les
entreprises elles-mêmes.
3-4 : Résultats et
interprétations
Nous avons appliqué la méthode de données
de panel. La régression se fait sous deux dimensions : temporelle
et individuelle.
3-4-1 : Test de significativité des
variables
NCE
|
EBEI
|
RI
|
EVA
|
4.662535
(1.705353)*
|
0.094614
(0.083814)
|
-0.014344
(-1.8293)*
|
0.014389
(1.771099)*
|
* : Significatif à 10 %
Les résultats du test nous montrent que le NCF, et
l'EVA ont un impact positif et statistiquement significatif sur le rendement
annuel composé des capitaux. Tandis que le bénéfice
résiduel affecte négativement le rendement composé annuel
des capitaux.
L'objectif de ce test est de déterminer le pouvoir
explicatif de chaque variable prise toute seule pour pouvoir déterminer
le contenu informationnel relatif de chacune des mesures de création de
valeur.
3-4-2 : Le contenu informationnel relatif
NCF
|
EBEI
|
RI
|
EVA
|
R2
|
4.212878
(1.641873)
|
0.423099
(0.38566)
|
-0.05855
(-1.989581)
|
0.04106
(0.660462)
|
19.0038%
19.0584%
19.5576%
18.7871%
|
RI EBEI
NCF EVA
R2 19.5576%
19.0584% 19.0038 % 18.7871%
Les résultats du contenu informationnel relatif
montrent que le bénéfice résiduel (RI) présente le
pouvoir explicatif le plus élevé suivi par l'EBEI puis par les
flux de trésorerie d'exploitation et finalement par l'EVA.
3-4-3 : Le contenu informationnel
incrémental
NCF
|
EBEI
|
RI
|
EVA
|
R2
|
4.276004
(1.46877)
|
0.150456
(0.132987)
|
|
|
18.9365%
|
4.348576
(1.951194)
|
|
-0.004554
(-0.778525)
|
|
19.2620%
|
5.000826
(1.7298)
|
|
|
0.005398
(0.8786)
|
18.4151%
|
|
0.585609
(2.526405)
|
-0.006172 (-1.027)
|
|
19.3918%
|
|
0.332318
(0.292796)
|
|
0.003880
(0.614860)
|
18.7203%
|
|
|
-0.15158
(-1.910938)
|
0.13882
(1.716265)
|
18.4493%
|
NCF / EBEI
|
NCF / RI
|
NCF / EVA
|
EBEI / RI
|
EBEI / EVA
|
RI / EVA
|
18.9365%
|
19.2620%
|
18.4151%
|
19.3918%
|
18.7203%
|
18.4493%
|
Les combinaisons par paire de NCF et EBEI, RI, EVA indiquent
que le pouvoir explicatif a changé respectivement de 18.9365% ;
19.2620% ; 18.4151%.
Une combinaison par paire de l'EBEI et NCF, RI, EVA montrent
que le pouvoir explicatif a augmenté respectivement de 18.9365% ;
19.3918% ; 18.7203%.
Une combinaison par paire de RI et NCF, EBEI, EVA montrent que
le pouvoir explicatif a augmenté respectivement de 19.2620% ;
19.3918% ; 18.4493%
Enfin, la troisième combinaison entre L'EVA et NCF,
EBEI, RI indiquent que le pouvoir explicatif a augmenté de
18.4151% ; 18.7203% ; 18.4493%.
Ces résultats nous montrent que le pouvoir explicatif
de la paire RI et EBEI est le plus élevé.
Les résultats de notre étude ont montré
que le bénéfice résiduel présente le pouvoir
explicatif le plus élevé que les autres mesures ce qui infirme
les idées de Stern et Stewart (1991) et contredisent les
résultats de West et Worthington (2004). Nos résultats sont
conformes à ceux de Bao (1998) qui a montré que le
bénéfice est meilleur que l'EVA.
En effet, West et Worthington (2004) ont trouvé que le
bénéfice après éléments extraordinaires a le
pouvoir explicatif le plus élevé (9.04%) supérieur
à celui du bénéfice résiduel (6.24%),
supérieur à celui de l'EVA (5.07%) supérieur à
celui des flux de trésorerie d'exploitation (2.38%). Tandis que Stern et
Stewart prouvent que l'EVA présente le pouvoir explicatif le plus
élevé.
Conclusion
Au cours de ce chapitre nous avons traité les approches
traditionnelles d'évaluation (Discounted Dividend Model et Discounted
Cash flow Model) en présentant leurs références
théoriques ainsi que leur contribution dans la stratégie de la
création de valeur pour les actionnaires. Puis, nous avons
présenté les diffférents outils de mesure traditionnels et
nouveaux de la création de valeur.
Dans la section empirique de ce chapitre, nous avons
essayé de calculer le contenu incrémental relatif à chaque
instrument de mesure de la création de valeur à savoir le
bénéfice résiduel, les flux de trésorerie, le
bénéfice avant éléments extraordinaires et la
valeur ajoutée économique en estimant le modèle de Tracey
West et Andrew Worthington, (2004).
Les résultats de ce test ont montré que le
bénéfice résiduel (RI) présente le pouvoir
explicatif le plus élevé suivi par l'EBEI puis par les flux de
trésorerie d'exploitation et finalement par l'EVA.
Les résultats du contenu informationnel relatif
montrent que le bénéfice résiduel (RI) présente le
pouvoir explicatif le plus élevé suivi par l'EBEI puis par les
flux de trésorerie d'exploitation et finalement par l'EVA.
Chapitre deuxième :
« Corporate Governance » et
création de valeur
Introduction
Plus l'entreprise est complexe, plus elle est objet à
des problèmes d'agence c'est à dire à des conflits
d'intérêts entre les actionnaires et les dirigeants.
D'après BERLE et MEANS (1932)49(*), la dissociation des fonctions entre les dirigeants
et les actionnaires freine la bonne marche de l'entreprise. En effet, chacun
cherche à maximiser sa propre utilité au détriment de
l'autre.
Le développement de la théorie relative au
gouvernement de l'entreprise est venu donc distinguer plusieurs moyens mis en
oeuvre afin de contrôler les dirigeants pour pouvoir réduire ces
conflits. Parmi ces mécanismes de contrôle, on distingue les
mécanismes de contrôle externe tel que le marché des biens
et services, le marché de travail et le marché des prises de
contrôle et les mécanismes de contrôle interne dont le plus
important est le conseil d'administration développé par FAMA et
JENSEN (1983).
Outre ces mécanismes de contrôle externe et
interne visant la discipline des dirigeants, le système de gouvernement
de l'entreprise accorde un rôle important à la structure de
propriété dans la résolution des conflits d'agence. La
structure de propriété a été objet de plusieurs
études théoriques et empiriques mettant en évidence la
relation entre la performance et la propriété managériale.
En plus de la détention d'actions par les managers, la présence
au niveau de la structure de la propriété de la firme
d'investisseurs institutionnels peut contraindre les dirigeants à agir
de façon à maximiser la richesse des actionnaires. Pound (1988)
et McConnell et Servaes (1990) montrent La propriété
institutionnelle sert comme un signal pour la valeur de l'entreprise. Ainsi,
plus haut est la propriété institutionnelle, meilleure serait la
performance de l'entreprise.50(*)
Ce chapitre sera consacré à étudier
l'importance du gouvernement des entreprises, à travers le processus de
contrôle, dans la création de valeur pour les actionnaires.
Nous allons traiter dans une première section, les
fondements théoriques du gouvernement d'entreprise et ses principes de
base, pour passer par la suite à l'analyse du rôle joué par
le dirigeant au sein de l'organisation en mettant en évidence la
théorie de l'enracinement des dirigeants.
La deuxième sera consacrée à
présenter, en premier lieu, l'importance du conseil d'administration
dans le processus de création de valeur à travers les fonctions
accomplies par celui-ci ainsi que ses principaux caractéristiques
à savoir la taille, la structure et la composition, et en
deuxième lieu, la relation entre la structure de propriété
et la valeur de la firme en étudiant l'impact de la participation du
dirigeant dans la structure de propriété et le rôle des
investisseurs institutionnels dans le processus de création de
valeur.
Enfin, la troisième section fera l'objet d'une
étude empirique de l'impact du processus de contrôle sur la
création de valeur dans le cadre du gouvernement d'entreprise.
Section 1 : Le management par la valeur et
« corporate governance »
Apparu au début des années soixante-dix aux
États-Unis, la « corporate governance » est un
phénomène qui s'est progressivement répandu dans le monde
au cours des années quatre-vingt-dix pour s'imposer aujourd'hui dans de
nombreux débats économiques et politiques sous le thème du
« gouvernement d'entreprise ».
La « corporate governance » ou
gouvernement d'entreprise est issu d'un puissant courant d'opinion qui s'est
développé aux États-Unis puis en Angleterre en
réaction à des scandales financiers mettant en cause de grands
groupes industriels et bancaires et leurs dirigeants. En France, les affaires
qui ont touché les secteurs bancaires et d'assurance affaires ont
également déclenché des débats sur le pouvoir dans
les sociétés. Comme le précise Philippe Bissara
« certains chefs d'entreprises français [...] y ont vu une
mode contestataire par laquelle leur autorité était mise en cause
par des trublions anglo-saxons, relayés par des journalistes ignares et
des organisateurs de colloques en peine de sujets ». Aujourd'hui le
« gouvernement d'entreprise » est devenu un critère
pris en compte par les analystes financiers avant de communiquer leurs
recommandations et par les investisseurs avant de prendre leurs
décisions.51(*)
1-1 : Les fondements théoriques du
gouvernement d'entreprise
Issu du débat instauré par Berle et Means et
associé à la forme organisationnelle particulière de la
firme managériale, le modèle financier de la gouvernance trouve
son origine dans la théorie de l'agence.
1-1-1 : L'objet de la théorie
d'agence :
L'objet de la théorie de l'agence (M.C. Jensen et W.H.
Meckling ; 1976)52(*)
est d'appréhender les relations d'échange entre des parties en
tenant compte des contraintes institutionnelles et informationnelles dans
lesquelles elles évoluent. On parle de sélection adverse
lorsque parmi les parties candidates à un échange, l'une
possède une information privée à laquelle les autres n'ont
pas accès. Il s'agit donc de décrire et d'analyser les
interactions d'un petit nombre d'agents, en fait souvent deux seulement ; l'un
de ces agents possédant une information qu'il est le seul à
connaître est appelé la partie informée ou
l'Agent, l'autre agent non informé est appelé
le Principal. Le but du Principal est de proposer à l'Agent un
contrat qui soit acceptable pour ce dernier et qui aboutisse à
l'utilité maximale (ou aux profits maximaux) pour le Principal. Pour
cela, le Principal doit faire révéler moyennant un coût son
information par l'Agent qui détient de fait une rente informationnelle.
Mais chacun d'eux reste soumis au phénomène d'aléa
moral qui décrit une situation où l'une des parties
n'observe pas parfaitement les actions entreprises par l'autre partie.
Appliquée aux relations entre dirigeants (managers) et
actionnaires (propriétaires), la théorie de l'agence met en
évidence l'existence de conflits issus de la recherche de maximisation
par chacun des deux acteurs de sa propre utilité au détriment de
l'autre. Ainsi, en cherchant à optimiser d'abord leur satisfaction
individuelle mesurée en termes de carrière, prestige,
notoriété..., les dirigeants gèrent l'entreprise sans se
soucier des intérêts des actionnaires. Par exemple, pour
préserver leur pouvoir et leur poste, les managers choisissent
plutôt des investissements peu risqués, à la
rentabilité mesurée sur le court terme ; d'autant que leurs
résultats font l'objet d'évaluations et de commentaires
aujourd'hui largement médiatisés.
De leur côté, les actionnaires qui ont investi un
capital financier cherchent à maximiser la valeur de leurs titres ou
valeur actionnariale (shareholder value) sur une durée la plus longue
possible, même s'ils souhaitent rentabiliser rapidement leur capital.
Cette espérance de gains à long terme conduit donc les
actionnaires à contester la gestion à court terme menée
par les dirigeants dont la position au sein de l'entreprise les rend en outre
détenteurs d'informations privilégiées inaccessibles aux
actionnaires.
1-1-2 : Présentation des stratégies
du dirigeant et de l'actionnaire53(*)
Soit un propriétaire d'entreprise qui cherche à
embaucher un manager. L'entreprise réalisera un profit brut ð,
fonction des «actions» du manager e. Par action on peut
désigner une variable unique qui sera le niveau d'effort du
manager e.
1-1-2-1 : La relation
effort-profit :
Le profit ð dépend de e mais d'une
manière qui n'est pas connue des acteurs ; dans le cas contraire il
suffirait d'observer ð pour connaître le niveau d'effort, et il n'y
aurait pas d'asymétrie d'information.
- On peut écrire cette relation :
(2.1)
Où å est une variable aléatoire ;
- alternativement on peut dire que est la fonction de
densité conditionnelle reliant le profit et le niveau d'effort. On
simplifiera l'analyse en supposant que le niveau d'effort est un scalaire
pouvant prendre deux valeurs : eH (effort intense) et
eL(faible effort).
Les fonctions de distribution de ð conditionnel à e
sont supposées telles que :
(2.2)
Cela signifie simplement que le niveau attendu des profits
quand e = eH est plus grand que quand e = eL, les profits
espérés seront d'autant plus grands que l'effort du manager est
grand. En désignant par E() la fonction d'utilité
espérée on peut donc écrire :
(2.3)
1-1-2-2 : La stratégie du manager
(agent) :
On suppose que le manager maximise une fonction
d'utilité u (w,e) qui dépend positivement du salaire w et
négativement du niveau d'effort :
(2.4)
Un cas particulier est souvent est celui d'une fonction
d'utilité additive :
(2.5)
On estime généralement que cette utilité
ne peut pas descendre au-dessous d'un certain niveau, qui résulte par
exemple de l'existence d'un marché concurrentiel pour les managers,
noté ;
le problème de maximisation du manager peut s'écrire :
(2.6)
1-1-2-3 : La stratégie du
propriétaire :
Le propriétaire cherche à maximiser son surplus
espéré E(S), défini comme l'espérance
mathématique de la différence entre le profit brut et la
rémunération du manager :
(2.7)
Un contrat se définit par un schéma de
rémunération w(ð) et un niveau d'effort e :
(2.8)
Le propriétaire cherche donc le contrat qui permet de
maximiser E(S) tout en s'assurant que le manager en accepte les conditions, ce
qui s'appelle la contrainte de rationalité individuelle ou aussi la
contrainte de participation.
(2.9)
Le propriétaire va donc déterminer w(ð) et e
de sorte à réaliser :
(2.10)
Par conséquent, c'est dans cet environnement rationnel
d'intérêts divergents et d'asymétries d'information que
s'exprime le conflit dirigeants-actionnaires.
1-2 : Le gouvernement d'entreprises :
définitions
« Le gouvernement d'entreprise prend la forme d'un
débat sur le système par lequel les sociétés sont
dirigées et contrôlées. Ce système permet de
préciser comment les objectifs sont établis et sont accomplis,
comment le risque est géré et réparti et comment la
performance est optimisée. Le gouvernement d'entreprise
s'inquiète les aspects internes de la compagnie, tel que le
contrôle interne, et les aspects externes tel que la relation d'une
organisation avec les actionnaires et les autres stakeholders. La transparence
et la responsabilité sont les principes fondamentaux d'un bon
gouvernement d'entreprise. » 54(*)
Selon Kath et Kim (2003)55(*), « le gouvernement d'entreprise est
constitué du réseau de relations liant plusieurs parties dans le
cadre de la détermination de la stratégie et de la performance de
l'entreprise. Ces parties sont d'une part les actionnaires, les dirigeants et
le conseil d'administration, d'autre part, les clients, les fournisseurs, les
banquiers et la communauté.
La Porta et al. (2000)56(*) considère le gouvernement d'entreprise comme
étant un ensemble de mécanismes à travers lequel les
administrateurs externes se protègent contre l'expropriation des
administrateurs internes c'est à dire les managers et les actionnaires.
Ils donnent des exemples spécifiques des formes différentes
d'expropriation. En effet, les administrateurs internes peuvent voler les
profits, vendre la production, détourner les opportunités qui se
présentent à l'entreprise, mettre des membres de la famille non
qualifiés dans des postes importantes de la direction...etc. Cette
expropriation est centrale au problème de l'agence décrit par
Jensen et Meckling (1976).
PETER WIRTZ (2004)57(*) « Le gouvernement d'entreprise
spécifie des processus qui devraient être adoptés par les
dirigeants pour réaliser leurs devoirs comme dirigeants. Il est
défini dans ce cas comme l'ensemble des mécanismes qui
délimitent l'espace discrétionnaire du dirigeant, est
désormais reconnue comme un aspect important dans la vie d'une
entreprise en se basant sur la transparence des décisions majeures
prises et la responsabilité vis à vis des actionnaires (les
autres parties prenantes) ».
Le gouvernement d'entreprise concerne la conduite de
l'entreprise (ou des autres entités) par le conseil d'administration et
les rapports entre celui ci, la gestion de l'entreprise et les actionnaires.
Il s'agit de l'organisation du pouvoir au sein d'une société ou
d'une entreprise visant à un meilleur équilibre enter les
instances de direction, les instances de contrôle et les actionnaires ou
sociétaires. Ce système de gestion des entreprises d'origine
américaine a pour objectif de redonner le pouvoir aux actionnaires, par
rapport aux conseils d'administration et aux dirigeants.58(*)
1-3 : Les principes du gouvernement
d'entreprises
Le gouvernement d'entreprise repose sur plusieurs principes de
bases, les plus importants sont les suivants :
1-3-1 : Le principe de la création de
valeur.59(*)
D'un point de vue financier, l'enjeu central pour juger les
pratiques de gouvernance est leur impact sur la création de valeur.
Aguilera et Cuervo-Cazurra (2004, p. 428) affirment: « Leading
institutional investors, such as CalPERS (California Public Employees
Retirement System) in the USA, believe that `good governance is good business,
and hence will by default create shareholder value. » Sera jugée
comme « meilleure » toute pratique de gouvernance contribuant
à un accroissement de la valeur.
Les « meilleures pratiques » de gouvernance
constituent une initiative fortement appuyée par des parties prenantes
à la politique financière des firmes. Fort de ce constat, il
convient de se tourner vers la finance pour rechercher les critères de
jugement que propose cette discipline pour discriminer entre les pratiques. Il
s'avère alors que le critère central est celui de la valeur, ou
plutôt celui de la création de valeur (Jensen, 2000).
Selon Nicolas Mottis et Jean-Pierre Ponssard (2000) 60(*), l'objectif de la
création de la valeur est un thème périodique dans tout
le discours courant sur l'évolution d'entraînements du
gouvernement d'entreprises. C'est un but qui paraît, malgré tout,
exprimer le point de vue des analystes financiers qui veulent maximiser des
recettes sur le capital investi dans une entreprise particulière, est
dans une position de choix entre les différents investissements
possibles, et qui sont souvent eux-mêmes soumis à une pression
croissante dû à l'analyse comparative de leur propre performance.
Mais ce point de vue strictement financier est un aspect de l'apparition de
nombreux actionnaires qui veulent propulser les mécanismes du
contrôle dans les entreprises, par exemple: la demande d'une plus grande
transparence des comptes, des risques et politiques; un contrôle plus
strict des directeurs; et une distinction plus claire entre les fonctions de
la politique de production d'entreprise (Président) et la gestion des
opérations (le Principal). Cette importance croissante du marché
financier est génératrice d'un débat sur les objectifs de
l'entreprise, en particulier sur le poids relatif d'actionnaires comparé
aux autres stakeholders. En France ce débat est récent et est le
centre de beaucoup d'attention (voir, par exemple, Morin, 1997, ; Charreaux et
Desbrières, 1998, Peyrelevade, 1999) et aussi aux États-Unis
(Prahalad, 1993).
1-3-2 : Le principe de l'intérêt des
parties prenantes61(*)
La création de la richesse par une entreprise est
basée sur une stratégie saine et une pratique de gestion
adoptée pour maintenir une discipline financière et
opérationnelle permettant l'augmentation de la richesse
créée pour les différentes parties prenantes.
Les partisans de la perspective du stakeholder combattent que
le point de vue Anglo-américaine traditionnelle des objectifs de
l'entreprise est trop étroit et qu'il devrait être étendu
pour rejoindre les intérêts des autres groupes associés
avec l'entreprise, y compris employés, la communauté... etc. Ces
stakeholders sont considérés avoir des intérêts qui
dépendent, en partie, du développement continu de l'entreprise.
Par conséquent, un processus du gouvernement efficace doit tenir compte
des intérêts de tout le groupe.62(*)
On peut résumer à travers le schéma
suivant la part de chaque partie prenante dans la valeur créée
par l'entreprise :
-Source : William H. Ferguson (2004)63(*)-
1-3-3 : Le principe de la séparation entre
le contrôle et la prise de décision
Les codes de gouvernance militent pour une séparation
des fonctions de management et de surveillance, même dans les firmes
à conseil unique, afin de rendre l'exercice de cette fonction de
surveillance plus efficace. Cela passerait notamment par trois types de mesures
: la séparation des rôles de président du conseil et de
directeur général, l'indépendance de l'organe de
contrôle et, enfin, la mise en place de comités au sein du conseil
de direction et du conseil de surveillance.
1-3-4 : Le principe du respect des droits des
actionnaires :
Selon KATH et KIM (2003) 65(*) le principe du respect des droits des actionnaires et
la facilité de l'application de ces droits nécessite la
communication avec eux en leur assurant la facilité d'assister aux
réunions générales et en diffusant l'information dont ils
ont besoin.
D'après WIRTZ, P (2004) 66(*) , il est
nécessaire d'assurer un traitement équitable de l'ensemble des
actionnaires (Weil, Gotshal et Manges, 2002, p. 76). Pour cela, plusieurs
mécanismes sont préconisés. Il s'agit d'assurer une
circulation de l'information sans faille auprès de tous les actionnaires
concernant la structure du capital et ses évolutions. Les
barrières à la participation active aux assemblées
générales sont à réduire et les
déséquilibres entre structure du capital et structure des droits
de vote à éviter. Cette exigence revient à
réclamer, en principe, un alignement du droit de contrôle
résiduel sur le droit de propriété attaché au
statut d'actionnaire.
1-4 : Pourquoi la maximisation de la valeur
actionnariale ?67(*)
La littérature sur la gouvernance de l'entreprise
s'est focalisée presque exclusivement sur la relation
dirigeants-actionnaires. Comme si les problèmes d'asymétrie
d'information dans l'entreprise ne se posaient qu'à ce niveau et comme
si la création de valeur ne dépendait que du respect des
intérêts des actionnaires. Et, dans la mesure où de telles
suppositions sont évidemment intenables, qu'est ce qui peut bien
justifier cette orientation particulière ?
En un sens, il suffit de répondre que, juridiquement,
les sociétés sont la propriété de leurs
actionnaires, ce qui donne à ceux-ci le pouvoir de disposer comme ils
l'entendent des actifs de l'entreprise. Aussi, c'est au nom de l'utilité
collective que la théorie dominante justifie le pouvoir
conféré au capital et la maximisation de la valeur actionnariale.
Comme il est d'usage dans la théorie économique libérale,
on cherche à démontrer que, derrière
l'intérêt particulier, se dissimule l'intérêt
général : la situation de l'ensemble des acteurs de la firme
se trouvera mieux assurée si l'on oriente les décisions en
fonction de l'intérêt des apporteurs de capitaux. L'objectif de la
valeur actionnariale est donc l'instrument d'optimisation de
l'efficacité économique d'ensemble. De même, les
actionnaires peuvent jouer le rôle d'assureurs pour les
salariés : ils accepteraient de garantir à ces derniers un
revenu fixe en contre partie de l'appropriation du surplus résiduel. Les
salariés aient une plus forte aversion pour le risque dans la mesure
où le capital humain n'est pas diversifiable à la
différence du capital financier.
En définitive, la meilleure justification de l'objectif
de la valeur actionnariale se trouve dans le principe d'incitation aux
investissements spécifiques. Ou du moins c'est ce principe qui semble le
plus souvent évoqué lorsque sont explicités les fondements
de la gouvernance. On peut le résumer en trois propositions qui
s'enchaînent.
· Il n'est pas possible d'écrire tous les droits
et devoirs des diverses parties prenantes de l'entreprise dans l'ensemble des
configurations (de marché, de conjoncture, d'environnement...)
imaginables dans le futur. L'incomplétude des contrats suppose donc
l'existence d'un surplus résiduel (ce qui reste lorsque les obligations
formelles de l'entreprise ont été remplies). Il faut donc que ce
surplus résiduel soit pris en charge, avec les risques qu'ils
comportent, par un ou plusieurs acteurs ou groupes d'acteurs de la firme. De
surcroît, il faut confier à l'un ou plusieurs d'entre eux le soin
de prendre les décisions qui ne peuvent être
prédéfinies et qui ne peuvent faire l'objet d'engagements
contractuels.
· Ces droits doivent être conférés
à celui ou à ceux des acteurs qui disposent de la plus forte
incitation à maximiser la valeur de la firme ou du surplus
résiduel, donc l'efficience. Logiquement, cela implique de donner ces
droits à l'acteur ou (aux acteurs) dont le pouvoir de négociation
est le plus fragile, car cet avantage compense la faiblesse de sa position
(leurs positions). Il est clair que les parties prenantes, dont la situation
est suffisamment garantie par un contrat, ont peu d'incitation à
maximiser la valeur de la firme. Au contraire, les acteurs qui ont le plus
à gagner à la poursuite de cet objectif sont ceux dont la
position dans le jeu est la moins assurée.
· Or, ce sont les apporteurs de capitaux qui seraient,
selon la thèse traditionnelle, dans le rapport de force le plus
défavorable. En effet, les droits et les devoirs des autres parties
prenantes de l'entreprise, qu'ils s'agissent des salariés, des clients,
des fournisseurs... sont clairement définis par des contrats et ceux-ci
peuvent aisément interrompre leur « investissement »
au sein de l'entreprise. A l'inverse, le capital financier se transforme en
équipements spécifiques qui implique des coûts de
désengagement élevés, ceci d'autant plus que
l'équipement en question est plus spécialisé : il
n'existe pas de marché d'occasion pour des investissements
spécifiques conçus pour une entreprise particulière. Dans
ces conditions, les apporteurs des capitaux ne disposent plus de pouvoir de
négociation, une fois leur investissement effectué. Pour qu'ils
acceptent de financer l'entreprise, pour qu'ils permettent à ces
financements de se matérialiser dans des équipements peu
liquides, parce que spécifiques, il faut par conséquent leur
attribuer des droits de contrôle sur l'entreprise, avec pour
conséquent le droit de s'approprier le surplus créé.
1-5 : L'analyse du rôle joué par le
dirigeant au sein des organisations
Selon ALAIN FINET (2003), en analysant le rôle
joué par le dirigeant au sein des organisations, deux schémas
sont envisageables : Premièrement, il y a accord sur la perspective
néo-classique selon laquelle tous les choix individuels convergent vers
un objectif commun de maximisation de la richesse de l'entreprise. Le
raisonnement sous-jacent est que les décisions prises par les dirigeants
doivent permettre de réduire les coûts et d'améliorer la
position concurrentielle de l'entreprise, ce qui devrait aussi consolider la
relation avec l'ensemble des stakeholders de l'entreprise. Deuxièmement,
la critique de la théorie néoclassique des organisations est
principalement formalisée au niveau de la théorie de l'agence qui
sert de base au développement de la théorie de l'enracinement des
dirigeants.
De manière schématique et selon un raisonnement
repris par Jensen et Meckling (1976), des conflits d'agence peuvent
apparaître à partir du moment où les actionnaires
délèguent une partie de la prise de décision à des
managers qui peuvent avoir comme objectif la maximisation de la richesse de
l'ensemble des stakeholders (et pas uniquement celle des actionnaires, Scot,
Lane (2000) et, dans certains cas, la maximisation de leurs
intérêts personnels. Par exemple, le dirigeant peut opter pour des
mesures de diversification pour accroître son pouvoir : la liaison
négative entre la diversification et la valeur de l'entreprise est
généralement établie pour les Etats-Unis (Comment, Jarrel,
1995), alors que, pour l'Europe, elle reste toutefois plus problématique
(Perdreau, 1999).
Actionnaire /
Marché financier
Rentabilité immédiate,
Retour sur investissement;
Productivité maximale;
Profits futurs;
Pérennité; création de valeur
Pression temporelle
Changement permanent
Société
Respect de l'environnement;
Intérêts sociaux
Développement durable
Globalisation
Concurrents directs, partenariat, alliance,
coopération
Médiatisation
Institution
Respect civique de la moralité, des règles de la
concurrence
et de l'intérêt général
Partenaires
Respect des délais de paiement
Niveau de commandes élevé;
Marge financier
Clients
Qualité et fiabilité des produits et services;
délais de livraison Réduits; coût minimum d'acquisition
renouvellement des produits
Salariés
Satisfaction; sécurité; éthique;
PDG
Manager
Concurrents directs, partenariat, alliance,
coopération
Complexité\ incertitude
- Contraintes et pressions pesant sur le PDG
-
Source : CHAKRAVARTHY, B.S (1986)68(*)
A partir d'un certain nombre d'interview faites avec des
cadres supérieurs de plusieurs grandes entreprises, on a conclu que les
dirigeants sont influencés par deux principales motivations :
· la survie
· L'indépendance c'est à dire la
liberté dans la prise de décisions sans recourir à des
parties externes et sans être dépendants des exigences du
marché financier. De même, les dirigeants n'aiment pas publier de
nouvelles parts de réserves mais ils préfèrent
plutôt être capables de compter sur les cash-flows internes
produits.
Ces suggestions nous mènent à dire que, sur le
plan financier, le principal objectif des dirigeants est la maximisation de la
richesse de l'entreprise. Celle ci n'est pas nécessairement la richesse
des actionnaires. De même, le fait d'assurer la croissance ou encore
augmenter la taille ne veut pas dire augmenter la richesse des actionnaires.
La rémunération de certains dirigeants sans
commune mesure avec leurs performances soulève des interrogations. Les
dirigeants sont également accusés de privilégier la
croissance (politique d'acquisitions non justifiées, dépenses
inutiles...) plutôt que de distribuer les flux de trésorerie aux
actionnaires (dividendes, rachats d'actions) en l'absence de projets rentables.
On leur reproche une attitude protectionniste vis-à-vis du marché
financier (modifications des droits de vote associés aux titres ou des
règles de vote, limitation des voix détenues par un même
actionnaire). Dans certains cas, ils sont mis en cause pour le manque de
transparence de la société ou du groupe (présentation des
comptes, opacité des holdings). Ils auraient également tendance
à privilégier le court terme parce que leur horizon
d'investissement, la durée estimée de leur mandat, est
inférieur à celle des marchés financiers.
Finalement, les dirigeants n'ont pas la même perception
du risque que les actionnaires : étant donné leur investissement
en capital humain dans l'entreprise, étant donné leur
rémunération liée aux profits et à la survie de
l'entreprise, les dirigeants sont plus sensibles au risque que les actionnaires
qui détiennent généralement un portefeuille
diversifié de titres ; pour cette raison, les dirigeants favoriseraient
la sécurité aux dépens de la rentabilité (moindre
endettement, diversification...).
Les coûts de surveillance de la part des actionnaires
induisent des pertes de valeur pour ces derniers ; celles-ci sont
appelées les coûts d'agence.
1- 6 L'enracinement des dirigeants69(*)
La présence d'un gouvernement d'entreprise efficace
doit permettre d'éviter des comportements déviants dans le chef
des dirigeants ; par comportements déviants, nous nous
référons aux actions qui ne sont pas nécessairement
génératrices de valeur au sens large pour les stakeholders
les plus importants au sein de l'entreprise (les stakeholders
étant l'ensemble des personnes en relation avec l'entreprise ou
encore, selon Freeman et Reed (1983), les individus ou groupe d'individus dont
dépend la pérennité de l'entreprise). L'idée est
donc que si le système de gouvernance mis en place (et les
mécanismes qui le composent) est pleinement efficace, alors toute sous
performance des dirigeants sera rapidement sanctionnée par leur
évincement du processus de prise de décision au sein de
l'entreprise.
Cependant, il semble que, dans certains cas, des dirigeants se
maintiennent à leur poste, et ce en dépit de niveaux de
performance relativement médiocres (eu égard à
l'état général de la conjoncture économique ou de
la confiance des investisseurs dans les perspectives de secteurs
d'activités particuliers). Dans ce cas, on peut penser que les
dirigeants contournent tout ou partie des mécanismes de surveillance
repris au sein du gouvernement d'entreprise ; les dirigeants obtiennent alors
une position privilégiée à partir de laquelle il semble
difficile de les évincer : on parlera d'un processus d'enracinement de
la part du dirigeant au sein de l'entreprise considérée. Cette
stratégie de contournement peut aussi se réaliser de diverses
manières selon les mécanismes disciplinaires pris en
considération ;
La théorie d'enracinement des dirigeants s'inscrit
dans une perspective mise en évidence initialement par la théorie
de l'agence : l'enracinement traduit une volonté de la part de l'agent
(à savoir le dirigeant) de neutraliser les mécanismes de
contrôle qui lui sont imposés par le principal (à savoir
les actionnaires) ; ce qui devrait lui permettre de s'octroyer des avantages
personnels plus importants.
Les premiers développements de cette théorie
sont dus à Shleifer et Vishny (1989) ; le processus d'enracinement
passant par la réalisation d'investissements spécifiques : ces
investissements doivent permettre de diminuer la probabilité
d'éviction des managers, d'obtenir des salaires plus
élevés et de profiter d'un espace discrétionnaire plus
important dans le choix de la stratégie du groupe. Ces investissements
spécifiques vont entraîner la réalisation de projets en
relation directe avec leur formation ou expérience, même si
ceux-ci ne sont pas nécessairement les plus rentables pour l'entreprise.
Ces investissements spécifiques aux managers risquent des les rendre
rapidement indispensables. Pour cette raison, les dirigeants deviennent
difficilement remplaçables, ce qui peut entraîner,
premièrement, une hausse de salaires et, deuxièmement, la
création d'un espace discrétionnaire plus important, à
partir duquel le dirigeant est en mesure de gérer l'entreprise de
manière indépendante.
La théorie de l'enracinement a pris de l'importance
pour une raison centrale. Depuis les années 80, on observe au sein des
entreprises une politique de repositionnement sur leur métier (leurs
compétences distinctives), avec un abandon des stratégies
reposant sur des politiques de diversification tout azimut (Lang, Stulz, 1994).
La contingence économique a donc fait que les modèles de gestion
sont passés d'un essaimage du marché à une concentration
sur ce que l'entreprise fait de mieux. Dans cette optique, l'enracinement peut
apparaître comme la conséquence d'une focalisation des dirigeants
sur leurs compétences spécifiques. Les connaissances du dirigeant
deviennent un facteur fondamental qui suppose que l'opportunisme contribue,
sous certains égards, à l'amélioration du processus de
création de valeur (aspect positif de l'enracinement). L'aspect
négatif de l'enracinement relève du fait que les dirigeants
apparaissent avoir une position de plus en plus dominante au sein de
l'organisation, ce qui conduit dans certains cas, à un accroissement
démesuré de leur pouvoir discrétionnaire et de leur
latitude managériale pouvant déboucher sur une dégradation
de la performance de l'entreprise. Selon ce raisonnement, il existerait donc un
seuil optimal d'enracinement.
Selon nous, l'enracinement passe par un contournement des
différents mécanismes de contrôle présents dans le
gouvernement d'entreprise. Ce contournement de tout ou partie des
mécanismes de contrôle devrait permettre aux dirigeants de
créer des poches d'inefficience au sein des organisations et, ainsi, de
générer et maintenir des rentes. Le dirigeant va peut-être
essayer de se créer une position préférentielle au sein de
l'entreprise de manière contractuelle (certaines clauses de son contrat
empêchant son évincement rapide) et/ou par le biais des mesures
qu'il va prendre (le dirigeant en place est peut-être la seule personne -
étant donnée ses compétences spécifiques -
réellement en mesure de mener à terme le type de décision
prise).
En conclusion, le gouvernement d'entreprise rassemble les
dispositifs qui visent à résoudre en partie le problème
d'agence, parmi ces dispositifs on distingue le rôle de la politique de
contrôle et de la rémunération des dirigeants dans la
résolution des conflits d'intérêts entre les actionnaires
et les dirigeants ainsi que son impact sur la création de valeur
actionnariale.
Section 2 : Le processus de contrôle et la
création de valeur
En principe, divers mécanismes de contrôle
limitent le comportement opportuniste des dirigeants. En particulier, le
conseil d'administration, en tant qu'autorité légale
chargée de ratifier et de contrôler les décisions des
dirigeants, joue un rôle important dans la résolution des conflits
d'intérêts. Il constitue un mécanisme de gouvernance
interne, dont l'efficacité n'est probablement pas sans incidence sur la
création de valeur et, par conséquent, sur la satisfaction des
actionnaires.
2-1 : Le conseil d'administration
Le conseil d'administration est une institution importante
dans le gouvernement des entreprises modernes. Fama et Jensen (1983)
considèrent le conseil d'administration comme étant
« le point culminé des systèmes du contrôle de la
décision interne dans les organisations ».70(*)
2-1-1 : Le rôle joué par le conseil
d'administration dans le processus de création de
valeur :
Une bonne gouvernance a pour objectif d'accroître la
solidité, la viabilité et la compétitivité des
entreprises. Le conseil d'administration est responsable des actifs de
l'entreprise et son comportement doit viser à ajouter de la valeur
à ces actifs en travaillant avec la direction à bâtir une
entreprise prospère et à améliorer la valeur pour les
actionnaires.
Selon Fama et Jensen (1983) parmi les mécanismes de
gouvernement d'entreprises, on distingue le conseil d'administration qui
présente le principal mécanisme interne de contrôle.
« Le conseil d'administration se présente comme un lieu
d'échange de discussion, de suivi d'approbation que les actionnaires
peuvent suggérer. Il s'agit d'un mécanisme chargé de
représenter les intérêts des actionnaires et qui dispose
d'un pouvoir disciplinaire sur les dirigeants. »71(*)
Un conseil d'administration engagé, solidaire et
efficace ajoute de la valeur, d'abord et avant tout, par le choix d'un bon chef
de la direction pour l'entreprise. En outre, le conseil contribue à la
valeur de diverses façons, examinées plus loin, mais notamment en
évaluant et en approuvant l'orientation stratégique de
l'entreprise; en veillant à ce que l'entreprise ait des processus
appropriés pour l'appréciation et la gestion des risques ainsi
que pour le contrôle interne; en assurant la surveillance de la
performance par rapport à des points de repère convenus; et en
assurant l'intégrité de l'information sur la performance
financière. Si le conseil ajoute de la valeur en s'acquittant de ses
responsabilités dans ces domaines, il en résultera une plus
grande transparence et une meilleure compréhension, par les principaux
intéressés, de la situation de l'entreprise.
2-1-1-1 : Le rôle du conseil
d'administration dans le choix du chef de direction
Une fonction fondamentale dont le conseil devrait être
explicitement chargé est de choisir le chef de la direction, et veiller
à ce que l'équipe de la haute direction soit compétente,
focalisée et capable de gérer l'entreprise avec succès. La
relation du conseil d'administration avec la direction est vitale pour une
saine gouvernance. C'est une relation qui exige sans cesse le maintien d'un
équilibre délicat. Pour cela, il faut que la direction et le
conseil comprennent bien leurs rôles respectifs, que chacun respecte la
manière dont l'autre s'acquitte de son rôle, et qu'ils dialoguent
et communiquent entre eux d'une façon continue et ouverte. Un solide
leadership au sein du conseil est aussi essentiel.
Le conseil choisit le chef de la direction et doit, pour
ajouter de la valeur, collaborer avec la haute direction à servir les
intérêts de l'entreprise. Pour y arriver, il doit
déléguer des pouvoirs et reconnaître que, les pouvoirs une
fois délégués, il faut laisser la direction gérer
librement. Mais il ne faut pas que le conseil accepte trop docilement les vues
de la direction. Il lui incombe d'éprouver et de mettre en question les
affirmations de la direction, de suivre l'avancement des dossiers,
d'évaluer la performance de la direction et, au besoin, de prendre des
mesures correctives. Il est impératif que les conseils d'administration
comprennent leur rôle dans cette relation et qu'ils définissent
collégialement leurs responsabilités.
Mace (1986)72(*) suggère que la plus grande
responsabilité du conseil d'administration est de choisir le PDG de la
firme, de le contrôler et de le remplacer si c'est nécessaire.
Ainsi, l'évaluation de l'efficacité du conseil d'administration
se fait à travers l'évaluation des décisions relatives au
maintien/remplacement du PDG.
HERMALIN et WEISBACH (1998)73(*) suggèrent aussi que le conseil
d'administration doit décider s'il faut garder le PDG ou le remplacer.
Cette décision dépend de la capacité du PDG de
gérer la firme et du degré d'indépendance du conseil du
PDG. L `indépendance du conseil vis à vis du PDG
dépend d'un jeu de négociation entre les deux parties : le
PDG préfère avoir un conseil moins indépendant alors que
conseil préfère garder son indépendance.
2-1-1-2 : Le rôle du conseil
d'administration dans la fixation de rémunération du
PDG74(*)
Le conseil d'administration établit et contrôle
la politique de rémunération de la firme. Depuis Berle et Means
(1932), les auteurs conviennent que les PDG utilisent leur pouvoir dans le
conseil d'administration afin de s'approprier des niveaux de
rémunération excessifs.
Yermack (1996) a trouvé que la relation performance-
rémunération du dirigeant décroît avec la taille du
conseil, ce qui suggère que les conseils de petite taille accordent aux
PDG plus d'incitations financières, mais les forcent à supporter
plus de risque.
HALLOCK (1997) et al (1999) ont tous les deux trouvé
que la rémunération du PDG augmente lorsque le conseil compte
parmi ses membres des administrateurs liés, qui risquent d'être
influencés par le PDG.
CORE et al (1999) ont étudié la relation entre
la composition du conseil, la structure de propriété et la
rémunération du PDG. Ils suggèrent que les firmes
dotées de structures de gouvernance faibles tendent à
rémunérer plus leurs PDG. En particulier, ils ont trouvé
que la rémunération tend à augmenter avec le nombre
d'outsiders désignés par le PDG, le nombre de directeurs
âgés de plus de 69 ans, la taille du conseil et le nombre de
directeurs actifs c'est à dire les directeurs travaillant dans plusieurs
entreprises en même temps.
2-1-1-3 : Le rôle du conseil dans la
planification stratégique et la surveillance des opportunités et
des risques : 75(*)
Pour que le conseil soit une source de valeur ajoutée,
il doit s'intéresser activement et régulièrement aux
fonctions de planification stratégique et de gestion des risques. Ces
deux fonctions doivent être intégrées étroitement :
la planification stratégique doit se fonder sur une identification des
opportunités et de toute la gamme des risques d'affaires qui
déterminent lesquelles de ces opportunités devraient être
exploitées. La planification stratégique est un processus continu
qui doit être adaptable aux changements survenant dans l'environnement
externe et aux changements internes. La souplesse et l'adaptabilité sont
cruciales. Dans ce sens, la planification stratégique recouvre une
notion beaucoup plus étendue que l'établissement du plan
d'affaires, et elle devrait comprendre une évaluation des
opportunités et des risques touchant tout un éventail de
domaines,
Pour cela le conseil d'administration doit fixer les grands
paramètres de fonctionnement de l'équipe de direction,
définir un cadre de surveillance de la gestion des opportunités
et des risques, dans des circonstances bien précises, approuver les
grandes décisions impliquant la société, approuver une
politique de communication comprenant un cadre pour les relations avec les
investisseurs, et une politique régissant la publication de
l'information, qui pourrait comporter un mécanisme de surveillance des
relations entre la société et les courtiers en valeurs
mobilières
2-1-2 : La taille du conseil d'administration76(*)
Selon Olubunmi Faleye (2004), un conseil est tout
simplement un groupe d'individus qui travaillent ensemble pour accomplir un
objectif commun. D'où, son succès dépend de la dynamique
de ce groupe et de leur interaction. La taille de ce conseil est une
caractéristique très importante dans la mesure ou elle peut
avoir un impact sur cette dynamique.
La taille du conseil d'administration a fait l'objet de
diverses critiques. Diverses questions ont été posées.
Combien de membres doivent siéger au conseil d'administration? Faut-il
limiter le nombre d'administrateurs? Existe-t-il un manque de cohérence
dans les conseils composés d'un nombre trop élevé
d'administrateurs? Ainsi, un aspect crucial de l'organisation du conseil est le
choix d'un nombre optimal d'administrateurs.
Jensen (1993) et Lipton et Lorsch (1992) ont trouvé que
les entreprises ayant un conseil d'administration de grande taille sont poins
performants que les autres cela réside dans la difficulté de
résolution des problèmes d'agence. Ces auteurs concluent donc que
les entreprises ayant un conseil d'administration de petite taille sont plus
performantes et produisent plus de valeur. La proposition stipule que
même si les capacités du conseil augmentent avec sa taille, ces
avantages sont contrebalancés par des coûts additionnels, comme
une prise de décision lente, de discussions peu franches à propos
de la performance de l'entreprise et des biais en défaveur de la prise
de risque. De la même façon, Business Roundtable (2002) conclut
que «les conseils de taille réduite sont souvent plus
cohésifs et travaillent plus efficacement que les grands
conseils.»
En associant la taille du conseil à des mesures de
performance de l'entreprise, Yermack (1996) a démontré qu'il
existe une relation négative considérable entre la taille du
conseil d'administration et la valeur de l'entreprise mesurée par le
ratio Q de Tobin.
Des études plus récentes faites par Eisenberg,
Sundgren et Wells (1998) pour analyser la taille du conseil d'administration
dans un échantillon de presque 900 petites et moyennes entreprises en
Finlande. Ils ont trouvé que l'augmentation de la taille du conseil de 3
à 4 membres se traduit par une diminution du Return On Assets (ROA)
d'environ 0.02%. Par contre, Ferris, Jagannathan, et Pritchard (2003) trouvent
une relation positive entre la taille du conseil et la valeur de l'entreprise
mesurée par le ratio market/book pour un large échantillon
d'entreprises américaines homogènes. De même, Mak et Li
(2001) ont prouvé statistiquement une relation positive entre la taille
du conseil d'administration et la valeur de l'entreprise mesurée par le
ratio Q de Tobin pour des entreprises à Singapore, alors que Bhagat et
Black (2002) ont fait plusieurs études sur un échantillon de
grandes entreprises américaines et ils n'ont pas réussi à
prouver l'existence d'une relation entre la taille du conseil d'administration
et la performance de la firme.
Les résultats de Olubunmi Faleye (2004)
suggèrent qu'il y a une relation négative entre le turnover du
PDG et la taille du conseil d'administration. Ainsi, Hermalin (2004) et Huson
et al. (2004) suggèrent que plus le conseil est de taille petite plus il
sera capable de prendre des décisions au profit des actionnaires.
En résumé, on peut conclure que les
administrateurs élus ont la responsabilité de promouvoir et de
protéger les intérêts des actionnaires. Un conseil de trop
grande taille a pour conséquence de diluer le pouvoir de vote de chacun
de ses membres et pourrait réduire l'efficacité de l'organisme.
Par contre, un conseil de trop petite taille pourrait ne pas être en
mesure d'exercer ses responsabilités de façon satisfaisante, ce
qui est préjudiciable au rendement général de
l'entreprise. Le nombre de participants au conseil doit être suffisant
pour que celui-ci fonctionne de façon efficiente et efficace.
2-1-3 : La structure et la composition du conseil
d'administration :
Un des principes fondamentaux de la gouvernance cité
par Kath et Kim (2003)77(*), est le fait de « structurer le conseil
pour ajouter la valeur » c'est à dire avoir un conseil d'une
composition efficace, de dimension adéquate pour que chacun puisse
assumer ses responsabilités et ses devoirs. En effet, un conseil
efficace facilite l'accomplissement effectif des devoirs imposés par
la loi sur les directeurs et permet de créer la valeur.
Ainsi, les investigateurs de la composition du conseil
d'administration ont exploré de nombreuses caractéristiques du
conseil y compris le nombre d'administrateurs dans le conseil, le pourcentage
d'administrateurs externes, la structure de propriété, la
structure du comité du conseil, et le nombre des réunions tenues
annuellement.
La facette de la composition du conseil d'administration la
plus étudiée par les chercheurs est le nombre d'administrateurs
externes (Hermalin et Weisbach, 2000)78(*).
Selon Agrawal et Knoeber (1996), on a intérêt
à introduire plus d'administrateurs externes dans le conseil
d'administration pour des raisons politiques. Ces auteurs suggèrent que
la présence des administrateurs externes tend à affecter
négativement la performance de l'entreprise. Ils ont aboutit à ce
résultat à travers une étude empirique mettant en relation
le nombre d'administrateurs externes présents dans le conseil
d'administration et la performance de l'entreprise mesurée par le ratio
Q de Tobin.
Hermalin et Weisbach (1991), en régressant la
composition du conseil d'administration sur des variables mesurant la
performance de la firme, conclurent qu'il n'y a pas de corrélation
significative entre la présence d'administrateurs externes et la
performance.
Bhagat et Black (2000) ont montré qu'il n'y a aucune
relation entre la performance de l'entreprise et la fraction d'administrateurs
extérieurs. De même, Lawrence et Stapledon (1999) n'ont pas pu
trouver une relation logique entre la présence des administrateurs
indépendants dans le conseil et le fait de créer ou de
détruire la valeur.
Barnhart et Rosenstein (1998) ont examiné la
performance de la firme, la structure de propriété et la
composition du conseil d'administration dans un système de trois
équations et ils ont trouvé que ces variables sont
déterminées conjointement.
BYRD et HICKMAN (1992) ont examiné la relation entre
les caractéristiques du conseil et la richesse des actionnaires et ils
ont conclut de leur part que le rôle disciplinaire du conseil
d'administration est d'autant plus effectif qu'il comprend des administrateurs
externes.
Hermalin et Weisbach (2003)79(*) ont trouvé de leur part que les
administrateurs externes ont tendance à rejoindre les conseils
d'administration des entreprises après que celles-ci aient
réalisé de mauvaise performance. En effet, les administrateurs
externes peuvent assurer aussi bien la fonction de contrôle que de
conseil surtout lorsqu'ils sont des personnes expertes dans des domaines
liés à l'activité de l'entreprise. Hermalin et Weisbach
soutiennent encore que les conseils d'administration sont
généralement une combinaison entre les administrateurs externes
et internes dont les motivations sont différentes, et selon que la
fraction des administrateurs externes ou internes soit plus ou moins
importante, le conseil sera plus ou moins indépendant.
Andrew K Prevost et Christine Panasian (2004) ont
étudié la relation entre la composition du conseil
d'administration et la performance des firmes à partir d'une liste
d'entreprises de Toronto Stock Exchange et en choisissant celles qui
encouragent l'indépendance des conseils. Il conclut que l'existence des
administrateurs externes affecte positivement la performance des entreprises,
celle ci est mesurée par le ratio Q de Tobin.
Dans un article de Kenneth Biggs (2004)80(*) une définition de la
gouvernance d'entreprise efficace a été proposée par Purdy
Crawford : «la gouvernance créatrice de valeur». Selon lui,
« le but de la société est d'accroître la valeur
à long terme pour les actionnaires ». Ce type de gouvernance peut
être obtenu grâce à des administrateurs qui sont capables de
réfléchir et de s'exprimer en toute indépendance, ont un
sens aigu des affaires, sont intéressés et veillent aux
intérêts des actionnaires. Le fait que la loi exige que le
comité de vérification se compose de personnes autonomes,
possédant des connaissances financières, permet de penser qu'on
cherchera à doter les conseils d'administration de personnes
répondant à ces critères. Un conseil d'administration doit
être essentiellement composé d'administrateurs de ce calibre,
ayant pour mission de créer et de maintenir des systèmes
grâce auxquels la gouvernance créatrice de valeur pourra se
concrétiser. Par exemple, c'est avec l'aide d'administrateurs
indépendants que doivent être élaborés la vision,
les buts et les stratégies globales qu'adoptera l'entreprise pour
créer de la valeur.
2-1-4 : La dualité
La dualité est indicatrice de la structure du pouvoir
dans le conseil d'administration lorsque le manager occupe en même temps
la poste de président du conseil d'administration. Dans ce cas, il aura
un fort pouvoir dans le choix des administrateurs dans le conseil, dans le
processus de planification stratégique et dans la nomination et la
révocation des dirigeants dans l'entreprise.
Selon PEI SAI FAN (2004) 81(*), les chercheurs ont des suggestions contradictoires
concernant la question si le président du conseil et le dirigeant devait
être la même personne. A cet effet, Fama et Jensen (1983), Vance
(1983) et Jarrell, Brickley et Netter (1988) ont suggéré que la
dualité est reliée négativement à la performance et
à la valeur de la firme. Selon Faleye (2003), aucune
situation n'est idéale pour qu'elle soit applicable à toutes les
entreprises. Selon lui, la structure de la direction du conseil
d'administration dépend des caractéristiques spécifiques
de l'entreprise tel que la complexité d'organisation, la
disponibilité d'autres contrôles sur l'autorité du PDG, la
réputation du PDG et son pouvoir. Faleye (2003) a fait une étude
sur un large échantillon d'entreprises américaines, il trouve que
les entreprises dont les opérations et les activités sont
complexes (ce qui implique la nécessité d'avoir un PDG pour faire
des actions rapides), ont besoin d'avoir un dirigeant qui a une bonne
réputation plutôt d'avoir recours à la dualité.
Uma. V. Sridharan et Allan Marsinko (1997)82(*) ont démontré que
la dualité réduit l'indépendance du conseil
d'administration et se traduit par des coûts dus aux conflits entre le
conseil et le manager. Anderson et Anthony (1986), Stoeberl et Sherony (1985)
et Alexander, Fennell et Halpern (1993) suggèrent qu'il existe une
relation positive entre la dualité et la valeur marchande de la firme.
Ainsi, la non-dualité va diluer le pouvoir au sommet de la direction et
donc va créer des conflits d'intérêts entre la manager et
le conseil d'administration. Par contre Boyd (1994) a démontré
que la dualité se traduit effectivement par une perte de performance de
l'entreprise.
Christine Panasian (2004)83(*) suggère que la dualité n'est pas un
facteur signifiant dans l'explication du niveau de la performance de
l'entreprise.
2-2 : La structure de
propriété
La structure de propriété constitue, à
notre avis, le levier de gouvernance le plus important dans l'entreprise dans
la mesure où elle détermine la part du capital détenu par
le manager et par les investisseurs institutionnels et qui influencent
largement la qualité de gouvernance de l'entreprise et donc sa
valeur.
2-2-1 : La séparation entre la
propriété et le contrôle
Les recherches théoriques et empiriques sur la relation
entre la structure de propriété et la performance de
l'entreprise ont été motivées par la séparation
entre la propriété et le contrôle (Berle et Means, 1932)
et, plus récemment, par théorie de l'agence (Jensen et
Meckling, 1976, Fama et Jensen, 1983).
L'étude de Walid Ben Ammar et Paul André
(2005)84(*) contribue
ainsi à la récente littérature qui évalue l'impact
de la concentration de la propriété et de la séparation
entre les droits de propriété et de contrôle sur la valeur
de la firme (Claessens et al., 2002 ; Cronqvist et Nilsson, 2002 ; Anderson et
Reeb, 2003). Les résultats obtenus montrent que la séparation
entre les droits de propriété et de contrôle n'affecte pas
négativement la valeur de la firme. Ces résultats contredisent
ceux obtenus par des études testant une telle question dans des
juridictions offrant peu de protection juridique aux actionnaires minoritaires
(Bigelli et Mengoli, 2001 ; Bae et al., 2002). Leurs résultats font
ressortir l'importance de la protection juridique offerte aux actionnaires
minoritaires comme moyen de limitation des possibilités d'expropriation
offertes aux actionnaires dominants (Holderness et Sheehan, 2000).
Les résultats suggèrent également que la
séparation entre la propriété et le contrôle ne nuit
pas toujours à la performance de l'entreprise. En effet, la
séparation entre les droits de propriété et de
contrôle peut assurer la croissance de l'entreprise sans que les
dirigeants/ fondateurs n'en perdent le contrôle. Attari et Bannerjie
(2002) montrent que la séparation entre les droits de
propriété et de contrôle permet d'éviter le
problème de sous-investissement. L'émission d'actions à
droits de vote inférieurs permet aux dirigeants l'obtention du
financement nécessaire à leurs projets d'investissement tout en
conservant le contrôle des droits de vote. Dans une telle situation, la
séparation entre les droits de propriété et de
contrôle pourrait améliorer la valeur de la firme.
2-2-2 : L'effet du niveau de la participation du
dirigeant sur la valeur de la firme 85(*)
Plusieurs études ont obtenu des évidences
empiriques sur la relation entre la performance de l'entreprise et la structure
de propriété. Ces études essaient de tester quelques
hypothèses dans les différents systèmes de gouvernement
d'entreprises.
La structure de propriété d'une entreprise a un
impact sur sa performance. Leland et Pyle (1977) suggèrent que la
structure de la propriété est un signal de la valeur de la firme.
La propriété d'une entreprise consiste en propriété
managériale, propriété institutionnelle et
propriété individuelle. Si nous considérons que les
managers ou les investisseurs institutionnels comprennent mieux la valeur de la
firme. La proportion de parts possédée par les dirigeants ou les
investisseurs institutionnels transporte un signal au sujet de la valeur de
l'entreprise aux investisseurs extérieurs. Par conséquent, le
cours des actions réagit au changement de la structure de la
propriété. Cependant, l'effet du changement de la structure de
propriété sur la performance est indécis. L'augmentation
de la propriété managériale devrait transporter un signal
positif à la valeur de la firme parce que l'avantage des actionnaires
est connecté à l'avantage des dirigeants internes. C'est le
coût de l'agence qui est réduit pour élever la valeur de la
firme quand les dirigeants possèdent plus de parts dans la
propriété. De l'autre côté, l'augmentation de la
propriété managériale permet aux dirigeants d'avoir plus
de pouvoir pour contrôler l'entreprise. La valeur de la firme devrait
décliner s'il n'y a aucun malfaiteur potentiel pour défier le
titulaire de l'entreprise.
La structure de la propriété managériale
est en rapport avec la performance de la firme. Cependant, son effet sur la
performance est double. La théorie des coûts d'agence et la
théorie de contrôle d'entreprise examinent le rapport entre la
structure de propriété et la performance de la firme de deux
manières différentes.
Fondamentalement, la théorie de l'agence et la
théorie de signal suggèrent que l'augmentation de la
propriété managériale, fait augmenter la valeur de
l'entreprise. La théorie du contrôle d'entreprise est contre
l'implication de théorie de l'agence, et implique que le haut niveau de
la propriété managériale détruit la valeur de la
firme. Morck, Shleifer et Vishny (1988) ont montré qu'il y a un rapport
non - linéaire entre la propriété managériale et la
valeur de l'entreprise. Quand la propriété managériale est
à un niveau bas, elle est reliée positivement avec la valeur de
la firme. Mais, quand la propriété managériale est
à un haut niveau, elle est reliée négativement avec sa
valeur de la firme.
Oswald et Jahera (1991), Makhija et Spiro (2000) et Cole et
Mehran (1998) ont trouvé des évidences pour supporter
l'idée de l'existence d'une relation positive entre la valeur de
l'entreprise et la part détenue par les managers. De l'autre
côté, Jensen et Rubuck (1983) suggèrent que plus haut est
la propriété managériale, plus bas est la valeur de
l'entreprise.
Si la baisse de la propriété managériale
est malfaisante à la valeur de la firme, les investisseurs
institutionnels réduiront leur propriété pour
éviter le déclin de la valeur de la firme dû aux
coûts d'agence qui résultent de l'augmentation de la
propriété managériale (Jensen et Meckling, 1976).
J.R. Davies, David Hillier et Patrick McColgan (2004)86(*) suggèrent que la
relation entre la valeur de la firme et la propriété
managériale peut être étudiée selon la zone
où se situe le pourcentage de capital détenu par les managers.
Ainsi, Pour des bas niveaux de propriété
managériale, la discipline externe, les contrôles internes et les
mécanismes d'incitations peuvent dominer le comportement des
managers[Fama (1980), Hart(1983), et Jensen et Ruback (1983)]. Empiriquement,
Morck et al. (1988), McConnell et Servaes (1990) et Hermalin et Weisbach (1991)
rapportent des résultats logiques avec ce comportement pour la relation
entre la propriété managériale et la valeur d'entreprise.
Jensen et Meckling (1976) suggèrent que les managers détenant une
faible participation dans le capital de la société qu'ils
dirigent, ne réussissent pas à maximiser la richesse des
actionnaires puisqu'ils seront incités à accroître leur
consommation d'avantages en nature.
A des niveaux moyens de propriété
managériale, les intérêts des managers commencent à
converger avec ceux des actionnaires. Or, plus grande est la
propriété, plus grand serait le pouvoir sous forme de droits de
vote. Les dirigeants peuvent, à ce niveau de propriété,
maximiser leur richesse personnelle à travers les gratifications
croissantes et garantir leur emploi aux dépens de la valeur de
l'entreprise. Les études faites par Denis et al. (1997) dans les USA et
Dahya, McConnell et Travlos (2002) au ROYAUME-UNI ont montré l'existence
d'une relation inverse entre le chiffre d'affaire maximum et la
propriété managériale.
Lorsque les dirigeants détiennent des parts importantes
de la propriété (mais moins de 50%), leurs objectifs convergent
vers ceux des actionnaires. A un niveau moins de 50% les managers n'ont pas un
pouvoir total de contrôle de la firme et les disciplines externes
existent encore.
Lorsque les niveaux de la propriété
managériale sont au-dessus de 50%, les managers ont un contrôle
complet de la compagnie. Mais, si les actionnaires soient incapables
d'influencer des dirigeants, il peut exister un cartel de blockholders,
allié avec les droits des actionnaires minoritaires qui sont capable de
monter un défi aux managers s'ils manquent de prise des décisions
dans l'intérêt des actionnaires.
Finalement, lorsque les managers détiennent des parts
très importantes, ils deviennent les seuls propriétaires de la
compagnie. Morck et al. (1988), short et Keasey (1999) et Faccio et Lasfer
(1999) suggèrent qu'au-dessus d'un certain niveau de
propriété, les managers sont en face de pénalités
financières très sévères dans le cas d'échec
de maximisation de la valeur de l'entreprise, ils sont donc contraints à
prendre des décisions qui maximisent cette valeur.
2-2-3 : Les investisseurs
institutionnels :
Au cours des cinquante dernières années, la
structure de l'actionnariat a été profondément
modifiée pour reposer aujourd'hui essentiellement sur l'existence
d'investisseurs institutionnels (Sociétés d'assurances, Caisse
des dépôts et consignations, banques, Organismes de Placements
Collectifs en Valeurs Mobilières, Fonds de pension, Caisses de
retraite).
Les investisseurs institutionnels sont les acteurs qui
détiennent aujourd'hui la fraction la plus élevée des
titres cotés sur les marches financiers. Par exemple aux
États-Unis l'investissement institutionnel croît de 6.1% en 1950
à plus que 50% en 2002. Les actifs détenus par les investisseurs
institutionnels ont aussi augmenté dans plusieurs marchés. Par
exemple, le total des actifs détenus par les investisseurs
institutionnels dans l'Union Européenne croit de plus de 150% entre 1992
et 199987(*).
2-2-3-1 : Les investisseurs institutionnels et la
valeur de l'entreprise
Bathala, Moon et Rao (1994) et Seetharaman, Zane et Bin (2001)
suggèrent que les investisseurs institutionnels jouent un rôle
important dans les activités de management ainsi que dans la
réduction des problèmes d'agence.
Pound (1988) et McConnell et Servaes (1990) montrent La
propriété institutionnelle sert comme un signal pour la valeur
de l'entreprise. Ainsi, plus haut est la propriété
institutionnelle, meilleure serait la performance de l'entreprise. 88(*)
Pound (1988)89(*) présente trois hypothèses concernant la
relation qui existe entre la propriété institutionnelle et la
valeur de l'entreprise : l'hypothèse de l'efficience de la
direction, l'hypothèse des conflits d'intérêt et
l'hypothèse des stratégies d'alignement. D'après
l'hypothèse de l'efficience de la direction, les investisseurs
institutionnels ont une plus grande expérience et ils sont des
contrôleurs plus efficaces que les actionnaires minoritaires sur le plan
coût de contrôle. Donc cette hypothèse prédit
l'existence d'une relation positive entre la propriété
institutionnelle et la valeur de l'entreprise. D'après
l'hypothèse des conflits d'intérêts, à cause
d'autres relations d'affaires avantageuses avec l'entreprise, les investisseurs
institutionnels sont contraints de voter leurs parts avec le management.
L'hypothèse des stratégies d'alignement suggère que les
investisseurs institutionnels et les managers trouvent que la
coopération est mutuellement avantageuse. Cette coopération
réduit les effets bénéfiques sur la valeur de l'entreprise
qui pourrait résulter de la direction par les investisseurs
institutionnels. Donc le conflit d'intérêt et les
stratégies d'alignement prédisent une relation négative
entre la propriété institutionnelle et la valeur de la firme.
Gillan et Stark (2000)90(*) ont démontré que les stratégies
qui sont acceptés par les investisseurs institutionnels sont celles qui
seront entreprises par les firmes à travers l'accumulation d'un nombre
important de votes lors de la réunion du conseil d'administration ce qui
tend à privilégier les stratégies créatrices de la
valeur au détriment de celles destructrices de la valeur aux
actionnaires.
2-2-3-2 : Les investisseurs institutionnels et
les principes de la corporate governance :91(*)
Les investisseurs institutionnels présentent un certain
nombre de traits fondamentaux similaires qui convergent vers l'exigence de
développement de la « shareholder value ». Comme
l'on a déjà vu, toutes les organisations doivent satisfaire aux
principes de la corporate governance notamment, la transparence accrue en
matière de gestion et d'information, l'implication forte des dirigeants,
l'instauration d'un dialogue social entre actionnaires et dirigeants,
l'optimisation des ressources financières et l'attribution des droits
résiduels aux seuls actionnaires. L'application de ces principes est
l'élément central du dispositif institutionnel permettant
d'accroître la valeur actionnariale. L'action des investisseurs doit donc
se limiter aux principes précédemment évoqués. A ce
titre une étude conduite par Calpers, sur le marché
américain, a montré que le respect des principes de la corporate
governance et l'application par les investisseurs des droits de vote suffisent
à accroître la rentabilité financière des firmes
dans lesquels les minoritaires sont actifs. L'indicateur de mesure de la
performance économique et financière des firmes aujourd'hui mis
en avant par les investisseurs internationaux est celui de l'EVA-MVA. Dans
cette optique, l'investisseur par la connaissance de l'EVA détermine
à priori le montant des cash-flows libres dont dispose l'entreprise. Il
le fait en appréciant l'écart entre le résultat
d'exploitation net d'impôt et le flux de liquidité
nécessaire pour la rémunération des capitaux investis.
Théoriquement, l'investisseur peut exiger de
l'entreprise le versement immédiat de la MVA (équivalent
présent et certain des flux d'EVA futurs anticipés). Il peut
ainsi bénéficier ex-ante de flux de revenus futurs, situation qui
théoriquement se traduit par trois éléments :
- Une hausse instantanée de la rentabilité
financière dont bénéficie l'investisseur puisqu'il
perçoit dans ses flux de revenus actuels des anticipations de croissance
(la MVA).
- Un transfert du risque économique de l'investisseur
vers l'entreprise, puisque celle ci doit assurer par avance la
rémunération du capital investi
- Une incitation à la réalisation du niveau
d'EVA anticipé par les investisseurs, puisque c'est la firme qui, en
définitive, assume le risque de non-réalisation des anticipations
de revenus futurs.
Il en résulte alors une modification de la relation
d'agence qui lie les dirigeants aux investisseurs. Ces derniers peuvent estimer
le montant des EVA futures et ainsi anticiper le montant du rendement financier
qu'ils ont la capacité d'exiger. Le modèle EVA-MVA ne
réclame en aucune manière une information parfaite. C'est une
trajectoire que les investisseurs peuvent imposer aux dirigeants comme ligne
directrice de leur action. Il s'ensuit alors que l'excédent ainsi
déterminé, l'EVA, présente les caractéristiques
d'un revenu résiduel dont la théorie de l'agence énonce
que ce revenu doit revenir aux seuls actionnaires.
Dès lors la relution92(*) s'insère parfaitement dans le dispositif de
« délivrer du cash ». Il est alors relativement
aisé de montrer que toutes les techniques qui permettent de faire passer
la valeur vers les actionnaires excipent d'un même principe qui consiste
à renvoyer le risque économique vers l'entreprise. Dans la
même optique, la technique du « demerger »93(*) est une des pratiques
employées pour identifier et faire remonter les sources de cash vers les
actionnaires.
Par la mise en oeuvre de tels mécanismes, les
investisseurs institutionnels maîtrisent la circulation des flux de
liquidités auparavant gérés en interne par les directions
d'entreprises.
Section 3 : Etude de l'impact du processus du
contrôle sur la création de valeur
L'objectif de cette recherche est d'étudier l'effet des
mécanismes de contrôle par le conseil d'administration et la
structure de propriété sur la création de valeur aux
actionnaires dans les entreprises tunisiennes.
3-1 : Présentation du
modèle
On se réfère à l'étude de
Panasian C et Andrew K. Prevost (2004)94(*). Ces auteurs ont mesuré la performance des
entreprises par le ratio Q de tobin.
Le modèle à tester se présente comme
suit :
Qi,t =
á0 + á 1
ADMEXTi,t + á 2
LTCAi,t + á
3 KDIRi,t + á
4 KINSi,t + á
5 DUALi,t + á
6 TAILLEi,t + á
7 DETTEi,t + á 8
CAPEXi,t+ á 9
ROAi,tåi,t
3-2 : Définition des variables
3-2-1 : La variable dépendante
Qi,t = nous allons
mesurer la performance de l'entreprise par le ratio Q de Tobin. Il est
calculé de la manière suivante :
Qi,t = valeur de
marché de l'entreprise + total actifs -
valeur comptable des capitaux / total actifs
3-2-2 : Les variables
indépendantes
ADMEXTi,t : C'est le
pourcentage des administrateurs externes dans le conseil d'administration
mesuré par le rapport suivant :
Nombre d'administrateurs externes / taille du conseil.
LTCAi,t : C'est le logarithme
népérien appliqué à la taille du conseil
d'administration.
KDIRi,t : C'est le pourcentage du
capital détenu par les dirigeants, mesuré par le rapport suivant
: Nombre d'actions détenues par les dirigeants / Nombre total des
actions. Cette variable mesure l'importance de la propriété
managériale et son influence sur l'amélioration de la
performance. Une augmentation de la propriété managériale
aura pour effet de réduire les conflits d'intérêt entre
actionnaires et dirigeants.
KINSi,t : C'est le pourcentage du
capital détenu par les investisseurs institutionnels, mesuré par
le rapport suivant :
Nombre d'actions détenues par les investisseurs
institutionnels/ Nombre total des actions.
DUALi,t : C'est une variable
muette qui prend la valeur (1) lorsque le manager occupe la position du
président du conseil d'administration et la valeur (0) ailleurs.
TAILLEi,t : C'est la taille de l'entreprise, elle
est mesurée par le Logarithme népérien des actifs
totaux.
DETTEi,t : notre
mesure de la structure de capital est défini par le rapport : total
des dettes à long terme / total actifs.; la dette a un impact sur la
création de valeur par sa fonction de réduction de
l'impôt.
CAPEXi,t : nous
allons contrôler les opportunités d'investissement par le rapport
suivant : charges de capital / total actif. Etant donné que dans le
numérateur on trouve la valeur de marché de la firme qui
reflète la valeur actuelle des opportunités de croissance future.
On s'attend à ce que CAPEX et le Q de Tobin soient reliés
positivement.
ROAi,t : défini par le
rapport : résultat net / total actif. On s'attend à une
relation positive entre Q Tobin et ROA.
3-3 : Description de
l'échantillon
L'échantillon de l'étude comporte 43 entreprises
cotées en Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis (BVMT) et pour
une période de deux années (2002) et (2003).
3-4 : Résultats et interprétations
L'estimation par la méthode des Moindres Carrés
Généralisés (MCG) du modèle est
résumée dans le tableau qui suit.
Tableau 1-1 : validation empirique du
modèle
ADMEXT
|
LTCA
|
KDIR
|
KINS
|
DUAL
|
TAILLE
|
DETTE
|
CAPEX
|
ROA
|
R2
|
-0.053346
|
-0.684253
|
-4.198762
|
0.073305
|
-0.066017
|
0.220859
|
-0.077681
|
1.454736
|
-3.618031
|
0.982487
|
-0.195342
|
-1.759508
|
-2.204470
|
0.270778
|
-0.824530
|
2.723844
|
-1.003545
|
1.875191
|
-3.515987
|
|
-
|
(***)
|
(**)
|
-
|
-
|
(*)
|
(**)
|
(**)
|
(*)
|
|
(*) Significatif à 1%
(**) Significatif à 5%
(***)Significatif à 10
3-4-1 : Test de validité du
modèle
Le test de validité du modèle nous permet de
juger le pouvoir explicatif du modèle. Il consiste à tester le
corps des hypothèses :
H0 : á1 =
á2 =.......... á9 = 0
H1 : á1 =
á2 =.......... á 9 ? 0
Les résultats de l'estimation nous renseignent que le
modèle retenu est significatif pour un niveau de risque de 1%. Ceci
indique que le système de gouvernance de l'entreprise joue un rôle
déterminant dans le processus de création de valeur. Quelles sont
donc les composantes de ce système qui ont un effet significatif sur la
création de valeur et comment affectent-elles ce processus?
3-4-2 : Test de significativité des
variables
Dans un premier temps nous allons étudier l'impact du
conseil d'administration comme étant un mécanisme interne de
surveillance et de contrôle du manager. Les résultats de
l'estimation du modèle indiquent que le pourcentage d'administrateurs
externes n'a pas un impact significatif sur la performance des entreprises
tunisiennes. Ce résultat a été prouvé par plusieurs
auteurs tels que Hermalin et Weisbach (1991), Mehran (1995), Klein (1998),
Adams et Mehran (2002) et Bhagat et Black (2002) qui stipulent que les
administrateurs externes ne sont pas en mesure de comprendre la
complexité des activités des entreprises, de résoudre les
conflits d'agence et d'accomplir leur principal rôle à savoir la
discipline des dirigeants. Toutefois, ce résultat contredit les travaux
de Andrew K Prevost et Christine Panasian (2004).
Les résultats de la régression
révèlent que la taille du conseil d'administration a un impact
négatif et statistiquement significatif sur la performance comptable des
entreprises tunisiennes. Ce résultat est conforme à la
littérature stipulant que le conseil d'administration ayant un nombre
réduit d'administrateurs est plus efficace dans l'exercice de ses
fonctions et dans la surveillance des dirigeants que le conseil ayant un nombre
élevé de membres et ce du fait des problèmes de
coordination (Hermalin et Weisbach, 2003). Ainsi, un conseil d'administration
de petite taille permet un meilleur alignement des intérêts entre
les dirigeants et les actionnaires et par conséquent, il engendre
l'augmentation de la performance des entreprises. Notre résultat est
conforme aux études de Yermack (1996), Eisenberg et al. (1998)
et de Olubunmi Faleye (2004) qui dévoilent l'existence
d'une corrélation négative entre la taille du conseil
d'administration et la performance des entreprises de leurs
échantillons.
Nous constatons que la dualité n'a pas un impact
significatif sur la valeur de marché des entreprises tunisiennes. Ce
résultat corrobore ceux de Changanti et al. (1985), Baliga et
al. (1996), Brickley et al. (1994), Dalton et al.
(1998) et Vafeas et Theodorou (1998) qui stipulent que le cumul des fonctions
n'a pas d'effet sur la performance des entreprises.
Dans un second temps, l'étude sera consacrée au
processus de contrôle exercé par la structure de
répartition du capital entre les dirigeants (propriété
managériale) et les investisseurs institutionnels
(propriété institutionnelle).
La participation des dirigeants au capital de l'entreprise a
un effet négatif sur la performance des entreprises tunisiennes. Ce
résultat confirme différentes études empiriques dans
différents contextes (Shleifer et Vishny, 1989 ; Morck, Shleifer et
Vishny, 1990 ; Paquerot, 1997). En Tunisie, quand la propriété
des dirigeants augmente, l'effet d'enracinement peut s'établir et
conduire vers un niveau plus élevé d'opportunisme
managérial et par conséquent un niveau faible de performance. En
effet, les dirigeants ayant des parts importantes dans la
propriété peuvent privilégier leurs intérêts
personnels et font passer la maximisation de la valeur de l'entreprise au
second plan.
La présence des investisseurs institutionnels a un
effet positif sur la performance des entreprises tunisiennes. En Tunisie, les
investisseurs institutionnels sont impliqués dans le contrôle et
la gestion des entreprises. Les mutations touchant essentiellement le secteur
d'assurance et le secteur bancaire, affectent probablement le degré
d'intérêt que porte les institutionnels auprès des
entreprises dont ils sont actionnaires. D'ailleurs, les pouvoirs publics en
Tunisie poussent ces institutions, qui sont en majorité des entreprises
publiques, à participer au capital de certaines entreprises et à
faciliter leur financement, soit par l'achat de billets de trésoreries
émis par ces entreprises dont ils sont actionnaires, soit par la
facilité d'octroi de crédit. De même, la majorité
des entreprises de l'échantillon ont des crédits à court
terme et des concours bancaires importants. Les investisseurs institutionnels
peuvent influencer les modes d'organisation en faisant bénéficier
les entreprises de leurs compétences dans les domaines variés.
Ceci pourrait améliorer la performance.
L'impact de la taille de l'entreprise est mesuré par le
logarithme népérien du total des actifs. Cette variable affecte
significativement et dans le sens positif la performance de l'entreprise ce qui
corrobore avec les résultats de Alberto de Miguela, Julio Pindado,
Chabela de la Torre (2002) mais contredisent les résultats de Panasian C
et Andrew K. Prevost (2004). En outre, la structure financière des
entreprises tunisiennes a un impact négatif sur leur performance
comptable. Ceci peut s'expliquer par l'importance des charges
financières associées avec l'endettement des entreprises.
Conclusion
Le système de gouvernance joue un rôle
déterminant dans l'amélioration de l'efficience de l'organisation
dans la création de la valeur, ainsi qu'au niveau de la
réorganisation de l'entreprise afin de maximiser la richesse aux
actionnaires.
Ce système peut être subdivisé en
mécanismes internes d'alignement d'intérêt du manager sur
ceux des investisseurs (conseil d'administration) et d'autres externes
mesurés par la géographie du capital. Néanmoins, la
séparation entre ces mécanismes s'avère
réductionniste de l'interaction entre les différentes composantes
su système de gouvernance. Nous avons, essayé de combiné
tous les effets dans notre modèle. Les résultats suggèrent
que le processus de création de valeur aux actionnaires est directement
affecté par le système de gouvernance à travers ces
mécanismes internes et externes.
La valeur créée aux actionnaires est d'autant
plus importante que la composition du conseil d'administration comporte des
administrateurs externes et sa taille est faible.
La structure de propriété démontre que la
présence des investisseurs institutionnels tend à affecter
négativement la valeur créée aux actionnaires et que la
propriété managériale optimale permettant la
résolution des conflits se situe dans l'intervalle de [....]. En dehors
de cet intervalle, son effet sur la valeur créée aux actionnaires
est négatif.
Chapitre troisième :
La création de valeur : Le rôle de la
politique de rémunération des dirigeants
Introduction
Dans les débats sur la gouvernance des entreprises, le
dirigeant occupe un rôle central car il est à la fois un acteur
majeur du processus conduisant à la création de la valeur, mais
dispose également de la capacité à influer sur sa
répartition. En outre, la théorie insiste à travers des
développements récents sur le fait que le dirigeant doit
être avant tout appréhendé comme un agent économique
créateur de valeur devant également être
protégé de toute spoliation par les autres groupes de
stakeholders.
Selon Janne Väänänen (2005)95(*), les systèmes de
motivation jouent un rôle essentiel dans l'alignement des
intérêts des actionnaires et des dirigeants. Par
conséquent, il est vital de créer un plan de motivation qui
pousse les dirigeants et les autres salariés à entreprendre les
projets d'investissement qui maximisent la valeur des actionnaires. Ainsi,
selon Danka Starovic, Stuart Cooper, Matt Davis (2004)96(*), « La politique de
la rémunération du dirigeant doit être étroitement
liée à la performance de l'entreprise et aussi à
l'objectif de la création de la valeur pour les actionnaires. La
performance basée sur la rémunération s'est
développée aux Etats unis du fait que les entreprises, en
adoptant ce système de rémunération, peuvent
bénéficier des avantages fiscaux.
Le thème de la rémunération des
dirigeants suscite de nombreux débats quant à ses modes de
fixation, ses niveaux, ses évolutions et ses relations aux performances
de l'entreprise. La théorie de l'agence, puis les différents
codes de bonnes conduites édictés par les comités en
charge de la réflexion sur la gouvernance d'entreprise l'ont bien mis en
avant : La question de la rémunération du dirigeant, de son mode
de fixation, de ses différents éléments constitutifs, de
son lien avec les responsabilités et les tâches assumées
par le dirigeant (et donc avec la notion de performance prise dans son sens
large) constitue un des vecteurs du contrôle de la bonne conduite de
l'entreprise.
On traitera dans une première section, les fondements
théoriques de la relation entre la rémunération des
dirigeants et la performance de l'entreprise. Nous allons en premier lieu
présenter les travaux de référence sur le lien entre la
rémunération des dirigeants et la performance de l'entreprise de
M.C Jensen et K.J Murphy(1990) et Hall et Liebman (1998) et nous allons
présenter un modèle de contrat de rémunération
basée sur la performance de l'entreprise présenté par
LERONG HE et MARTIN J. CONYON (2004)97(*) .Par la suite, nous allons mettre l'accent
sur le système de rémunération proposé par Stern et
Stewart(1991)98(*) qui dépend du niveau de l'EVA atteint
par rapport au montant ciblé et dont l'objectif est de pousser les
dirigeants à gérer l'entreprise comme s'ils étaient les
vrais propriétaires. Enfin, nous allons présenter le
problème du détournement des revenus par les dirigeants pour
leurs propres comptes comme étant une insuffisance majeure de la
théorie d'agence qui a négligé cet aspect d'expropriation
des revenus et de réalisation de bénéfices
privés.
La deuxième section sera consacrée à
étudier la structure de la rémunération globale des
dirigeants en présentant les différentes composantes de cette
rémunération en mettant l'accent sur l'importance de l'existence
d'une partie fixe et d'une partie variable dans la rémunération.
Nous allons par la suite présenter la technique des stock-options comme
moyen de motivation des dirigeants à long terme. Ainsi, Selon Eliezer M.
Fich et Anil Shivdasani (2004)99(*), montrent à travers une étude empirique
faite sur la relation entre la rémunération incitative des
dirigeants et la performance de la firme l'utilisation des stock-options comme
composante de la rémunération des dirigeants augmente la valeur
de la firme. La présence de plans des stock-options est reliée
positivement au ratio Market-To-Book et aux autres mesures comptables de la
performance. Nous allons aussi présenter les incitations sous forme de
primes et bonus comme moyen de motivation à court terme. Puis, nous
allons présenter les différents facteurs déterminants de
la rémunération des dirigeants.
Enfin, la troisième section fera l'objet d'une
étude empirique de l'impact de la politique de
rémunération des dirigeants sur la création de valeur.
Section 1 : Les fondements théoriques de la
relation rémunération création de valeur
De nombreuses études ont testé
l'intensité du lien existant entre la rémunération des
dirigeants et la création de valeur pour l'actionnaire. Les discussions
actuelles s'effectuent en référence à deux études
importantes qui ont produit des conclusions divergentes. Il s'agit des travaux
de Jensen et Murphy (1990)100(*) et ceux de Hall et Liebman (1998).
1-1 : Les travaux de référence de M.C
Jensen et K.J Murphy (1990) et Hall et Liebman (1998)
La première étude (Jensen et Murphy, 1990)
concluait que la rémunération des PDG (américains)
était indépendante des performances de leur firme. Les auteurs
ont déterminé que les PDGs recevaient 3,25 $ pour 1 000 $ de
création de valeur en faveur des actionnaires. Selon eux, un partage
aussi mince constitue un mécanisme de gouvernance déficient car
il offre peu d'incitatif aux dirigeants à gérer les actifs de
façon économique, d'où le titre de leur document à
l'effet que les PDG étaient payés comme des bureaucrates.
Cette conclusion est réfutée par la seconde
étude (Hall et Liebman, 1998) qui démontre que, si on la mesure
autrement, on constate que la rémunération des PDG est
liée à la création de valeur pour les actionnaires. Selon
les auteurs, l'erreur des études antérieures a été
de limiter la mesure de la rémunération au salaire et bonus en
ignorant la partie la plus importante, soit la détention des actions et
des options sur les actions de l'entreprise.
Ainsi, le premier modèle sur lequel Jensen et Murphy
(1990) se sont penchés est construit de la manière suivante :
(CEO Salary + Bonus)t = a +
b.(Shareholder Wealth)t (3.1)
La variation de la richesse actionnariale est définie
comme suit :
(3.2)
Avec :
* r : le taux déflaté de retour sur
investissement des actionnaires l'année t
* V : la valeur de l'entreprise à la fin
de l'année précédente
Selon Hall et Liebman (1998), Si on s'en tient à une
mesure étroite de la rémunération, il est vrai que le lien
rémunération performance est très faible. Cependant, en
tenant compte des actions et des options détenues, on constate que la
rémunération des PDG n'est pas celle de bureaucrates. Hall et
Liebman (1998) attribuent leur conclusion différente de celle de Jensen
et Murphy (1990) à deux raisons principales :
- La première raison tient à leurs
données qui sont plus récentes soit sur la période
1980-1994 contre 1969-1983 pour Jensen et Murphy. Elles reflètent ainsi
mieux l'importance accrue des options dans les régimes de
rémunération des hauts dirigeants.
- La seconde raison est que leur étude utilise un
éventail plus large de mesures de sensibilité. Ainsi, Jensen et
Murphy (1990) mesurent l'élasticité de la
rémunération par rapport à la performance par la relation
entre la variation de la richesse du dirigeant et la variation de la valeur
totale de la firme. Une augmentation de plusieurs millions de dollars dans la
richesse d'un dirigeant est alors minuscule en comparaison de l'augmentation de
la capitalisation boursière de la société.
Hall et Liebman ont utilisé quatre différentes
mesures pour tester le lien entre la rémunération et la
performance de la firme pour conclure que quelle que soit la mesure retenue, le
lien entre rémunération et performance s'est resserré
depuis 1980. Ainsi, l'analyse de leur échantillon a
déterminé qu'alors qu'une augmentation de 10 % dans la
performance de la firme accroît le salaire et les primes de seulement 23
000 $ (accroissement d'environ 2 %), cette augmentation accroît la valeur
médiane des actions et options détenues par les dirigeants de 1
250 000 $ soit une augmentation 53 fois supérieure. La
réévaluation des actions et options détenues compte pour
98 % de la relation entre rémunération et performance
mesurée par les deux chercheurs. Hall et Liebman n'en concluent pas pour
autant que les contrats soient efficients ni que la sensibilité à
la performance est suffisante, mais uniquement que le lien entre la
rémunération et la performance existe.101(*)
1-2 : Le contrat de rémunération
basée sur la performance comme solution au problème de
l'agence
Selon LARCKER (1983)102(*) les plans de rémunération liés
à la performance de la firme présente l'avantage de
réduire la tendance des dirigeants, averse au risque, à rejeter
les projets d'investissement ayant une variance de rendement
élevée. Lorsque la richesse des dirigeants, soucieux de
l'accroître, est étroitement reliée à celle des
actionnaires, les dirigeants auront des préférences vis à
vis des projets plus risqués, tout comme les actionnaires. Inversement,
lorsque la rémunération n'est pas subordonnée à la
performance, les dirigeants ne seront pas incités à entreprendre
des projets risqués, ils auront tendance à limiter les
résultats de la firme en adoptant les options stratégiques les
moins risquées et peuvent recourir aux politiques de lissage comptable
des résultats. Par conséquent les modes de
rémunération qui sont étroitement liés à la
performance ont l'avantage de favoriser
« l'autorégulation » de l'agent (ce qui permet
d'éviter un contrôle direct, complexe et coûteux) qui sera
bien entendu réducteur des coûts d'agence.
LEONARD (1990) a fait une étude sur un
échantillon de grandes entreprises entre 1981 et 1985 et il a
trouvé que les entreprises adoptant les plans de motivation à
long terme sont exposés à une plus grande augmentation des
recettes que les entres entreprises. ABOWD (1990) a conclu que la
rémunération des dirigeants a un effet sur la performance mais
celui ci n'est pas instantané. En effet, la sensibilité de la
rémunération des dirigeants durant une année est
corrélée positivement avec la performance de l'année qui
suit.
O'Byrne (1995), pour sa part, indique que la
rémunération des dirigeants doit répondre à quatre
préoccupations, si elle souhaite les inciter à maximiser la
valeur de l'entreprise : aligner la fonction d'utilité des dirigeants
sur la maximisation de la valeur de l'entreprise ; inciter les dirigeants
à prendre des décisions nécessaires mais aux
conséquences contraignantes ; maintenir un niveau de
rémunération suffisant dans les périodes de conjoncture
défavorable ; réduire le coût pour les actionnaires en
limitant la rémunération à des niveaux permettant de
préserver la maximisation de leur richesse. Selon O'Byrne (1995), aucune
autre formule de rémunération ne peut mieux garantir le respect
de ces conditions que la participation au capital des dirigeants.
Selon Jennifer Hill et Charles Yablon (2003)103(*), Il y a une tendance
à envisager la rémunération comme un sujet
spécialisé isolé des autres domaines de la loi des
sociétés. Plusieurs entreprises ont adopté les
systèmes de rémunération basée sur la performance.
La rhétorique qui accompagne ce changement était qu'en alignant
les intérêts des dirigeants avec ceux des actionnaires, la
performance basée sur la rémunération est une technique
d'auto exécution du gouvernement d'entreprise sans avoir besoin de
surveillance ou de contrôle de la part des actionnaires.
La relation entre la rémunération et la
performance a été évoquée par Michael C. Jensen,
Kevin J. Murphy, Eric G. Wruck (2004)104(*). Selon ces auteurs, cette dimension définit
quelles actions et résultats sont récompensés et lesquels
sont pénalisés, et par conséquent savoir qu'est ce que
l'employé fait, comment il effectue son travail et quelle est sa
productivité. L'ampleur de la relation rémunération
performance encourage les dirigeants à créer plus de valeur et
surtout qu'ils vont eux aussi partager (avoir une part) de cette valeur
créée. Donc, les comités de la rémunération
devraient développer une «philosophie de
rémunération» qui est fidèle à l'objectif de
la gouvernance et qui reflète la vision de l'entreprise et sa
stratégie. Une bonne politique de rémunération doit
accomplir trois conditions: attirer les bons cadres au plus bas coût;
retenir les bons cadres au plus bas coût et motiver les cadres pour
prendre des mesures qui créent la valeur pour l'actionnaire à
long terme et éviter les actions qui détruisent la valeur.
Selon
Joe Farris
(2005)105(*) il est
extrêmement important que la rémunération du dirigeant soit
liée à performance de la firme et à la création de
la valeur pour les actionnaires. Choisir la mesure efficace de la performance
dans les programmes de motivation des dirigeants assurera le lien entre
récompenses et performance et permettra aux actionnaires de sentir
qu'ils sont traités de manière équitable. Ainsi ces
mesures doivent accomplir certains critères pour qu'on s'assure que le
lien rémunération performance existe. Ces mesures doivent en fait
assurer l'alignement des intérêts des actionnaires et des
dirigeants, être mesurables, contrôlables, facile à
communiquer et à saisir. Les mesures les plus utilisées et les
plus appropriées pour démontrer l'existence d'un lien entre la
rémunération et la performance sont le TSR, le ROE, l'EVA.
Afin de trouver une solution au problème de l'agence et
afin de motiver l'agent à sélectionner les actions qui sont dans
l'intérêt du principal, LERONG HE et MARTIN J. CONYON
(2004)106(*) ont
proposé de désigner un contrat de rémunération
basée sur la performance de l'entreprise (Holmstrom et Milgrom, 987;
Jensen et Murphy, 1990; Milgrom et Roberts, 1992).
Considérons un simple modèle de
motivation : La fonction de la valeur de la firme est donnée par la
technologie de production linéaire suivante :
V = P(e) + å
(3.3)
Où : P(e) : le niveau de la performance ;
e : l'effort de l'agent ;
å : le terme stochastique des résidus
tel que å ~N(0,ó2)
Le revenu de l'agent (son salaire) :
W = á +
âvV
(3.4)
Avec :
á : constante
âv : taux du partage (ou motivation)
Un agent averse au risque, avec une fonction d'utilité
exponentielle choisit un niveau d'effort, e, qui maximise son
utilité :
(3.5)
Avec :
c(e) : le coût de l'effort
r : le coefficient de l'aversion absolue au
risque
ó2å : la
variance de la valeur de la firme.
L'effort optimal de l'agent est alors :
e* = âv
(3.6)
La firme maximise le surplus, S, ce qui signifie :
maxá,âv E
[S] = maxá,âv{E [V] - E[W]}
(3.7)
La solution optimale d'équilibre dans ce modèle
d'agence est donnée par (Holmstrom et Milgrom, 1987)
(3.8)
La théorie économique présente des
perspicacités à la structure des motivations.
Premièrement, les statistiques comparatives montrent que P'(e) doit
être élevé dans les firmes entrepreneuria7les par rapport
aux firmes traditionnelles. Les variables qui sont positivement
corrélées avec la productivité marginale du dirigeant
mèneront aux plus hauts niveaux de motivation. Parmi ces variables, on
peut citer les opportunités de croissance de la firme. En effet, en se
basant sur les recherches théoriques antérieures et sur les
travaux empiriques (Bernardo et al., 2001; Core et al., 1999; Nohel et Todd,
2002b; Smith et Watts, 1992), on trouve une relation positive entre les
opportunités de croissance de la firme et la motivation des
dirigeants.
Deuxièmement, lorsque les motivations augmentent,
l'agent devient moins averse au risque (r). Les dirigeants des grandes
entreprises doivent être plus riches et moins averses au risque que les
dirigeants des petites entreprises, et accepteront donc plus les motivations
(Core et Guay, 1999). Donc, on s'attend à une relation positive entre le
niveau de la rémunération du dirigeant (motivation) et la taille
de l'entreprise. Il faut aussi mentionner que l'aversion au risque peut pousser
les dirigeant à refuser des projets d'investissement qui sont
risqués mais qui sont profitables (Smith et Watts, 1992). Afin de
réduire l'aversion au risque des dirigeants, il faut offrir les actions
et les options pour créer une convexité dans la
rémunération du dirigeant (Guay, 1999; Nohel et Todd, 2002).
Finalement, ce model standard suggère que les
motivations sont reliées négativement à la variance de la
performance de la firme () (Holmstrom et Milgrom, 1987; Milgrom et Roberts, 1992). Mais certains
chercheurs comme Prendergast (2000,2002) suggère que les motivations et
le risque peuvent être corrélés positivement. En effet,
dans un environnement incertain le principal ne connaît pas exactement
les actions que l'agent puisse sélectionner. Donc, les actionnaires
doivent déléguer la prise de décisions aux dirigeants. Ces
derniers doivent donc recevoir une plus grande rémunération pour
être motivés à choisir les projets les plus rentables et
qui créeront plus de valeur aux actionnaires.
1-3 : L'EVA et le système de
rémunération107(*)
Pour ses protagonistes, l'intérêt de cet
indicateur est surtout associé à son usage dans un système
de motivation. Il s'agit alors d'aligner les intérêts des managers
sur ceux actionnaires (Zimmerman 1997, et Wallace 1998, pour des auteurs
académiques qui insistent sur cette caractéristique essentielle
du système EVA). La société de conseil Stern et Stewart a
donc développé tout un arsenal de techniques visant explicitement
cet objectif et elle a été suivie dans cette voie par de
nombreuses autres sociétés de conseil. C'est donc surtout sur ce
terrain qu'il convient d'évaluer les apports éventuels de cette
démarche.
Or, en dépit de la diffusion du système EVA dans
les sphères de management (Ross 1998), il existe en fait encore peu de
recherches sur l'utilisation de cet indicateur dans les systèmes de
rémunération (Ittner et Larcker, 1998). Il existe quelques
analyses très globales de l'impact de l'EVA sur les résultats
financiers de l'entreprise (Wallace, 1997) ou des enquêtes qualitatives
sur les caractéristiques générales des systèmes
d'incitations inspirés par l'EVA et leurs conséquences en termes
de management (Haspeslagh et ali. 2001, Mottis et ponssard, 2001).
Plus récemment Ricemen et ali. (2002) ont
évalué l'efficacité comparée de managers selon le
système d'incitations mis en place au sein d'une même entreprise
ayant adopté sélectivement l'EVA. Cette étude repose sur
des questionnaires dans lesquels les managers étaient invités
à faire une auto évaluation du lien entre le système de
rémunération auquel ils étaient soumis (EVA ou non-EVA) et
leur performance. Cette étude met en évidence l'importance de la
congruence d'un système de rémunération dans
l'efficacité plus que le choix de l'indicateur en tant que tel. La
congruence est alors définie comme l'alignement hiérarchique des
objectifs dans l'organisation entre supérieur et subordonné
(Govindarajan et Gupta 1985, Simons 1987, Brickley et ali. 1995). Le choix d'un
indicateur unique facilite certainement cette congruence. Cette étude
souligne aussi qu'un nombre significatif de managers ne comprenaient pas le
système EVA. Cette difficulté de compréhension est
également mentionnée par Wallace (1998) alors que Stern assure
que le système EVA est plus simple et plus objectif que les
systèmes traditionnels.
1-3-1 : Un standard externe
Il existe une distinction importante dans les systèmes
d'incitation selon la manière dont le standard est défini
(Murphy, 2000). On parle de standard interne lorsque ce standard est
négocié à partir des éléments internes
à l'entreprise, par exemple en référence au budget.
Lorsque ce standard est défini par rapport à des
éléments externes à l'entreprise, comme par exemple un
cours de bourse ou un panel de « pairs », on parle de standard
externe. Comme nous aurons l'occasion de le voir, le choix d'un standard
interne ou externe est très structurant.
Le système EVA s'appuie sur un standard externe
construit à partir de la relation suivante (cette relation est
déjà évoquée au niveau du premier
chapitre) :
(3.9)
Dans ces conditions, le standard externe pour l'EVA de
l'année n+1 est égal à :
EVAn+1 = EVAn
+ EI(EVAn)
(3.10)
Les variations d'EVA porte souvent le nom d'EI pour
«Expected Improvement ». Connaissant à une date
donnée VMT0, CE0 et EVA0, on peut
rechercher les variations d'EVA au cours des années futures de telle
sorte que cette relation soit bien vérifiée.
1-3-2 : Une décentralisation dans
l'entreprise
Contrairement par exemple à un système de
rémunération ayant recours à l'attribution de stock
options (système également basé sur un standard externe),
le système EVA est décentralisable dans l'entreprise. Cette
décentralisation consiste d'une part à décomposer
l'indicateur de performance (EVA) puis d'autre part à décomposer
le standard c'est-à-dire l'EI. Dans ces conditions on dispose d'un
indicateur et d'un standard jusqu'à un niveau assez
décentralisé dans l'entreprise, par exemple jusqu'au niveau de
ses centres de profits, à condition que le capital engagé soit
effectivement décomposé à ce niveau. Cette
possibilité de définir un indicateur de performance à un
niveau local tout en conservant un standard externe constitue un avantage
théorique important du système. Il permet de mobiliser les
managers sur des indicateurs dont ils se sentent directement responsables.
1-3-3 : Un bonus pluriannuel
Pour aligner les objectifs des managers sur ceux des
actionnaires, il ne suffit pas d'attribuer des primes en fonction de
l'écart entre la variation d'EVA et l'EI pour une année
donnée, il faut répéter l'opération année
après année. Aussi les primes attribuées aux managers
devraient-elles théoriquement dépendre de la série des
EVA.
Outre le bonus annuel, un nouveau bonus est introduit sous la
forme d'un bonus tri annuel. L'idée est alors de construire une banque
de bonus alimentée chaque année en positif ou en négatif
en fonction de l'écart constaté entre la variation d'EVA et l'EI
correspondant, puis de verser aux managers une sorte de dividende fonction du
capital accumulé dans la banque.
- EVAn = EVA de l'année n
- EIn = standard pour l'écart
EVAn - EVAn-1
- Intn = intervalle pour EVAn
- PIn = indice de performance pour l'année
n
- PIn = 1 + (EVAn - EVAn-1 -
EIn )/ Intn
Notons que si :
· EVAn - EVAn-1 = EIn
alors PIn = 1,
· EVAn - EVAn-1 = EIn + Intn alors
PIn = 2,
· EVAn - EVAn-1 = EIn -
Intn alors PIn = 0.
Le bonus annuel est déterminé à partir de
la valeur de PI. Il vaut 0 pour PI inférieur à 0, est
linéaire lorsque PI est compris entre 0 et 2, et reste constant pour PI
> 2.
Le bonus tri-annuel représenté par la figure
est déterminé à partir des PI de trois années selon
la règle suivante :
· ?PIn < 3 zéro bonus tri-annuel
· 3< ?PIn < 6 bonus tri-annuel
linéaire
· 6 < ?PIn bonus tri-annuel maximum
(constant)
- Forme des bonus
tri-annuel-
Source : Larmande F et Ponssard
J.P., (2003)
Le bonus tri-annuel n'est donc pas la moyenne des bonus
annuels des 3 dernières années, des compensations entre
années sont possibles. Par exemple, si PI1 = -1, PI2 = 3 et PI3 = 1
alors les bonus annuels sont respectivement 0, bonus max et bonus moyen tandis
que le bonus tri annuel est nul (voir figure).
Qu'il s'agisse du bonus annuel ou du bonus pluriannuel, il est
important de noter que c'est l'écart d'EVA d'une année à
l'autre qui est comparé au standard, et non pas le niveau absolu d'EVA.
On mesure ainsi la création de valeur par rapport à
l'augmentation de capital d'une année sur l'autre et non pas, ce qui
serait plus discutable, la valeur absolue de cette création de valeur
par rapport à une valeur comptable du stock de capital.
1-4 : Le détournement des
bénéfices par les dirigeants : les bénéfices
privés
Bruno S. Frey et Margit Osterloh (2004)108(*) suggèrent que les
dirigeants sont capables d'exercer un contrôle considérable sur
les bénéfices qu'ils obtiennent (Bertrand et Mullainathan, 2001,;
Benz, Kucher et Stutzer, 2002,; Bebchuk et a Frit, 2003). Et par
conséquent les dirigeants peuvent voler ou détourner une partie
des revenus pour leurs propres comptes et c'est là une insuffisance
majeure de la théorie d'agence qui a négligé la
possibilité qu'il y ait un détournement des
bénéfices. Ainsi, Becht, Bolton et Röell, (2002)
suggèrent «... much of agency theory ... unrealistically assumes
that earnings and stock prices cannot be manipulated. That is a major weakness
of the theory ... ». Et c'est pour cette raison qu'on ne peut pas toujours
vérifier la relation entre la rémunération des dirigeants
et la performance de l'entreprise.
L'opposition entre actionnaires et dirigeants se manifeste
avec force à travers les bénéfices privés. Ceux-ci
peuvent être définis comme la valeur "psychique" que certains
attribuent à la détention de pouvoir (Harris et Raviv 1988,
Aghion et Bolton 1992), mais surtout, et plus concrètement comme toute
action qui prive les actionnaires d'une partie de la valeur
créée. Les bénéfices privés
représentent une expropriation de la valeur créée par le
dirigeant au détriment des actionnaires. De ce point de vue, les
bénéfices privés ne sont pas désirables et doivent
être découragés soit par des mécanismes de
gouvernement d'entreprise (contrôle interne, conception d'actifs...,
Shleifer et Vishny (1997), Tirole (2001)) soit par la loi (Kraakman et al.
(1994), Zingales 1995, La Porta et al. 1997).
Cependant, de nombreux auteurs (Manne 1965, Easterbrook et
Fischel 1982, 1991) montrent l'intérêt des bénéfices
privés d'un point de vue managérial. Ceux-ci constitueraient une
forme particulière de rémunération des dirigeants. Il
s'agit pour les actionnaires de trouver le bon équilibre entre la
rémunération directe (salaire) et la forme de
rémunération indirecte que sont les bénéfices
privés. Au final, la richesse disponible pour les actionnaires ne serait
pas modifiée, que la rémunération du dirigeant prenne une
forme salariale ou celle de bénéfices privés.
Les dividendes versés aux actionnaires et donc
observables par ces derniers dépendent à la fois des
capacités du dirigeant reflétées par le niveau de
bénéfice de l'entreprise, mais aussi du niveau des
bénéfices privés. Le type du dirigeant (i.e. ces
capacités managériales ) ainsi que le niveau des
bénéfices privés qu'il tire de l'activité de
direction sont inobservables par les actionnaires. Par voie de
conséquence, les actionnaires sont dans l'incapacité de
déterminer si le versement de faibles dividendes résulte d'une
mauvaise performance du dirigeant évaluée en termes de
bénéfices ou d'un abus de bénéfices privés.
L'effort mis en oeuvre par le dirigeant se traduit donc en terme de
bénéfices privés (Burkart, Gromb et Panunzi 1998). Il
s'agit alors de déterminer le contrat de rémunération
optimal qui permet de réduire les conséquences de la
présence d'aléa moral et de sélection adverse.109(*)
Nous considérons une entreprise dont le capital est
entièrement détenu sous forme d'actions ordinaires par un
continuum d'actionnaires. Cette entreprise est gérée par un
dirigeant neutre au risque qui ne détient pas d'actions. Il
réalise un revenu V qu'il peut soit verser aux actionnaires sous forme
de dividendes v, soit en détourner une partie Ø qui lui procure
des bénéfices privés. Le montant de dividendes,
observé par chacun, est donc :
= V - Ø = 0
(3.11)
Or, on suppose que le détournement s'accompagne d'une
perte sèche (consécutive par exemple, au coût de l'effort
du détournement). Formellement, notons :d(Ø) le montant de
bénéfices privés obtenu grâce au détournement
Ø. Ainsi, la perte sèche est égale à Ø -
d(Ø). Nous supposons :
· d'(Ø) > 0 et d''(Ø) < 0 ;
c'est à dire un accroissement du détournement accroît les
bénéfices privés réalisés à un taux
décroissant.
· d(0) = 0 et dØ (0) = 1 ; c'est
à dire que si le dirigeant ne détourne aucun revenus alors il ne
réalise aucun bénéfice privé
· d'(0) est convexe en Ø.
Le dirigeant reçoit un paiement t pour son
activité. Son utilité est donc la somme des
bénéfices privés réalisés grâce au
détournement de Ø au détriment des actionnaires et de son
paiement :
(3.12)
La richesse des actionnaires est :
(3.13)
Les actionnaires ne peuvent pas déterminer si de
faibles dividendes reflètent un dirigeant peu efficace ou un montant
élevé de bénéfices privés.
Nous considérons que le dirigeant connaît seul le
montant du revenu V qu'il réalise. Il est connaissance commune que est distribué
selon et de
densité > 0
sur.
Le programme des actionnaires est :
(3.14)
Comme (selon (3.13)), on la remplace dans l'équation de la maximisation
de l'espérance de l'utilité, on aura :
(3.15)
Nous observons que l'objectif des actionnaires fait
apparaître un arbitrage entre la distribution directe des dividendes (ce qui suppose Ø
faible) et le recouvrement indirect des bénéfices privés (
ce qui suppose Ø élevé) via la réduction du salaire
versé, net des rentes concédées au dirigeant U (V ). Ici,
apparaît nettement la possible substitution du point de vue des
actionnaires entre une rémunération salariale directe du
dirigeant et une rémunération implicite qu'autoriseraient les
bénéfices privés.
Christian AT, Nathalie CHAPPE, Pierre-Henri MORAND et Lionel
THOMAS (2004) ont essayé de déterminer la fraction de
détournement permise par les actionnaires dans le cas d'un contrat
optime en information complète et dans le cas d'un contrat optimal en
information incomplète. Selon ces auteurs :
- En information complète, les actionnaires n'accordent
aucun bénéfice privé au dirigeant. En information
complète, le contrat optimal est tel que le dirigeant ne détourne
aucun revenu. L'extraction de bénéfices privés fait
supporter une perte sèche aux actionnaires. Par conséquent,
l'arbitrage entre une rémunération salariale et l'autorisation
d'un montant de bénéfices privés permettant la
réduction du salaire se fait, sans ambiguïté, en faveur de
la rémunération salariale. Tout le revenu est directement
distribué aux actionnaires. Le paiement du dirigeant n'est ici
constitué que de son opportunité extérieure, et n'est
là que pour s'assurer de sa participation. La rémunération
managériale est de plus indépendante des résultats de
l'entreprise, il ne s'agit ni plus ni moins que d'un salaire fixe.
L'asymétrie d'information conduit à l'abandon de
rentes à l'agent. Il faut donc assurer au dirigeant une utilité
(somme de ses rémunérations) supérieure à sa simple
opportunité extérieure, soit en accroissant sa
rémunération salariale, soit en l'autorisant à
détourner à son profit une partie des revenus. Selon le contrat
optimal en asymétrie d'information, les actionnaires doivent autoriser
un montant positif de bénéfices privés au dirigeant
Section 2 : La structure de la
rémunération des dirigeants
La rémunération globale des dirigeants constitue
un dosage d'éléments destinés à attirer,
récompenser, motiver et fidéliser les gestionnaires de talent.
Cet assemblage comprend généralement un salaire de base, un
programme d'intéressement à court terme, un programme
d'intéressement à long terme, un ensemble d'avantages sociaux et
certains programmes particuliers.
2-1 : L'existence d'une partie fixe et d'une
partie variable dans la rémunération globale
2-1-1 : L'importance de la partie fixe de la
rémunération
La rémunération fixe est
généralement déterminée relativement à la
moyenne de l'industrie pour un poste comportant des responsabilités
similaires. On procède généralement à un ajustement
en fonction de la taille de l'entreprise mesurée par les revenus ou la
capitalisation boursière. Cette partie de la rémunération
intervient pour monnayer un savoir, des compétences et une
expérience du poste de direction. Le salaire fixe est très
important car d'autres composantes de la rémunération globale
telles que les primes sont généralement établies en
proportion de celui ci. De même, cette partie de la
rémunération permet le maintien du manager au sein de
l'organisation pendant les périodes de difficultés (O'Byrne
1995), et elle dépend de la taille de l'entreprise (Cisel et Caroll,
1980).
L'évolution de la partie fixe, si elle peut être
organisée selon des modalités claires, transparentes et
édictées dès l'entrée en fonction du dirigeant, ne
peut être menée indépendamment des décisions prises
au niveau des autres composantes de la rémunération.
Le montant alloué au titre du salaire de base ne doit
pas être un élément totalement indépendant de la vie
de l'entreprise et des efforts menés par le dirigeant. Ainsi, revoir le
niveau de ce salaire de base ne peut se faire idéalement, qu'à
des moments-clés de la carrière du dirigeant ou de
l'évolution de la société dirigée. Cette
réévaluation constitue une forme de reconnaissance à
posteriori du travail accompli et des résultats obtenus sur une
période dépassant l'année3. Revaloriser le revenu fixe
revient ainsi à notre sens à « capitaliser les
compétences et le niveau d'expérience », ou autrement dit,
la qualité du dirigeant.
Selon Johan Grunditz et Johan Lindqvist (2003)110(*), la présence d'un bon
salaire de base peut servir comme meilleure motivation des dirigeants pour
améliorer la performance de l'entreprise surtout lorsque les
stock-options n'existent pas. Ainsi, cette partie de la
rémunération tend à motiver le manager afin de
privilégier les intérêts des actionnaires et
réorienter les stratégies de l'entreprise vers la maximisation de
la richesse des actionnaires (Murphy, 1985).111(*)
2-1-2 : L'importance de la partie variable de la
rémunération :
La partie variable dans la rémunération des
dirigeants remet au coeur de la politique de rétribution la notion de
création de valeur et de sa mesure. En effet, la mise en place d'une
rémunération sous forme de bonus répond à
l'objectif d'incitation de la politique de rémunération prise
dans sa problématique globale. En fait, en octroyant une part plus ou
moins importante de rémunération indexée sur certains
critères de performance, les actionnaires, via les administrateurs et
les comités de rémunération, souhaitent inciter les
dirigeants à prendre des décisions allant dans le sens de la
maximisation de leurs intérêts. La partie variable vise donc
à faire converger les intérêts divergents des actionnaires
et des dirigeants.
De même, la mise en place d'une politique de
rémunération variable liée à la performance de
l'entreprise, ou plus précisément à la
rémunération des actionnaires, est susceptible de réduire
les antagonismes existant entre actionnaires et dirigeants. Ainsi, plusieurs
études économétriques (Salle et Liebman, 1998) et (Hewitt,
1994)112(*) ont
montré que les politiques de la rémunération ont
changé dans les quinze dernières années passées
dans la mesure où ont prévoient une plus grande part variable du
salaire. Dans de nombreuses entreprises la rémunération des
dirigeants, la formalisation et la validation des décisions
étaient une force motrice. Les analystes financiers sont aussi devenus
plus en plus attentifs à ces questions dans leurs évaluations
des entreprises. Dans les années 1980 la politique de
rémunération des dirigeants a été fortement
critiquée , en particulier dans les USA. La rémunération
était à peine sensible à l'évolution de la
performance de l'entreprise parce qu'elle dépend des indicateurs de la
comptabilité qui sont trop manipulables (Jensen et Murphy, 1990). Pour
fortifier la partie variable, deux méthodes sont fréquemment
utilisées:
- Demander aux dirigeants d'investir une partie substantielle
de leur rémunération en achetant des actions (pour par exemple
quelques années de leur salaire de base). Cette approche qui peut
être encouragée par une somme grosse de l'entreprise (par exemple,
50% de la prime annuelle ont payé dans la forme des parts et a
augmenté à 100% si la personne entreprend pour le bloquer pour 5
années), paraît développer.
- Fournir des primes directement en rapport à
performance de la bourse.
Nous allons dans ce qui suit mettre l'accent sur les
stock-options car selon Shaun Clyne les options offertes constituent une
large proportion du salaire du dirigeant et durant le retentissement de la
technologie elles représentent un moyen pour les entreprises d'attirer
les cadres compétents.113(*)
2-2 : La rémunération en
stock-options : programme d'intéressement à long terme
Ce programme prend généralement la forme d'un
régime d'options d'achats d'actions. Les options d'achat d'actions
donnent le droit d'acheter des actions ordinaires de la société
à un prix stipulé d'avance et pendant une période
déterminée. Les entreprises qui utilisent les stock-options pour
rémunérer leurs dirigeants, et éventuellement leurs
cadres, poursuivent un double objectif : profiter d'une fiscalité
avantageuse d'une part, recruter, motiver et garder les meilleurs dirigeants
d'autre part.
2-2-1 : Les avantages des
stock-options
Selon Mauboussin (2004)114(*), les options sont un investissement motivationnel,
et comme tout investissement, l'avantage d'une option doit dépasser le
coût de capital pour pouvoir créer de la valeur aux actionnaires.
Les entreprises déclarent en général utiliser cet outil au
titre de trois avantages principaux : Motiver et inciter les managers
à haut potentiel à améliorer les résultats futurs
de l'entreprise, attirer et fidéliser les meilleurs
éléments et récompenser les performances individuelles.
Eliezer M. Fich et Anil Shivdasani (2004)115(*) a mené une
étude empirique à travers laquelle on suggère que
l'utilisation des stock-options comme composante de la
rémunération des dirigeants augmente la valeur de la firme. La
présence de plans des stock-options est reliée positivement au
ratio market to book et aux autres mesures comptables de la performance.
Selon PATRICIA CHARLETY (2004) 116(*), les avantages des
stock-options sont :
- La
convergence d'intérêt entre dirigeants et actionnaires :
Quand les dirigeants sont rémunérés sous forme de
stock-options, leur richesse s'accroît en même temps que celle de
leurs actionnaires, comme dans le cas d'une rémunération en
actions. Cela ne peut que limiter les choix de gestion motivés par un
intérêt personnel. Cela contribue également à
aligner leur horizon d'investissement sur celui des actionnaires, au contraire
d'autres politiques de motivation basées sur les résultats
passés (bonus, primes...) qui conduisent plutôt à
privilégier le court terme.
- Incitation à la prise de risque : Comme on vient
de le souligner, une politique de rémunération en actions aurait
des effets similaires ; les options jouent cependant un rôle particulier
d'incitation à la prise de risque. Cet effet est positif si les
dirigeants ont plus d'aversion pour le risque que les actionnaires comme on le
suppose généralement.
- " Court-termisme ", manipulation de cours : selon
l'argument développé plus haut, la rémunération en
titres de l'entreprise tend à aligner l'intérêt des
dirigeants sur celui des actionnaires et en particulier à rapprocher
leurs horizons d'investissement. Cet argument peut être retourné
dans les cas où toute l'information pertinente ne peut être
transmise au marché. Afin d'exercer plus rapidement l'option mais dans
de bonnes conditions, il peut en effet être tentant de favoriser des
projets de plus court terme pour lesquels la communication est plus facile et
la transmission de l'information dans les cours plus immédiate aux
dépens de projets de plus long terme ou de projets plus
stratégiques qu'on ne désire pas annoncer aux marchés et
aux concurrents, voire de " manipuler les cours ". Pour ces raisons, il est
souhaitable de fixer une date d'échéance des options suffisamment
éloignée, de prévoir un exercice à terme uniquement
(options " européennes ") et de renouveler les options
régulièrement (dans le cadre d'un plan pluriannuel par
exemple).
2-2-2 : Les limites des
stock-options
- La rémunération sous forme d'options est
globalement plus coûteuse : La rémunération en
options implique le versement d'une prime de risque aux dirigeants afin de
compenser l'aléa sur les revenus. En l'absence de problème de
motivation, d'avantage fiscal ou d'asymétrie d'information, la
rémunération fixe est donc moins coûteuse pour
l'entreprise. Les stock-options devraient pour cette raison être
réservées aux dirigeants et mandataires sociaux dont les choix
stratégiques conditionnent la valorisation de la société.
Pour les cadres non dirigeants, d'autres formules d'intéressement
(compléments de retraites, plan d'épargne entreprise,...) sont
mieux adaptées : elles permettent une rémunération
fiscalement avantageuse sans imposer aux bénéficiaires un risque
supplémentaire qui se traduit forcément par un surcoût de
rémunération pour l'entreprise.
- Décalage entre l'objectif poursuivi et la
réalité :
Un des objectifs de la rémunération sous forme
d'options est d'inciter les dirigeants à mieux valoriser le patrimoine
des actionnaires en les intéressant directement aux augmentations de la
valeur boursière. Cependant, les cours évoluent pour des raisons
indépendantes de la gestion des entreprises : ils suivent la tendance
générale du marché et, à court terme, peuvent
être affectés par des phénomènes de " bulles
financières " ; la réalité de la
rémunération ne correspond alors plus à l'objectif
poursuivi. Dans une conjoncture favorable, les gains très
élevés des dirigeants ne sont pas " mérités " ; au
contraire, dans un contexte défavorable, les options peuvent ne jamais
être exercées alors même que la gestion a été
bonne. Or, comme on l'a vu plus haut, il n'est pas souhaitable d'imposer la
prise de risques supplémentaires aux dirigeants si elle ne s'accompagne
pas d'effets positifs en termes de comportement. Il est facile d'ajuster la
politique de stock-options de façon à ne garder que la
performance propre à l'entreprise ; il suffit de corriger le prix
d'exercice des variations de cours liées à l'évolution de
la bourse ou du secteur ; par exemple, plutôt que de fixer un prix
d'exercice au départ, on peut fixer une règle d'exercice du type
:
E = P(1 + taux de croissance du marché) ou E = P(1 +
taux de croissance du secteur) où E représente le prix
d'exercice et P un prix fixé au départ qui peut être le
cours au lancement du plan par exemple.
- Le problème du " passager clandestin " et
l'efficacité des plans : Les bénéficiaires des
stock-options n'ont qu'une influence limitée sur les cours des actions,
et le gain provenant directement d'une gestion plus rigoureuse qui
dépend du total actions/options détenues peut s'avérer
relativement faible. De plus, ils peuvent être tentés de profiter
de la meilleure gestion des autres bénéficiaires du plan sans
consentir eux-mêmes d'efforts supplémentaires, devenant ainsi des
" passagers clandestins " (ils tirent des bénéfices de l'action
des autres sans en payer les coûts). La célèbre
étude de Jensen et Murphy (Journal of Political Economy 1990) portant
sur 25 grosses entreprises américaines met en évidence une
augmentation de la rémunération des dirigeants de 3.25$ pour
1000$ d'augmentation de la valeur des actions qui est jugée relativement
faible pour être réellement motivante.
- Les problèmes d'équité à
l'intérieur de la société ou du groupe : les
stock-options ne s'adressant qu'à une petite partie des dirigeants et
aux mandataires sociaux, les autres salariés risquent de mal percevoir
l'écart grandissant de rémunération entre les individus
les mieux payés et les autres.
Selon Michael C. Jensen, Kevin J. Murphy, Eric G. Wruck
(2004)117(*), certaines
entreprises risquent de payer leurs dirigeants pour détruire la valeur
des actionnaires. On peut illustrer ceci par un exemple : Soit une
entreprise dont l'objectif est d'augmenter les prix des actions de 57$
à 100$ par action dans 5 ans. Le coût de capital étant de
15% et les dividendes annuels sont égaux à environ 2.5% par an.
Selon ces hypothèses, la valeur de marché dans 5 ans (juste en
tenant compte du coût de capital net des dividendes) = 102.72$ = 57
(1.125)5.
Donc, si l'objectif est d'avoir un cours d'action est
égal à 100$ dans 5 ans se réalise, les actionnaires vont
perdre 2.72$ par action. D'où, si le projet est exécuté
parfaitement il va y avoir destruction de la valeur pour les actionnaires par
ce que si le marché croyait que le plan se réaliserait et que les
$100 prix de l'action prévus serait le résultat, le prix courant
de l'action tomberait à $100/(1.125)5 = $55.49 et donc une
perte immédiate de la value de 1.51$ par action. Cependant, les options
des dirigeants accordées au prix courant de $57 par action peut
être dans cinq années égale à $43 = $100 - $57 par
action. On va donc payer les dirigeants pour détruire la valeur des
actionnaires.
2-3 : L'attribution de primes ou de
bonus
Cette prime est généralement
déterminée en fonction des performances financières de la
société. Un plan typique prévoit qu'aucune prime ne sera
versée à moins que la performance n'atteigne un certain seuil. Le
contrat de travail fixe en général un niveau maximum pour la
prime. La marge entre la prime minimum et maximum constitue la zone
d'incitation où le montant varie en fonction de la performance. La prime
peut être reliée à un éventail de critères
financiers comme le niveau ou taux de croissance du bénéfice net,
du bénéfice d'exploitation, de la valeur économique
ajoutée, du bénéfice par action et autres critères
similaires.118(*)
Les primes ou bonus sont généralement
considérés comme étant un programme d'intéressement
et de motivation à court terme. Cependant ils peuvent être
utilisés comme moyen de motivation des dirigeants à long terme.
Ainsi, selon Isabelle Mas (2004)119(*), Quelle que soit la taille de l'entreprise, les
comités d'administration font de plus en plus pression pour que les
attributions de bonus soient justifiées et corrélées
à des résultats tangibles. Et comme le succès d'une
entreprise se mesure rarement sur un exercice, les spécialistes en paie
patronale ont trouvé de nouveaux types de carottes. La plus en vogue en
ce moment est le « bonus différé à trois ans »,
qui pèse déjà 9 % du package moyen des dirigeants
britanniques. Calé sur des objectifs à long terme, il est
distribué en trois tiers annuels, placé sur un compte
bloqué et versé à échéance. En cas de
départ avant l'échéance, une partie de la prime sera
perdue.
Stern et Stewart (1991)120(*) proposent dans leur modèle EVA un
système de rémunération des dirigeants qui dépend
du niveau de l'EVA atteint par rapport au montant ciblé. Par ce
système, ils veulent atteindre l'objectif que les dirigeants
gèrent l'entreprise comme s'ils étaient les vrais
propriétaires et non de simples entrepreneurs. En effet, baser la
rémunération sur l'amélioration de l'EVA est la source du
plus grand pouvoir dans le système EVA. Ainsi, le seul chemin à
suivre par les dirigeants pour gagner plus d'argent est de créer plus de
valeur aux actionnaires.
Ce système de rémunération peut
être adopté pour assurer une performance à long terme des
dirigeants en différant le versement des primes. Le maintien dans le
temps de l'EVA est assuré par une différenciation entre une prime
déclarée et les primes réellement versées. Un tiers
seulement des primes déclarées sont versées pendant
l'année de réalisation, le reste est gardé en otage dans
un compte différé. De plus, pour garantir une évolution
favorable de l'EVA, les primes se composent d'un pourcentage de l'EVA et d'un
pourcentage de la variation de l'EVA au cours de la même période.
Ainsi, si l'EVA baisse, les primes dans le compte différé sont
réduites. Ce qui signifie que les managers doivent gérer
l'entreprise sur un horizon décisionnel de trois ans.
Selon Selon Michael C. Jensen, Kevin J. Murphy, Eric G. Wruck
(2004)121(*), le plan de
bonus peut être catégorisé en terme de 3 composantes
principales : les mesures de la performance, la performance visée,
et la structure de la relation rémunération - performance. La
figure suivante illustre ces 3 composantes de base pour un plan de bonus
typique. Sous ce plan typique, aucun bonus n'est payé jusqu'à ce
qu'un seuil de performance (généralement exprimé comme un
pourcentage de la performance cible) soit atteint, et un « bonus
seuil » est payé une fois que le seuil de la performance est
atteint.
- Components of a typical annual incentive plan -
Source : Michael C. Jensen, Kevin J. Murphy,
Eric G. Wruck (2004).
Ainsi, on peut conclure qu'il existe deux sortes de
rémunération financière incitative pour les
dirigeants : les rémunérations liquides (salaire, bonus,
primes non différés) et les rémunérations
différées (stock option, primes différées, plan de
retraite). Ces incitations financières permettent non seulement
d'élargir l'horizon décisionnel des managers mais aussi de
garantir un jeu où les managers et les actionnaires tous les deux
gagnants : Les managers ne peuvent gagner qu'une fois que les actionnaires
aient gagné.
2-4 : Les facteurs déterminants de la
rémunération du dirigeant
La rémunération des dirigeants
dépend généralement de trois types de facteurs : les
facteurs relatifs à l'entreprise (essentiellement sa taille), les
facteurs liés aux attributs personnels du dirigeant (l'âge,
l'éducation, l'ancienneté ...) et les facteurs de gouvernance
à savoir le conseil d'administration (sa taille, composition , existence
d'administrateurs externes, indépendance du conseil, la dualité),
et la structure de propriété.
2-4-1 : La taille de l'entreprise
Plusieurs auteurs ont prouvé l'existence d'un lien
entre la rémunération et la taille de la firme. Selon Christiane
Alcouffe (2004)122(*) Le
principe hiérarchique conduit ainsi à l'hypothèse d'une
relation du type :
Rémunération = k [Taille] a
Où :
- k représente un facteur de proportionnalité
entre la rémunération et l'indicateur de taille retenu
- a : représente l'influence de la taille sur la
rémunération (dans les études empiriques, a est
généralement voisin de 0,33).
Cette constatation a été largement
théorisée par le courant néo-institutionnaliste (H. A.
Simon, 1957 et O. E. Williamson 1967 et 1985). Elle fournit un fondement au
soupçon de divergence entre les intérêts des
propriétaires et ceux des dirigeants. Si la taille de l'entreprise
influence davantage les rémunérations que la
profitabilité, les dirigeants sont incités à
privilégier la croissance interne ou, plus encore, externe notamment par
le biais de l'autofinancement au détriment de la distribution de
dividendes.
Plus récemment, la théorie du tournoi a fourni
une justification des écarts de rémunération
observés entre les niveaux hiérarchiques les plus
élevés. Ces écarts seraient nécessaires pour
justifier les efforts fournis par les cadres pour s'élever dans la
hiérarchie. Ainsi l'importance des rémunérations au sommet
de la hiérarchie serait l'incitation nécessaire pour que les
jeunes talents fournissent tous les efforts dont ils sont capables pour le plus
grand bien de leur carrière, mais aussi pour celui de l'entreprise et de
ses propriétaires.
L'étude empirique de Arijit Ghosh (2003)123(*) montre que la taille de
l'entreprise est un facteur plus important que la performance de l'entreprise
dans la détermination de la rémunération des dirigeants.
Plusieurs raisons peuvent expliquer cette relation. Tout d'abord, les grandes
entreprisses sont plus complexes et, par conséquent, demandent une plus
grande expertise des gens qui y travaillent. Ces entreprises offriraient donc
des salaires plus élevés afin d'attirer les meilleurs
éléments. Ensuite, les grandes firmes ont
généralement accès à des ressources
financières plus importantes que les PME. Elles sont donc en mesure de
payer leur dirigeant à un salaire plus élevé. En
troisième lieu, les entreprises de grande taille ont plus de niveaux
hiérarchiques, et comme elles tentent de conserver un
différentiel de rémunération équitable entre les
niveaux hiérarchiques, ces firmes doivent payer plus leur dirigeant.
Autrement dit, la rémunération des dirigeants serait, en partie,
déterminée par la hiérarchie interne de l'organisation. On
trouve ce même raisonnement dans l'étude empirique
effectuée par Julie Wulf (2005)124(*) , Généralement, les dirigeants
les plus compétents et dont le rendement est important gèrent les
grandes entreprises parce qu'il y a une relation positive entre la taille de
l'entreprise et la rémunération des dirigeants (Schaefer, 1998,
Murphy, 1999, et Baker et Hall, 2004). Plusieurs économistes
suggèrent (par exemple Calvo et Wellisz (1979), Rosen (1982)) que les
dirigeants les plus talentueux sont embauchés pour diriger les plus
grandes unités parce que leurs décisions sont très
importantes et affectent les résultats de l'entreprise. Ce raisonnement
est logique puisque les études empiriques ont démontré que
le salaire des dirigeants est fortement corrélé avec la taille de
l'entreprise. De même plus la taille est grande plus le travail devient
confus, les directeurs des divisions qui sont aux plus hauts niveaux
hiérarchiques doivent avoir des taches plus complexes par rapport aux
dirigeants dans les niveaux hiérarchiques inférieurs. Ils doivent
avoir une plus grande autorité dans la prise de décisions et une
rémunération incitative importante.
2-4-2 : Les attributs personnels des
dirigeants
Selon Arijit Ghosh (2003)125(*), la rémunération du dirigeant
dépend de ses attributs personnels à savoir : l'âge,
l'expérience et ses qualifications pédagogiques.
- L'âge: La rémunération du PDG augmente
avec l'âge. Gibbons et Murphy (1991), Dechow et Sloan (1991) ont
montré que les dirigeants les plus âgés ont plus
d'expérience et ils choisissent des projets à long terme et non
risqués. Par contre les jeunes PDG sont réputés se
concentrer sur les projets de courte durée et relativement plus
risqué (Hirshleifer (1993)). Rayan et Wiggins (2001) ont
démontré l'existence d'une relation concave entre le paiement
des primes et l'âge du PDG.
- L'expérience: Murphy (1985) suggère que
les capacités d'un dirigeant au commencement de la carrière ne
sont reconnues. Lorsqu'il il progresse il devient plus
expérimenté et sa rémunération augmente. Palia
(2001) trouve que la rémunération du PDG croit exponentiellement
avec l'augmentation du nombre d'années de travail.
- L'éducation: La rémunération du PDG
pourrait dépendre potentiellement de son niveau d'éducation Saha
et Sarkar (1999). Sarkar and Sen (1996).
Enfin, la relation entre les facteurs de gouvernance et la
rémunération des dirigeants a été traitée au
niveau du chapitre précédent.
Section 3 : Etude de l'impact des incitations
financières sur la création de valeur
Pour mieux apprécier le cloisonnement reliant la
performance en terme de création de valeur aux actionnaires et la
compensation accordée aux managers afin de les motiver à
créer la valeur et réduire les conflits d'intérêts
entre ces deux parties on se réfère dans la spécification
de notre modèle aux travaux de Ronald E. Shrieves et Keith D. Harvey
(2000), et Conrad Satake et Richard Startz (2003)126(*).
3-1 : Le modèle estimé
Le modèle à tester se présente comme
suit :
LN TOTAL COMP i,t = a0 +
a1 ADMEXTi,t + a2 KDIRi,t +
a3 KINSi,t +a4 DUALi,t
+a5TAILLEi,t +a6 ROAi,t +
a7 BRTOTi,t+ åi,t
3-2 : Définition des variables
3-2-1 : La variable dépendante
LN TOTAL COMP : c'est le logarithme
népérien appliqué à la rémunération
totale accordée au PDG de l'entreprise i à l'année t.
3-2-2 : Les variables
indépendantes
ADMEXTi,t : C'est le
pourcentage des administrateurs externes dans le conseil d'administration
mesuré par le rapport suivant :
Nombre d'administrateurs externes / taille du conseil.
En effet, on s'attend à avoir un signe négatif
du coefficient a1. Par contre cette composante tend à affecter
positivement la compensation si la nomination des administrateurs externes est
influencée par le manager.
KDIRi,t : C'est le pourcentage du
capital détenu par les dirigeants, mesuré par le rapport suivant
: Nombre d'actions détenues par les dirigeants / Nombre total des
actions.
KINSi,t : C'est le pourcentage du capital
détenu par les investisseurs institutionnels, mesuré par le
rapport suivant :
Nombre d'actions détenues par les investisseurs
institutionnels/ Nombre total des actions. Ces derniers exercent plus de
contrôle sur le manager et par conséquent ils peuvent affecter
négativement la compensation accordée à ces derniers.
DUALi,t : C'est une variable
muette qui prend la valeur (1) lorsque le manager occupe la position du
président du conseil d'administration et la valeur (0) ailleurs. Selon
Murphy (1985), les managers qui occupent une double fonction tendent à
profiter d'une compensation plus importante.
TAILLEi,t : C'est la taille de l'entreprise, elle
est mesurée par le Logarithme népérien des actifs totaux.
On s'attend à ce que la taille de l'entreprise affecte positivement la
compensation accordée au manager.
ROAi,t : défini par le
rapport : résultat net / total actif. On s'attend à une
relation positive entre la compensation accordée au manager et ROA.
BRTOTi,t :
Bénéfice résiduel/ actif total, c'est une mesure de
l'efficacité du management dans la création de valeur aux
actionnaires. L'influence de la performance sur la compensation doit être
dans le sens positif. Ainsi pour Jensen et Murphy (2004), la compensation doit
être basée sur la richesse créée pour les
actionnaires.
3-3 : Description de
l'échantillon
L'échantillon de l'étude comporte 43 entreprises
cotées en Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis (BVMT) et pour
une période de deux années (2002) et (2003).
4-3 : interprétations des
résultats
L'estimation par la méthode des Moindres Carrés
Généralisés (MCG) du modèle est
résumée dans le tableau qui suit.
Cte
|
ADMEXT
|
KDIR
|
KINS
|
DUAL
|
TAILLE
|
ROA
|
BRTOT
|
2.600784
(5.657441)
|
-0.766690
(-3.277603)
|
0.111002
(0.099315)
|
-0.188278
(-1.787102)
|
-0.042679
(-0.293530)
|
0.165636
(4.784948)
|
0.459215
(0.567271)
|
0.046035
(1.747625)
|
(*)
|
(*)
|
-
|
(**)
|
-
|
(*)
|
-
|
(***)
|
(*) : Significatif à 1%
(**) : Significatif à 5%
(***) : Significatif à 10%
Test de validité du modèle
Le test de validité du modèle nous permet de
juger le pouvoir explicatif du modèle. Il consiste à tester le
corps des hypothèses :
H0 : á1 =
á2 =.......... á7 = 0
H1 : á1 =
á2 =.......... á 7 = 0
Les résultats de l'estimation nous renseignent que le
modèle retenu est significatif pour un niveau de risque de 1%. Ceci
indique que la compensation est déterminée par le système
de gouvernance de l'entreprise.
Test de significativité des
variables :
La compensation du manager est l'une des composantes
affectée par la composition et la structure du conseil d'administration.
Il apparaît clairement que les dirigeants des entreprises dont les
conseils d'administration sont dominés par les outsiders sont moins
rémunérés. Ces résultats soutiennent
l'hypothèse d'efficacité des outsiders, confirment les propos de
Weisbach (1988) et infirment les présomptions de Crystal (1991) qui
postule que les administrateurs externes sont principalement choisis par les
managers et donc la probabilité qu'ils vont prendre une position adverse
à celle des managers est faible. Ceci corrobore avec l'hypothèse
de «l'efficacité des externes» soutenue par les
théoriciens d'agence (Fama 1980 ; Fama & Jensen 1983 ;
Baysinger, Bulter 1985) qui indiquent que la présence des externes
expérimentés et indépendants diminue la probabilité
d'une expropriation de la richesse des actionnaires de la part des managers. La
présence des outsiders dans le conseil d'administration est
perçue positivement par le marché.127(*)
La dualité du manager n'a pas d'effet significatif sur
la compensation ce qui implique que la compensation est plus rattachée
à la composition du conseil qu'à la structure du pouvoir du
manager. Les dirigeants ayant une position duale ne semblent pas profiter de
leur pouvoir sur le conseil d'administration pour altérer les politiques
de rémunération. Ces résultats s'opposent aux propos de
Vancil 1987 et Jensen (1993).
En ce qui concerne la propriété
managériale, son effet n'est pas significatif quant à la fixation
de la compensation accordée au manager. Par contre, la présence
des investisseurs institutionnels dans la structure du capital se traduit par
une réduction de la compensation accordée au manager,
étant donné que ces derniers sont plus efficients dans le
contrôle du manager que les autres actionnaires (pound1988). Ceci limite
le pouvoir du manager à exproprier la richesse des actionnaires.
L'impact de la taille de l'entreprise est mesuré par le
logarithme népérien des actifs totaux. Cette variable affecte
significativement et dans le sens positif la compensation accordée au
manager, ce qui confirme la thèse de Cisel et Caroll (1980) ; Arijit
Ghosh (2003) Julie Wulf (2005) qui suggèrent que la taille de
l'entreprise contribue à l'amélioration de la compensation
liquide accordée au manager et que les dirigeants les plus
compétents et qui garantissent un rendement élevé
gèrent les entreprises de grande taille.
Les résultats de notre étude montrent aussi que
la compensation du manager est d'autant plus importante que la valeur
créée aux actionnaires, mesuré par le
bénéfice résiduel, est plus élevée. Ainsi,
l'alignement des intérêts du manager sur ceux des actionnaires est
récompensé par une hausse de la compensation afin de
rémunérer le risque subi par le manager et par la suite maximiser
la valeur à ses actionnaires.
L'étude de la significativité des variables
montrent que la compensation accordée au manager constitue un outil de
motivation et d'incitation permettant de rémunérer le risque subi
par ce dernier en privilégiant l'intérêt des actionnaires.
Le rôle joué par ce mécanisme est d'autant plus
significatif sur la valeur créée, que la compensation soit
basée sur des mesures internes qui prouvent leur efficacité dans
la mesure de la valeur créée aux actionnaires tel que le
bénéfice résiduel, le ROA ou aussi l'EVA.
Conclusion
L'objectif de ce chapitre est d'expliciter les
déterminants de la rémunération des managers et d'analyser
le lien entre la paie, la performance et les déterminants du conseil
d'administration et de la structure de propriété.
Ainsi, les résultats de l'étude empirique faite
sur le processus d'incitation et son effet sur la valeur créée
aux actionnaires nous montre que la compensation est plus affectée par
les mécanismes de contrôle interne à travers le rôle
assigné au conseil d'administration.
Toutefois, la structure de propriété
démontre un effet non significatif de la fraction du capital
détenu par les dirigeants. La participation des investisseurs
institutionnels dans le capital de l'entreprise tend à réduire la
compensation accordée au manager.
L'effet de la compensation sur la création de valeur
est significatif. Celle-ci permet de motiver le manager pour qu'il agisse dans
l'intérêt des actionnaires. Son effet est d'autant plus
significatif que ma compensation se base sur des mesures internes de la
performance capables de détecter tout comportement créateur ou
destructeur de la valeur pour les provoyeurs de fonds.
Conclusion générale
Au terme de ce travail nous avons tenté de retracer
dans son cadre théorique et empirique la question de la création
de valeur dans le cadre de gouvernement d'entreprises.
Nous avons étudié d'une part, l'apport des
indicateurs traditionnels et nouveaux et plus particulièrement celui du
bénéfice résiduel et celui de l'EVA. Le choix de ces
indicateurs parmi d'autre n'est pas arbitraire, il est inspiré des
travaux de Biddle et al. (1997) et de Tracey West et Andrew Worthington (2004)
qui ont essayé de calculer le contenu incrémental relatif
à chaque instrument de mesure de la création de valeur à
savoir le bénéfice résiduel, les flux de
trésorerie, le bénéfice avant éléments
extraordinaires et la valeur ajoutée économique.
Le résultat de l'estimation du modèle
révèle que le bénéfice résiduel a un pouvoir
explicatif supérieur à celui de l'EVA et aux autres mesures de
création de valeur.
Plusieurs auteurs ont étudié la pertinence de
cet indicateur Solomon (1965), Anthony (1973, 1982), Ohlson (1989, 1995).
Toutefois, Stern et Stewart (1991) ont soutenu que l'EVA est le meilleur
indicateur de création de valeur.
D'autre part, nous nous sommes intéressés au
sujet de gouvernance des entreprises. En effet, le problème de
gouvernance est apparu avec la séparation de la propriété
et du contrôle dans les firmes. Ce sujet a connu un regain
d'intérêt depuis l'apparition d'une vague de prises de pouvoir sur
le marché américain durant les années 1980, et plus
récemment avec la crise asiatique.
Donc, loin d'être théorique, nous avons
opté dans cette recherche pour des tests empiriques afin
d'étudier les moyens disciplinaires et incitatifs qui contribuent dans
la résolution des conflits d'intérêts entre les dirigeants
et les actionnaires et réorientent les décisions prises au sein
de l'organisation vers la maximisation de la valeur créée aux
provoyeurs de fonds.
Par ailleurs, nous avons mené une étude
empirique sur un échantillon d'entreprises tunisiennes cotées
à la Bourse des Valeurs Mobilières. Les modèles
étudiés ont été estimés par la
méthode des moindres carrés généralisés sur
des données de panels sur deux années (2002-2003).
L'estimation des modèles mettant en oeuvre la relation
sous-jacente entre le système de gouvernance et la performance de
l'entreprise à travers sa capacité à créer de la
valeur à ses actionnaires nous a permis de tirer les conclusions
suivantes :
- Le rôle du conseil d'administration à travers
sa fonction e révocation et de nomination du manager, ainsi que sa
contribution dans la formulation des stratégies est déterminant
dans la résolution des problèmes entre les deux parties prenantes
surtout si le nombre de directeurs externes est important et sa taille est
réduite.
- L'impact de la structure de propriété sur la
valeur créée aux actionnaires démontre une relation entre
la propriété managériale et la performance de
l'entreprise.
- La présence des investisseurs institutionnels dans la
structure de propriété ne semble pas exercé un
contrôle externe efficace sur le manager. En effet, nous constatons que
cette catégorie d'investisseurs participe dans la destruction de la
valeur, plutôt que dans un meilleur contrôle exercé sur le
manager pour le pousser à créer la valeur aux actionnaires. Cette
conclusion peut être expliqué par le développement d'un
effet de collusion entre le manager et ces investisseurs afin de
privilégier leurs intérêts au détriment du reste de
l'actionnariat (Pound, 1988).
- La compensation accordée au manager pour le motiver
et rémunérer le risque qu'il subit en privilégiant
l'intérêt des actionnaires, elle-même est
déterminée par le système de gouvernance de l'entreprise.
En effet, nos résultats démontrent la contribution de plusieurs
facteurs dans la fixation de cette rémunération.
D'un coté, cette compensation dépend
positivement de la taille de l'entreprise, de la valeur créée aux
actionnaires, de l'âge du manager et la présence des
administrateurs externes dans la composition du conseil d'administration.
D'un autre côté, la présence des
investisseurs institutionnels dans la structure de propriété,
ainsi que la taille du conseil d'administration tendent à affecter
à affecter négativement la compensation accordée au
manager.
Comme un moyen d'incitation et d'alignement des
intérêts, on remarque que la compensation joue un rôle
déterminant dans la motivation du manager afin de le pousser à
privilégier les intérêts des actionnaires, surtout si elle
est basée sur des mesures comptables qui prouvent leur efficacité
dans la détection de l'effort employé au sein de l'organisation
pour créer ou détruire la valeur des actionnaires.
Malgré son apport sur le plan théorique et
empirique, l'approche de la valeur reste sujette à plusieurs
reproches.
Tout d'abord, nous voulons insister sur la suprématie
accordée aux actionnaires comme étant le centre
d'intérêt du manager qui serait un maximisateur de la valeur pour
ces derniers. En effet, si l'on se place du point de vue de l'efficacité
et de la stabilité du système économique, la maximisation
de la valeur actionnariale n'a aucune justification théorique.
L'efficience de l'entreprise résulte de sa capacité à
mobiliser toutes ses parties prenantes dont l'apport ne peut être
contractualisé. Cette définition peut conduire à une
conception plus large de la gouvernance. L'attribution des droits de
propriétés et le partage du surplus résiduel n'a aucune
raison de s'opérer au seul profit des apporteurs du capital financier.
La répartition peut être optimale si elle insiste les
différents acteurs à réaliser les investissements
spécifiques qui maximisent la création de valeur à long
terme. Il n'y a pas sur ce point de solution unique. Mais, il est vrai que
l'entrée dans une économie de la connaissance donne à
l'investissement en capital humain un rôle essentiel. En ce sens, il est
paradoxal que l'on insiste sur la valeur actionnariale à un moment
où le capital financier apparaît moins stratégique.
Finalement, nous voulons signaler que ce travail peut
être rendu plus riche si nous avons plus de données à
introduire qui permettent d'expliquer mieux les résultats empiriques.
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