II- Le renforcement du déséquilibre durant la
Révolution :
La loi du 5 novembre 1790, sur un décret de
l'Assemblée nationale du 2 novembre, indique dans son article IV :
<< Le ministre de la justice fera imprimer autant d'exemplaires de chaque
loi qu'il en sera nécessaire pour les envois à faire tant aux
corps administratifs de départements et de districts qu'aux tribunaux de
districts >>. Ce régime reste en vigueur jusqu'à la loi du
14 frimaire an II (4 décembre 1793). Elle décide la
création d'un bulletin numéroté des lois de la
République << adressé directement et jour par jour à
toutes les autorités constituées >>, tenues de proclamer
les textes, mais non de les réimprimer.
Au début de la Révolution, le
déséquilibre initial se renforce donc : le nombre extraordinaire
de documents qui sont publiés à ce moment profitent avant-tout
à celui qui était le mieux placé sur le marché de
l'imprimé angevin, Charles-Pierre Mame. Sa renommée, due
partiellement à sa publication des Affiches d'Angers, lui
apporte de nombreux clients ; mais c'est certainement aussi pour sa
capacité à répondre rapidement à une forte demande
qu'il est choisi. Etant donné le nombre largement supérieur aux
autres imprimeurs de document qu'il produit avant la Révolution, il peut
sûrement répondre plus facilement à une demande urgente.
Ainsi, dès l'année 1789, il produit 29 documents sur 56, c'est
à dire plus de la moitié des imprimés angevins de cette
année. Au début de 1790, il devient l'imprimeur officiel du
département et imprime alors 81 textes sur 105
recensés, soit près des 4/5e. L'administration
départementale fait donc exploser l'écart entre les imprimeurs
présents à Angers, favorisant celui qui est capable de produire
le plus rapidement et massivement à la fois.
Cependant, la notoriété de Mame n'est pas
uniquement due aux Affiches d'Angers et aux impressions pour le
département, car il doit aussi son succès aux livres religieux et
politiques, ce qui lui vaut sa réussite pendant la période
révolutionnaire. En effet, Mame tient un cabinet politique depuis le
début de l'année 1780, ce qui lui apporte d'autant plus de
clients après la Révolution, au moment auquel chaque personne
instruite s'intéresse à la politique. De plus, il imprime pour
l'évêque depuis le milieu de 1781 et vend un certain nombre de
livres à caractère religieux. Ces deux activités lui
confèrent donc une certaine renommée auprès des personnes
qui recherchent des ouvrages appartenant à l'une de ces deux
catégories et en fait donc des clients potentiels..
Néanmoins, les années 1789-1792 sont aussi
l'époque durant laquelle Mame est rejoint dans sa production de
périodiques : alors qu'il était le seul imprimeur angevin
à publier un journal avant la Révolution, ses concurrents
décident aussi de tirer parti de ce marché après celle-ci.
A partir de 1789, Pavie s'implante sur ce marché. Dès 1790, il
dépasse Mame qui se ressaisit en 1791. Ensuite, ce sont Jahyer et Geslin
qui rejoignent Mame en 1792 avec deux périodiques. Cependant, Mame
possède les Affiches d'Angers qui, selon Pavie, sont «
d'un très grand rapport » (document n° 170403).
C'est sûrement la raison essentielle qui a poussé ce dernier
à concurrencer Mame sur le marché des périodiques. Par
ailleurs, il prend la suite de Mame pour la rédaction et l'impression du
périodique n° 779404 en 1791, puis il laisse cette
tâche à Jahyer et Geslin à la fin de 1792. Mais,
après ces tentatives pour rejoindre Mame, ce dernier n'est plus
inquiété avant la fin de la période.
403 Adresse à MM. les électeurs du
département de Maine-et-Loire, Pavie, 1790.
404 Journal du département de Maine-et-Loire, ...,
Mame, Pavie, Jahyer le jeune, puis Jahyer et Geslin, 1791- 1792.
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