PARTIE III
L'ETHIQUE, SIMPLE REPONSE COMMERCIALE OU LES DERIVES
DE L'INTEGRATION DE L'ETHIQUE DANS LA POLITIQUE DE COMMUNICATION
Pour les entreprises, le développement durable
n'est qu'un argument de communication. Tel est le reproche le plus souvent
adressé à celles qui tentent d'intégrer le
développement durale dans leurs communications c'est à dire qui
essaient d'expliquer aux publics que leurs diverses actions sont con
çues et menées dans le souci d'assumer leur responsabilité
sociale et environnementale.
Quels sont les risques qui apparaissent dès lors
que les entreprises communiquent sans règles déontologiques ou
sans réflexion explicite, sans position claire et arrêtée
sur ce sujet ?
I. L'éthique, un nouvel axe de communication pour
les entreprises
Il est vrai qu'une réelle démarche de
comportement éthique par les entreprises représente un
investissement lourd. Il peut donc être tentant pour elles de se
contenter de communiquer sans réaliser d'actions concrètes.
Ainsi, il n'existe pratiquement jamais d'organes de contrôle des
engagements pris par les sociétés dans leurs chartes
éthiques ou codes de conduite. Il n'est peut être pas anodin de
souligner qu'un certain nombre de directeurs développement durable
viennent de la communication.
II. L'opportunisme de certaines
entreprises
De plus en plus d'entreprises axent l'ensemble de leur
communication autour de la notion de développement durable et cherchent
à intégrer toutes leurs activités dans ce champ, quitte
à forcer la réalité. Cela donne lieu à des
aberrations.
Ainsi par exemple, Candia met en avant la qualité de
son lait comme préoccupation éthique, alors que c'est le coeur de
son métier.
Carrefour se vante d'avoir équipé ses
boulangeries de fours comprenant un minuteur. Est- ce véritablement un
engagement « citoyen » ?
Enfin, plusieurs entreprises comme Danone, se
félicitent d'aider l'insertion des jeunes en ayant recours aux contrats
en alternance, alors que ces contrats présentent de nombreux avantages
pour l'employeur.
III. De l'opportunisme aux abus graves
On peut noter avec l'engouement sur l'éthique de
nombreux cas de dérives et d'abus graves : Ce sont les entreprises qui
communiquent haut et fort des engagements qu'elles n'ont pas les moyens de
respecter ou qui se situent à l'opposé de leurs pratiques
habituelles.
Par exemple, Levi's se présente comme une entreprise
où la prise de décision se fait de manière collective et
non hiérarchique, alors qu'à l'étranger certains
employés de la compagnie sont traités comme des esclaves sous
contrat.
De même, Puma impose à ses sous- traitants une
charte éthique leur demandant de respecter les droits fondamentaux des
travailleurs et de bannir le travail des enfants. Mais des reporters de la
chaîne de télévision Canal+ ont visité l'un de ses
sous traitants de la marque de chaussures et ont pu constater que ces
engagements n'étaient absolument pas respectés : les
ouvrières travaillent 7 jours sur 7, les responsables syndicaux sont
systématiquement licenciés et les enfants manipulent, à
main nue, de la colle au cyanure.
IV. Les professionnels s'activent
Face à la croissance de ses abus, les professionnels de
la communication affichent une certaine prudence. Soucieux de ne pas commettre
d'impairs sur le sujet, ils se sont exprimés par la voix de
l'association des publicitaires pour une publicité responsable.
Le BVP (Bureau de Vérification de la Publicité)
a émis en décembre 2003 une recommandation déontologique
<< publicité et développement durable.
Ces conseils visent les publicités utilisant le
thème général de développement durable ou employant
une seule de ses composantes tout en renvoyant au concept général
ou encore, les publicités risquant de présenter des
éléments peu compatibles avec les objectifs du
développement durable.
L'une des remarques les plus importantes de cette note
consiste à souligner que << toute publicité, sous quelle
forme que ce soit, qui intéresserait les trois domaines du
développement durable, doit respecter les principes
généraux de véracité, d'objectivité et de
loyauté.
En d'autres termes, le BVP souligne les précautions
à prendre pour ne pas tromper les consommateurs.
Pour l'entreprise la tentation est grande de
bâtir une image de marque globale et positive, soucieuse d'actions
sociales et environnementales, mais avec un minimum d'actions
concrètes.
Cependant, il ne faut pas oublier que le consommateur
est devenu un « expert » en marketing- communication capable de
décoder les messages pour y adhérer ou les rejeter.
Il eut été plus judicieux pour certaines
sociétés de ne pas prendre les consommateurs pour des naïfs
en ne communiquant pas, ou de parler de certains efforts réellement
entrepris en la matière, sans rien cacher des points faibles. Car pour
tous les observateurs critiques du phénomène publicitaire, il n'y
a pas de pire publicité que celle qui avance masquée et n'admet
pas ce qu'elle est.
La trop grande différence existant entre les
engagements annoncés et les actions menées sur le terrain
expliquerait le peu de réceptivité voire la méfiance
générées par les discours des grandes entreprises sur
l'éthique.
Le risque est alors grand sur le long terme de s'exposer
à un revirement d'opinion négatif sur ce type de
communication.
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