2 / - Les répercussions sur le continent
ibéro-américain : entre excès et
déficit hydriques
Une des incidences premières d'une phase ENOA est le
bouleversement des régimes
pluviométriques (fortement excédentaires ou
à l'opposé fortement déficitaires). En outre, on
observe toute une série de modifications climatiques
telles que des changements significatifs
de la température de l'air, des taux d'humidité et
de la direction des vents.
Si l'Indonésie et l'Australie connaissent des situations
globalement plus sèches qu'à
l'ordinaire (voir infra), à l'inverse, l'Amérique
du Sud quant à elle enregistre davantage de
précipitations au niveau de l'Equateur, au niveau des
territoires nord-péruviens et nordargentins
et enfin en Uruguay et au Paraguay (figure n°7). A
l'opposé, des secteurs comme le
NE brésilien connaissent des sécheresses
sévères et la province Rio Grande do Sul voit se
développer des vagues de chaleur. Dans
l'hémisphère nord, la Californie reçoit plus de pluies
et l'on note dans les états du sud des Etats-Unis des
conditions plus humides et des
températures plus fraîches (air dense et froid des
AMP boréaux renforcés).
Figure n°7 - Les incidences climatiques du
phénomène El Niño en Amérique Latine,
le plus souvent observés entre décembre de
l'année t 0 et février de l'année t+1.
D'après
http://nic.fb4.noaa.gov/products/analysis_monitoring/impacts/warm.gif
24
Ces modifications des régimes
hydro-météorologiques habituels vont être à leur
tour à
l'origine d'une première série d'aléas (tels
que les inondations et les sécheresses) comme le
montre la figure suivante (figure n°8).
Figure n°8 - Carte de localisation des
secteurs affectés par les inondations et sécheresses
en Amérique Latine lors du phénomène El
Niño de 1983-83, in CLASCO52, 1985.
Plus spécifiquement, au niveau de la façade
pacifique nord du sous-continent, on
constate une augmentation généralisée des
précipitations alors qu'en arrière pays, l'influence
des épisodes chauds n'est pas significative et l'on y
mesure même fréquemment une baisse
des hauteurs d'eau précipitées (figure
n°9).
52 COMISION de DESAROLLO URBANO y REGIONAL de CLACSO, (1985),
Desastres naturales y sociedad
en América Latina, Vol. 4, 260p.
25
Figure n°9 - Limite de l'influence
(augmentation des précipitations supérieure à 20 et
à 40 % par rapport à la
normale) du phénomène El Niño au nord-ouest
de l'Amérique du Sud, d'après Rossel F.53, 1997.
53 ROSSEL F., (1997), Influence du Niño sur les
régimes pluviométriques de l'Equateur, 287 p. + annexes.
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Je propose désormais d'étudier au cas par cas les
pays andins dans le sens où ils sont
régulièrement affectés très
sérieusement par les aléas associés à
l'arrivée d'une phase chaude
et ce, sur une vaste partie de leur territoire. Il s'agit ici
d'analyser l'influence qu'exercent les
phénomènes El Niño et de visualiser
l'étendue des premières répercussions physiques
directement associées à savoir les inondations et
les sécheresses. L'accent sera plus
spécifiquement mis sur l'Equateur car ce territoire
correspond au terrain d'étude que j'ai
choisi pour mon futur doctorat.
Ainsi, au niveau de l'Equateur, il apparaît que le
positionnement de l'EMV, la
direction des vents et la température superficielle de la
mer exercent un rôle déterminant sur le
régime pluviométrique.
«Lorsque la ZCIT se trouve au sud de l'équateur
géographique54, les régions côtières
de l'Equateur se trouvent sous l'influence de masses d'air chaud
et humide, en provenance du
nord-ouest, qui engendrent des pluies notables et une
augmentation de la température de l'air.
(...) Les années à Niño, la TSM du bloc55
Niño 1+2 et de l'océan Pacifique oriental est
évidemment supérieure à la moyenne. (...)
Les anomalies des vents sont maximums au nord
où l'affaiblissement des alizés se fait le plus
sentir. Les valeurs mensuelles des vents montrent
que le déplacement vers le sud de la ZCIT est plus
important de 5° de latitude que la normale.
(...) Au niveau du continent, l'analyse des vents dominants
mensuels des années Niño montre
que ces vents sont d'ouest déviés vers le nord et
le sud par la cordillère andine»(Rossel,
1997)56.
Figure n°10 - Situation des vents lors de
deux événements El Niño (1983 et 1992) en Equateur,
une branche est déviée par la cordillère
vers le nord, l'autre vers le sud, d'après Rossel, 1997.
«Ainsi, les excès pluviométriques
observés les années Niño peuvent s'expliquer par le
réchauffement supérieur à la normale du
Pacifique oriental» et par la venue inhabituelle de
vents marins d'ouest chargés en humidité qui
apparaissent lorsque l'EM est établi dans
l'Hémisphère sud. «Ces anomalies favorisent la
formation et le déplacement de masses
nuageuses vers le continent qui, en s'élevant à la
rencontre de la montagne andine,
provoquent des précipitations»(Rossel, 1997).
54 Phase El Niño
55 Zone rectangulaire délimitée sur l'océan
aux abords des côtes équatoriennes (0-10°S, 90-80°W)
56 ROSSEL F., (1997), Influence du Niño sur les
régimes pluviométriques de l'Equateur, pp. 175 et 185.
27
F. Rossel a en outre cartographié l'influence du
phénomène EL Niño sur la
pluviométrie en Equateur (figure n°11). Il ressort
que c'est évidemment la marge côtière qui
est la plus influencée alors que plus à l'est
l'effet s'amoindrit. Le secteur à l'ouest de la
Cordillère est en conséquence touché par de
sérieuses inondations.
Figure n°11 - Influence du
phénomène El Niño sur les précipitations
annuelles en Equateur, d'après F. Rossel, 1997
28
En ce qui concerne le Pérou (figure n°12), les
intempéries extrêmes qui surviennent en
phase ENOA diffèrent du nord au sud. La région
septentrionale enregistre un excédent
pluviométrique marqué à l'origine des
inondations. En contrepartie, le sud est atteint par de
graves sécheresses.
Figure n°12 - Carte de localisation des
répercussions initiales directement associées aux
événements hydrométéorologiques
extrêmes lors de la phase ENOA 1982-83 au Pérou,
d'après CEPAL, 1983.
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En Bolivie, on observe lors des phases négatives de l'IOA,
des déficits hydriques plus
ou moins prononcés sur l'Altiplano (figure n°13).
Inversement, l'orient bolivien est touché
par des inondations notamment dans le département de Santa
Cruz imputables au
débordement des rivières en crue compte tenu des
hauteurs d'eau élevées précipitées.
Figure n°13 - Localisation des
régions affectées par la sécheresse et les inondations
survenues
en Bolivie en 1982-83, d'après CEPAL, 1983.
Cependant, même si elles ont une trame commune, les
anomalies des régimes hydrométéorologiques
imputables aux ENOA ne se produisent pas systématiquement
dans les
mêmes secteurs et avec la même intensité selon
les épisodes El Niño.
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