1.3 Les Chambres de métiers prévues par la
loi du 27 juillet 1925
La loi instituant les Chambres de métiers est
votée le 27 juillet 1925. Elle n'est pas applicable tout de suite: un
règlement d'administration publique doit déterminer les
conditions de son application, et préciser les nombreux points qu'elle
laisse dans l'ombre.
La loi définit le rôle des Chambres de
métiers. « Les Chambres de métiers sont, auprès des
pouvoirs publics, les organes des intérêts professionnels et
économiques des artisans, maîtres et compagnons, de leur
circonscription» (article 1er) Elles ont pour
attribution de sauvegarder les intérêts professionnels et
économiques des métiers. Leur avis devra être
demandé pour toutes les questions touchant ces intérêts.
Elles ont aussi pour attribution de participer à l'organisation de
l'apprentissage dans des conditions qui seront fixées par une loi
spéciale. Le projet Courtier a été largement
modifié. Les pouvoirs des Chambres de métiers en matière
d'apprentissage ont été considérablement réduits.
Sa version primitive conférait expressément aux Chambres de
métiers le droit de surveiller l'apprentissage des métiers de
l'artisanat. Pour L'Artisan du sud-est, leur journal, les modifications qui ont
été ainsi apportées entre 1924 et 1925 sont un
véritable sabotage38. Les attributions de la Chambre de
métiers qui va pouvoir s'installer dans le Rhône vont donc
être, dans le temps qui précédera le vote d'une loi sur
l'apprentissage, sensiblement les mêmes que celles des syndicats. Seule
l'origine de leur représentativité et leur poids moral vont les
séparer dans un premier temps.
L'artisan était déjà défini par la
loi sur l'artisan fiscal de 1923 comme un travailleur qui se livre
principalement à la vente du produit de son propre travail. La loi de
1925 reprend ces caractéristiques en les précisant: l'artisan
maître exerce un métier manuel; il prend lui-même part au
travail; il ne se trouve sous la direction d'aucun patron. Elle définit
l'artisan d'une manière plus large que la loi sur l'artisan fiscal de
192339. Celle-ci ne prenait en considération que les artisans
n'employant pas plus d'un compagnon et d'un apprenti en plus des membres de
leur famille. La loi de 1925 ne donne pas de limitation du nombre
d'employés. Cette différence de définition va peser sur la
constitution de l'artisanat. L'Artisan du sud-est est constamment obligé
de reproduire le même article rappelant les différences
d'acceptions du mot « artisan ». Les Chambres de métiers vont
regrouper les petits artisans fiscaux, et les moyens ou gros artisans qui ne
bénéficient d'aucun régime fiscal particulier. La porte
des revendications fiscales est ouverte.
La loi ne donne que les principes généraux
d'organisation des Chambres de métiers. Les Chambres de métiers
sont des établissements publics. Chacune d'elle est instituée par
décret. Le nombre total des membres élus de la chambre de
métiers ne peut être inférieur à 18, ni
excéder 36, sauf à Paris où il pourra s'élever
à 72. Seule la composition relative des Chambres de métiers
prévues est précisée. Elles ne seront ni paritaires ni
tripartites: elles seront composées de deux tiers
d'artisans-maîtres et un tiers d'artisans-compagnons (art 3). Sont tout
de même présents à titre consultatif: un
représentant du Comité départemental de l'enseignement
technique, l'inspecteur départemental de l'enseignement technique et un
inspecteur départemental du travail
38. [BMLPDR F383, numéro dejuillet-août 1931]
39. Loi de finances du 30juin 1923, article 10.
(art 7).
La forme précise que prendra chaque Chambre de
métiers doit presque entièrement être
déterminée par le décret d'institution. Celui-ci est
chargé de déterminer les catégories dans lesquelles sont
répartis les métiers de la circonscription, et de fixer, pour
chaque catégorie, le nombre des représentants à
élire. L'identité des « organisations
intéressées de la circonscription de chaque chambre de
métiers » qui seront chargées de donner leur avis pour fixer
le contenu du décret, et dont il est prévisible que le poids sera
déterminant, est laissée dans l'ombre par le texte de loi.
Les membres des chambres de métiers sont élus
pour six ans; ils sont indéfiniment rééligibles; le
renouvellement a lieu par moitié tous les trois ans. Les fonctions de
membres des chambres de métiers sont gratuites. Cependant, pourront
être prévus l'attribution de jetons de présence et le
remboursement des frais de déplacement.
Les listes électorales sont tenues par les mairies. Les
conditions à remplir pour être électeur ou éligible
à la chambre de métiers sont les mêmes que celles
exigées pour être électeur ou éligible aux conseils
de prud'hommes. Toutefois pourront être électeurs maîtres
les maîtres-artisans travaillant sans compagnon, et, pour être
éligibles les artisans devront, s'ils exercent actuellement le
métier, l'avoir exercé effectivement pendant au moins cinq
années, et, s'ils ne l'exercent plus, l'avoir exercé pendant
quinze ans au moins. Les maîtres-artisans inscrits actuellement sur la
liste des électeurs à la chambre de commerce sont obligatoirement
inscrits sur la liste électorale de la chambre de métiers. Tout
maître-artisan inscrit sur cette dernière liste peut
également réclamer son inscription sur la liste des
électeurs à la chambre de commerce.
Tous les électeurs ne participent pas au financement de
la Chambre de métiers. Il est pourvu aux dépenses des chambres de
métiers au moyen d'une imposition additionnelle au principal de la
contribution des patentes, acquitté par les artisans-maîtres
ressortissant à la chambre de métiers. Les compagnons et les
«petits » artisans fiscaux, qui ne sont pas patentables, ne paient
donc aucune taxe pour frais de Chambre de métiers. Les membres artisans
maîtres seuls ont voix délibérative pour fixer la
quotité de cette taxe. L'état matriciel des assujettis à
ces taxes est établi par chaque chambre de métiers dans sa
circonscription et il est fourni par elle aux directions départementales
des contributions directes. Les chambres de métiers peuvent recevoir en
outre des subventions de l'État, des départements, des communes,
des chambres de commerce et autres établissements publics et des
associations professionnelles; elles peuvent aussi recevoir des dons et legs,
et contracter des emprunts.
La bonne tenue des élections et des séances est
ce qui est prévu avec le plus de précisions par la loi: la
conformité du fonctionnement de ces établissements publics aux
règles démocratiques de la République doit être
assurée. Les lois pour les élections des prud'hommes, les
élections consulaires et les élections municipales servent de
référence à la description du déroulement des
élections pour les Chambres de métiers. La forme que doit prendre
le bureau de chaque Chambre de métiers est précisée: il
doit être composé d'un président, d'un
vice-président, d'un trésorier et d'un ou plusieurs
secrétaires, nommés parmi les membres de la chambre. Le bureau
est renouvelé après les élections triennales; les membres
sortants sont rééligibles.
La loi a plus ou moins prévu que la répartition
géographique des membres ne sera pas homogène, et ne permettra
pas une couverture complète du département. Pour assurer un
fonctionnement optimal des Chambres de métiers, un contact permanent
avec leurs ressortissants semble nécessaire. Les chambres de
métiers peuvent désigner, dans toute l'étendue de leur
circonscrip-
tion, des « membres correspondants » pris parmi les
inscrits de leurs listes électorales, et dont le nombre ne doit pas
dépasser celui de la moitié de la chambre elle-même. Les
membres correspondants assistent aux séances de la chambre avec voix
consultative.
Les chambres de métiers correspondent directement avec
le ministre du travail, le ministre de l'instruction publique
(sous-secrétaire d'État à l'enseignement technique) et le
ministre du commerce. Elles leur transmettent chaque année le
compte-rendu de leurs travaux. Elles sont autorisées à publier le
compte-rendu de leurs séances.
Les chambres de métiers correspondent directement entre
elles et avec les administrations publiques de leurs circonscriptions pour les
questions relatives aux intérêts des métiers. Elles peuvent
se concerter entre elles en vue de poursuivre l'étude et la
réalisation, dans la limite de leurs attributions, de projets à
frais communs. Elles ont la faculté de provoquer, par l'entremise de
leurs présidents, une entente sur les objets rentrant dans leurs
attributions. A cet effet, les présidents des chambres de métiers
ou leurs délégués se réunissent au moins une fois
par an à Paris, en une assemblée générale qui
élit son bureau. Le bureau permanent de l'assemblée des
présidents de chambres de métiers (APCM) a son siège
à Paris.
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