3ème partie : Le marché de
l'imprimé et ses enjeux :
Après avoir observé les conditions de production
et de diffusion de l'imprimé, puis la production imprimée en
elle-même, il faut à pré sent découvrir le
marché de l'imprimé et les enjeux qui en découlent. Le but
de cette dernière partie est de découvrir le fonctionnement du
marché de l'imprimé angevin, à travers la concurrence et
les possibilités de diffuser des idées, afin de connaître
les possibles motivations des imprimeurs angevins pour s'installer et se
maintenir sur ce marché. Pour cela, il convient d'étudier d'abord
la répartition de la production entre les imprimeurs angevins, afin de
connaître leurs poids respectifs dans la production. Ensuite, il s'agit
de remarquer quels sont les moyens par lesquels ceux-ci essaient de faire
fonctionner la concurrence en leur faveur, pour constater les
éventuelles difficultés de ce marché. Enfin, il faut
vérifier à quel point ces métiers peuvent permettre
d'avoir une influence sur la diffusion des idées et d'acquérir un
certain pouvoir, pour comprendre les intérêts qui peuvent motiver
le choix de ce type de métier.
Chapitre 8 : La répartition de la production
entre les imprimeurs :
L'étude de la répartition de la production entre
les imprimeurs présents à Angers pendant la période
révolutionnaire est un élément essentiel de ce
mémoire. Elle apporte un éclaircissement sur la structure de la
production angevine, mais permet aussi de savoir si celle-ci est plutôt
équilibrée entre les imprimeurs ou si de grandes
disparités existent dans sa répartition, selon les
périodes de la Révolution. Pour suivre l'évolution de
cette répartition, il faut de nouveau adopter les quatre périodes
utilisées dans le chapitre 1, c'est à dire la
préRévolution, les débuts de la Révolution, la
Terreur, enfin, la convention thermidorienne et le Directoire. Les graphiques
ci-dessous, établis respectivement à partir des chiffres qui
figurent
dans les annexes n° 1 et 4, permettent de mieux cerner
cette production, notamment sa répartition entre les différents
imprimeurs angevins, et de remarquer les différentes périodes de
la Révolution, avec leurs particularités quant à la
quantité d'imprimés produits.
La répartition de la
production
1787 1788 1789 1790 1791 1792 1793 1794 1795 1796 1797 1798
1799
180 160 140 120 100 80 60 40 20
0
Boutron Jahyer et Geslin Mame Pavie Thouvenon
Années
La répartition des
périodiques
1787 1788 1789 1790 1791 1792 1793 1794 1795 1796 1797 1798
1799
3
2
1
0
Années
Boutron Jahyer et Geslin Mame Pavie Thouvenon
I- Une certaine inégalité de départ
sous l'Ancien Régime :
Au début de 1787, André-Jacques Jahyer, qui est
installé à Angers, est le seul << Imprimeur du Roi >>
dans toute la généralité de Tours. Cela signifie que lui
seul, dans cette généralité, est habilité à
imprimer les documents royaux. Ceux-ci sont généralement des
textes dont le roi a ordonné la publication dans chaque
généralité afin de les porter à la connaissance de
la population. Cependant, au cours de cette même année,
Charles-Pierre Mame est nommé << Imprimeur du Roi >>
à Angers dans le but de succéder à Jahyer. On remarque
néanmoins que le seul texte royal imprimé à Angers en
1787, le document n° 4400, est produit par ce
dernier. En effet, Mame n'est nommé imprimeur du Roi que vers la fin de
l'année, précisément le 20 août 1787401.
Par ailleurs, aucun texte n'est sorti des presses de Jahyer en 1788 avec la
mention << Imprimeur du Roi >>, ce qui signifie donc qu'il s'agit
d'un remplacement.
Par ailleurs, la structure de la production imprimée
angevine est inégalitaire dès la fin de l'Ancien Régime.
On le voit aisément dans le graphique ci-dessus, << La
répartition de la production imprimée angevine, 1787-1799
>> : Charles-Pierre Mame domine déjà la production,
s'accaparant la publication de 8 documents sur 13 en 1787, soit 61,54 % des
400 Edit du Roi, portant création d'Assemblées
provinciales (...), Jahyer, 1787.
401 DAUDIER, Matthieu, Op. Cit., p. 83.
impressions de cette année402. En revanche,
Jahyer et Pavie ne s'attribuent que 15,38 % des travaux chacun, soit deux
publications, pour cette même année. En 1788, Mame imprime 10
documents sur 14, soit 7 1,43% de la production de cette année, tandis
que Pavie n'en imprime qu'un, soit 7,14%, et Jahyer aucun. Néanmoins, 1
texte en 1787 et 3 en 1788 ne comportent pas de marque d'imprimeur. Mame est
donc très bien implanté sur le marché angevin de
l'imprimé dès la fin de l'Ancien Régime, ce qui n'est pas
le cas de ses deux concurrents, Jahyer et Pavie.
Ce déséquilibre initial est en grande partie du
à la grande différence de notoriété entre ces
imprimeurs. Tout d'abord, Mame obtient le titre d'<< imprimeur du Roi
» en 1787, alors que seul Jahyer en bénéficiait auparavant.
De plus, Mame est << imprimeur de l'évêque » depuis
1781, et, à ce titre, imprime déjà un nombre important
d'ouvrages religieux. Pavie reste donc à l'écart, tandis que
Jahyer perd une grande partie de sa production. Ensuite, Mame, qui
rédige, imprime et vend les Affiches d'Angers, dispose d'un
excellent moyen pour se faire connaître. En revanche, comme on peut le
voir dans le tableau ci-dessus, ses deux concurrents ne semblent pas être
intéressés par les périodiques, puisqu'ils ne publient
aucun journal avant la Révolution. Le déséquilibre initial
entre les imprimeurs est donc du à la fois à la faveur du Roi,
qui passe des mains de Jahyer à celles de Mame, et à la
passivité des imprimeurs, qui ne semble pas faire tout ce qui est en
leur possession pour augmenter leur importance sur le marché angevin. Il
faut donc maintenant vérifier comment évolue le marché de
l'imprimé pendant la Révolution.
402 Pour retrouver les chiffres exacts,
référez-vous à l'Annexe 1.
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