c) L'encadrement de la mobilisation des
rapatriés
En première ligne de la querelle, se trouvent les
associations de rapatriés et d'anciens combattants qui font pression sur
les directeurs de salle : l'A.N.F.A.N.O.M.A., l'U.N.C.- A.F.N., l'Association
des combattants de l'Union Française et le F.N.R. (cf. glossaire dans
les annexes) ont ainsi indiqué dans une déclaration commune que
la projection de La Bataille d'Alger était une «
véritable provocation de nature à troubler l'ordre public
»54. Il est notable qu'il s'agisse d'associations
nostalgiques de l'Algérie française. Cette agitation a bel et
bien un but politique : affirmer la capacité de mobilisation, montrer la
force de ces associations et s'assurer une certaine publicité pour ne
pas être oublié des pouvoirs publics. La polémique se
déroule en effet en pleine négociation d'une indemnisation pour
les rapatriés, loi qui est votée le 30 juin 1970. Par cette loi,
le gouvernement reconnaît que la nation est redevable à ses
concitoyens ayant vécu en Algérie, de ce qu'ils ont laissé
là-bas. L'Etat admet implicitement qu'il est responsable de l'exode de
1962, cette indemnisation est une réparation pour le dommage subi. Les
pieds-noirs ne sont plus, comme le pensait le général de Gaulle
(cf. infra), les seuls fautifs de leur situation, au contraire, ils en sont les
victimes.
L'enjeu est, du point de vue des rapatriés, de
s'afficher unis et mobilisés pour faire pression sur le gouvernement
afin que celui-ci se montre généreux, politique qui se poursuit
jusqu'à la loi d'amnistie de 1982. Cette volonté d'union est
d'autant plus difficile à mettre en pratique que la population pied-noir
est traditionnellement très « éclatée »
politiquement. Toutefois, se met en place une association qui se veut unitaire,
bien qu'affichant sa sympathie pour l'Algérie
française55 : le F.N.R. dirigé par Edmond Jouhaud et
créé en 1969. L'unité n'est que partielle mais elle permet
aux rapatriés d'apparaître plus crédibles sur la
scène
publique. La mobilisation autour de La Bataille d'Alger
a valeur de test en la matière.
On peut remarquer que les association qui se sont
indignées de la projection du film de Pontecorvo, appartiennent toutes
à la sphère idéologique de l'Algérie
française. Elles ne sont donc pas représentatives de l'ensemble
de la population rapatriée et encore moins de l'ensemble des anciens
combattants de l'Algérie française. C'est leur forme de
mobilisation, une agitation « musclée », qui donne une grande
résonance à leur action. L'extrémisme de cette
minorité n'est en fait pas généralisé.
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