C- Les états généraux de 1788 :
A la fin de l'été 1788, Louis XVI annonce la
convocation des Etats généraux. Cependant, dès le 5
juillet 1788, un arrêt du conseil convie les personnes les plus
instruites << à adresser à M. le garde des Sceaux tous les
renseignements et mémoires sur les objets >> qui doivent faire
l'objet de débats aux Etats généraux. Une nuée
d'imprimés se répand alors sur le territoire français :
tous les problèmes du droit public sont débattus par tous. Des
textes éphémères vulgarisent, pour se faire entendre du
peuple, les principes philosophiques et encyclopédiques. En tête
des réformes que l'on préconise pour marquer l'avènement
de temps nouveaux figure la liberté de la presse, << la
liberté sans laquelle les autres ne seront jamais
acquises >>12.
Comme Richelieu lors des derniers Etats
généraux, ceux de 161413, les personnes qui ont la
possibilité financière de faire publier des pamphlets tentent de
répandre leur opinion, afin de la voir triompher. Dès le mois de
juillet 1788 et l'annonce de la convocation prochaine des états
généraux, de nombreux libelles viennent influencer les esprits
pour la rédaction des cahiers de doléances. Le 19 mai 1789, la
pression de l'opinion et l'abondance des textes sont telles que les
autorités doivent se résigner à laisser se diffuser ces
libelles14. En moins d'un an, entre juillet 1788 et juin 1789, la
censure disparaît complètement.
A Angers, dès 1788, on voit apparaître des textes
qui s'immiscent dans le débat public et national qui s'instaure au sujet
de l'Etat. Ainsi, dès cette année, quatre documents sur 12, soit
un tiers, ont pour sujet principal les Etats généraux : ce sont
les textes n° 1215, 1416, 1917 et
2218. Ils donnent diverses opinions sur la légitimité
des Etats provinciaux et généraux et sur les modalités
selon lesquelles ils doivent être convoqués, ainsi que des
débuts de doléances. Mais le Roi est en partie responsable du
débat qui s'instaure, puisqu'il a demandé des avis
9 Arrêté de l'ordre des avocats du
présidial d'Angers (...) ayant pour titre : Mémoire pour le
rétablissement des états particuliers de la province, Pavie,
1788
10 Extrait du procès-verbal de l'Assemblée
générale de la ville d'Angers, du 24 décembre 1788,
Mame, 1788.
11 Avis au Tiers-Etat de la province d'Anjou, s.i.,
1789.
12 Selon l'expression de Mirabeau.
13 MARTIN, Henri-Jean, Le livre français sous l'Ancien
Régime, 1987, Promodis, p. 143.
14 ALBERT, Pierre, Histoire de la presse, P.U.F., Que
sais-je ?, 1970, 9ème éd., 2000.
15 Arrêté ... : Mémoire pour le
rétablissement des états particuliers de la province. (21
novembre), Pavie, 1788.
16 Assemblée générale pour avis sur
formation ou rétablissement des Etats particuliers de cette province,
Mame, 1788.
17 Analyse de la brochure intitulée : Des conditions
nécessaires à la légalité des
Etats-Généraux, Mame, 1788.
18 Des conditions nécessaires à la
légalité des Etats Généraux, Mame, 1788.
pour savoir si une assemblée provinciale d'Anjou devait
être rétablie. Le texte n° 14 est une réponse directe
à cette question. Ainsi, ce n'est plus le Roi qui rappelle les
conditions de convocation des états généraux, puisque le
peuple s'accapare véritablement du débat et espère faire
reconnaître ses droits. A Angers, le débat sur la réforme
de l'Etat est instauré dès 1788.
Cependant, la censure existe toujours en théorie et
c'est à la Révolution de la faire disparaître. Mais le
pouvoir politique s'y accroche fermement, afin de conserver un contrôle
sur les modes de pensée. Ainsi, à partir des Affiches
d'Angers19, on constate que le lieutenant
général de police prétend conserver une certaine
vérification du journal. Du premier numéro de 1787, daté
du 5 janvier, jusqu'au mardi 4 août 1789, les Affiches
comportent la marque << Vu, permis d'imprimer, CLAVEAU, Maire &
lieutenant général de police. >> Cependant, la mention
<< Avec privilège du Roi >> ne disparaît qu'en mai
1790, en même temps que la mention << vu, permis d'imprimer
>>. Cette mesure est certainement prise pour laisser la situation dans
l'ambiguïté, afin de laisser croire qu'une certaine
vérification est toujours présente, pour que l'on ne profite pas
excessivement de la liberté d'imprimer.
19 Document n° 774.
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