2 / - Les modifications des traits de côte
L'avènement d'une phase ENOA est associé à
des fluctuations des niveaux marins,
nous l'avons vu dans un premier temps sous l'impulsion des
alizés et aussi par l'intermédiaire
de la pression atmosphérique65.
Aux abords de la côte pacifique du nord de
l'Amérique du Sud, l'on mesure une
hausse du niveau marin qui débute en octobre-novembre de
l'année t 0 et qui dure jusqu'à
mai-juin voire juillet de l'année suivante (t+1) comme
l'indique la figure n°16.
Figure n°17 - Variations du niveau de la
mer observées à La Libertad (Equateur) en 1982-83,
d'après les données de l'INOCAR in Nouvelot J.-F.
et Pourrut P., 1985.
64 Cette thématique fera l'objet d'un paragraphe de
discussion en III
65 à une variation d'1 hPa correspond une hausse / baisse
d'1 cm du niveau de la mer, cf. partie I/B/1/a
Evolution du nombre de glissements de
terrain en Equateur entre 1988 et 1998
0
10
20
30
40
50
60
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
Années à Niño,
d'après Rossel,
1997
34
En conséquence, les dynamiques côtières vont
être profondément modifiées dans le
sens où le pouvoir érosif de la houle est fortement
augmenté lors des surcotes marines. Ainsi,
il est fréquent d'observer dans certains secteurs le repli
très net du littoral. Toujours est-il que
ce recul des plages n'est en aucun cas
généralisable puisque d'autres rivages connaissent à
l'opposé une progradation notable de leur ligne de
côte. Plusieurs facteurs participent à ces
évolutions. Tout d'abord, la dérive littorale
contribue d'un côté à éroder certaines plages et
d'un autre côté à en alimenter d'autres en
sédiments. Cette dérive littorale peut très bien
être
inversée comme c'est le cas le long des côtes
équatoriennes lors des événements El Niño. En
temps normal, le courant marin dominant le long des côtes
provient du sud en continuité avec
le courant froid de Humboldt. Lorsque se déclenche une
phase ENOA, en même temps que
migre l'EMV vers le sud, un courant marin arrive cette fois du
nord en continuité avec le
courant de Californie (figure n°4). Les cours d'eau
représentent également un autre élément
influent. A cause des pluies incessantes occasionnant des
débits extrêmement élevés, les
fleuves déversent un volume considérable
d'alluvions dans la mer.
Au niveau de l'Equateur, les surcotes marines, l'inversion du
sens de la dérive littorale
et l'apport volumineux par les cours d'eau en sédiments
continentaux dans la mer, jouent un
rôle déterminant sur les dynamiques érosives
du littoral.
Un travail a été mené sur cette
thématique au nord du Pérou. Je propose de l'aborder
en vue d'illustrer ce type de phénomènes physiques
qui, en dépit des profondes modifications
environnementales qu'ils entraînent, demeurent
malgré tout peu étudiés.
Figure n°18 - Evolution
géomorphologique de la zone littorale de Puerto Pizarro (au nord du
Pérou), mise en
évidence de la formation d'un cordon littoral au cours du
XXème siècle, d'après N. Teves66, 1993.
66 Teves N., 1993, Erosion and accretion processes during El
Niño phenomenon of 1982-83 and its relation to
previous events, in Bull. IFEA, Tome 22, No 1.
35
«Les cordons littoraux de l'Holocène qui se trouvent
au nord de l'embouchure des ríos
Chira, Piura et Santa et à Colán, se seraient
formés grâce à l'apport massif de sédiments
fluviaux au cours d'un tel événement important de
Niño. Une comparaison entre les volumes
transportés par le río Jequetepeque au cours
d'événements ENSO dans les 20 dernières
années, indiquerait qu'il y aurait une relation entre
l'intensité du phénomène El Niño et le
volume de sédiments transportés» (Teves,
1993).
Cette analyse met l'accent sur le fait que d'une part ce sont
surtout les événements
extrêmes qui ont une certaine efficacité en tant que
processus géomorphologique et que
d'autre part, l'évolution de la ligne de côte est
commandée par une série d'aléas physiques
amont qui forment un enchaînement de
phénomènes inhabituels et puissants. En premier lieu,
les excédents pluviométriques concourent à
accroître les lames d'eau écoulées, le débit des
rivières, l'infiltration et donc l'imbibition des sols
favorisant les mouvements en masse
susceptibles de fournir de la matière à la
rivière au même titre que le sapement des berges.
Cette charge solide transportée qui débouche en
mer, est remaniée sous l'action conjuguée de
la houle et de la dérive littorale et contribue à
modeler de nouveaux traits de côte.
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