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L''installation de la chambre de métiers du Rhône, années 1920-années 1930


par Fabrice FLORE-THéBAULT
Université Lyon 2 - Maitrise d'histoire 1998
  

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1.2 « Conseils de métiers » et « Chambres des métiers » dans le Rhône

En réponse au projet de loi Courtier, on assiste en 1923 à la création presque simultanée, par des organisations syndicales patronales, de plusieurs organismes chargés chacun d'organiser l'apprentissage pour une branche spécifique. L'unité apparente de ces démarches cache des orientations radicalement différentes. Montrer l'origine de ces organismes suffirait presque à montrer leur opposition: elles s'opposent par leur dénomination, l'identité de leurs créateurs, et celle de leurs soutiens. Les « Conseils des métiers » sont créés par des syndicats d'artisans appartenant à la Fédération des artisans du sud-est, et leur constitution est approuvée par le sous-secrétariat d'État à l'enseignement technique. Le premier de ceux-ci est créé le 16 janvier 1923; en octobre 1924, six autres « Conseils des métiers » ont été formés. Les « Chambres des métiers » sont créées par des syndicats de patrons de l'industrie d'après un modèle proposé par la Chambre de commerce. Elles sont subventionnées et contrôlées par la chambre de commerce de Lyon. Au nombre de trois, elles sont créées au printemps 1923.

1.2.1 La création des « Conseils de métiers »

Alors que le projet de loi Courtier vient d'être déposé à la Chambre des députés, la Fédération des artisans du sud-est finit par s'inspirer du modèle proposé lors du congrès de l'apprentissage de 1921 pour créer ses premiers « Conseils de métiers ». Le premier « Conseil de métier» est constitué par la « Corporation des maréchaux ferrants de Lyon» le 16 janvier 1923 14 . C'est une organisation paritaire: les «patrons » et les « ouvriers », ainsi qu'ils sont désignés, bénéficient chacun du même nombre de représentants (quatre). Mais ce sont les patrons, dont les représentants sont presque tous issus de la Chambre syndicale des patrons maréchaux-ferrants de Lyon et sa Région, elle- même adhérente à la Fédération des artisans du sud-est, qui semblent jouer le rôle moteur dans cette création. Seul l'un des membres des représentants ouvriers fait explicitement partie du syndicat ouvrier. Les autres ouvriers n'apparaissent liés à aucune organisation ouvrière. Leur recrutement semble avoir été fait autant que possible suivant les affinités avec les patrons, ou du moins en fonction de la connaissance de ceux-ci: l'ouvrier habitant la même rue que l'un des patrons était vraisemblablement employé par celui- ci, ou une de ses connaissances.

On retrouve la présence de la Fédération des artisans du sud-est dans tous les « Conseils des métiers » qui sont créés par la suite: après les maréchaux ferrants, ce sont les artisans de l'habillement (mai 1924), les artisans photographes (juillet 1924), puis les artisans ébénistes et tourneurs, les artisans charrons, les artisans bourreliers et selliers et les artisans tapissiers

14. [ADR 9M30]

(entre août et octobre 1924). Un réseau de « Conseils de métiers» professionnels, créés par les syndicats artisanaux de chaque branche, se met progressivement en place.

La Fédération des artisans du sud-est ne met pas ces « Conseils de métiers» en place seule. M. Wiernsberger, inspecteur départemental de l'enseignement technique et vice- président du Comité départemental de l'enseignement technique assiste à leur assemblée constitutive. Sa fonction lui permet de mettre ces Conseils directement en liaison avec le sous- secrétaire d'État à l'enseignement technique.

Le Comité départemental de l'enseignement technique du Rhône est un soutien sans faille pour les « Conseils de métiers ». Il élabore avec la Fédération des artisans du sud-est un projet de création de Chambres de métiers alternatif à celui prévu par Courtier. Ce projet est défendu en mars 1923 au Conseil supérieur de l'enseignement technique par M. Besse, représentant du Comité départemental de l'enseignement technique du Rhône 15 . Ce projet est hostile à la création d'une chambre consulaire élue, sans lien avec le syndicalisme. Il propose que la Chambre de métiers soit la fédération de Conseils de métiers, assemblées primaires, paritaires, créées par les syndicats intéressés, telles qu'il en existe déjà dans le Rhône. Ce projet essaie en même temps de réduire l'opposition des Chambres de commerce. La Chambre de commerce, percevant la taxe d'apprentissage, pourrait être la trésorière des Chambres de métier, organismes paritaires comprenant des membres de la Chambre de commerce, des syndicats ouvriers et des syndicats patronaux, l'essentiel étant d'assurer l'unité du budget d'apprentissage, et d'éviter sa partition et sa gestion séparée par la Chambre de commerce d'une part et la Chambre de métiers de l'autre.

La réunion du Comité supérieur de l'enseignement technique en mars 1923 marque un tournant dans l'histoire des « Conseils de métiers ». Le soutien au projet de loi Courtier est décidé par le Comité supérieur de l'enseignement technique En conséquence le sous-secrétaire d'État à l'enseignement technique ne peut plus soutenir la création des « Conseils de métiers» lyonnais. Il avait pourtant commencé par leur montrer un fort intérêt. Le premier « Conseil de métiers» avait très rapidement reçu son approbation. Cette approbation dépasse la requête de M. Wiernsberger, qui demandait seulement au préfet que: «à défaut de sanctions légales, [il donne] à ce premier Conseil de métier lyonnais [ses] encouragements, et [signale] son existence à M. le Sous-secrétaire d'État de l'enseignement technique » 16 . Il présentait ceci comme un encouragement à organisme qui anticipe l'application d'une loi qui n'a pas encore été votée, mais qui est nécessaire et en gestation: ce « Conseil de métiers » est une tentative pour « créer par avance un organisme qui aura certainement un rôle important à jouer dans toutes les questions qui concernent l'apprentissage »[ 1726]. Cette création est bien comprise ainsi par le sous- secrétaire d'État à l'enseignement technique, qui répond: «Encore qu'aucune loi n'ait donné une existence légale à des organismes de cette espèce, je ne puis qu'approuver l'initiative prise par la corporation dont il s'agit18 ». Les arguments de l'inspecteur semblent donc avoir touché l'admi-

15. La Formation professionnelle, n°63, ouvrage cité, page 350 [ADR 9M30].

16. Lettre du 16 janvier 1923 de M. Wiernsberger au préfet, transmise par celui-ci au sous-secrétaire d'État à l'enseignement technique le 27 janvier 1923 [ADR 9M30].

17. Lettre du 16 janvier 1923 de M. Wiernsberger au préfet, transmise par celui-ci au sous-secrétaire d'État à l'enseignement technique le 27 janvier 1923 [ADR 9M30].

18. Réponse du sous-secrétaire d'État à l'enseignement technique à M. Wiernsberger, le 2 février 1923 [ADR 9M30].

nistration centrale: aucun obstacle ne s'oppose à la création de « Conseils de métier» les plus nombreux possibles, et la volonté de l'inspecteur de « [s] 'efforcer de provoquer la création de «Conseils de métier » pour d'autres corporations lyonnaises » ne rencontre aucun écho négatif.

Le premier « Conseil de métiers» est le seul à recevoir aussi rapidement l'approbation du sous-secrétaire d'État à l'enseignement technique. Après la réunion des 6 et 7 mars du Comité supérieur de l'enseignement technique où l'opposition des lyonnais au projet Courtier a été exprimée, et où le soutien au projet de loi a été décidé par le ministère, aucune approbation n'est plus accordée. Alors que la réponse du sous-secrétaire d'État à l'enseignement technique était parvenue quinze jours après pour le premier « Conseil de métier », il faut attendre trois mois l'approbation de la constitution du second « Conseil de métier », celui de l'habillement: demandée le 23 mai 1924, elle est accordée le 13 août 1924 19. Encore cette approbation ne se fait-elle pas dans les mêmes conditions: elle suit une mise en garde de M. Wiernsberger, qui rappelle au ministère l'utilité d'une réponse20. Cette démarche permet au sous-secrétaire d'État à l'enseignement technique de prendre connaissance de la création des « Conseils de métiers » et de leurs statuts. Mais l'approbation par le ministère n'est pas indispensable à la création de « Conseils de métiers ». L'absence de réponse du ministère ne peut donc inciter ces derniers à se déclarer dès leur formation. C'est dans ces conditions que l'annonce de la création du troisième « Conseil de métiers », celui des artisans photographes, n'est accompagnée ni des statuts de celui-ci, ni d'une demande d'approbation21.

A partir de ce moment, il n'est plus question d'approbation, mais le sous- secrétariat d'État à l'enseignement technique demande que les statuts de ce « Conseil de métiers » des artisans photographes lui soient transmis22 : c'est de cette manière que l'on apprend la création des quatre «Conseils de métiers » suivants23.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard