b) Des camps d'internement en Algérie ?
Cette fois c'est France-Soir qui lance l'affaire.
Dans son numéro du 17 avril, le journal affirme que des centaines, voire
des milliers, de pieds-noirs disparus seraient détenus en
Algérie. Le quai d'Orsay, comme Le Monde, reste très
prudent vis-à-vis de ces informations. Le ministère
déclare ainsi que « les cas qui ont été soumis
récemment n'ont aucun rapport tant par le nombre que par le
caractère avec les informations en question »265.
Une mini-polémique débute alors. Le gouvernement
algérien dément fortement les allégations, les diplomates
français ne les prennent pas au sérieux et le R.E.C.O.U.R.S.,
omniprésent dans l'arène publique, demande des
éclaircissements. Dans sa façon de rendre compte de l'affaire,
Le Monde se montre sceptique atténuant les déclarations
de M. Leclair, l'homme à l'origine de l'affaire, par les nombreux
démentis266. M. Leclair, ancien officier de renseignement en
Algérie et secrétaire général de l'Association pour
la sauvegarde des familles et enfants disparus, évoque le cas d'un
millier de survivants sur neuf mille personnes disparues. Ces détenus
seraient déplacés d'une prison clandestine à l'autre. Ce
genre de rumeur n'est pas nouveau, déjà en 1963, une information
du même type, jamais prouvée, circulait.
Cette histoire de Français d'Algérie
détenus depuis la fin de la guerre dans des camps itinérants
apparaît, en fait, hautement improbable. Pourquoi garder ces
Français prisonniers pendant vingt ans ? En outre ce millier de
détenus ne seraient pas passés inaperçus et les services
de renseignement français se seraient inquiétés de cette
affaire. On peut d'autant plus mettre en doute les propos de M. Leclair que le
chiffe de neuf milles personnes disparues est exagéré. Le 7 mai
1963, M. Jean de Broglie, alors secrétaire d'Etat chargé des
affaires algériennes, évoquait le chiffre de trois mille
quatre-vingts disparus. Le bilan officiel, après les
vérifications d'usage, tombe à mille huit cents disparus en
novembre 1963, soit cinq fois moins que ce qui est revendiqué par M.
Leclair.
Touj ours est-il que cette affaire est
révélatrice des fantasmes et des mythes que suscite encore la
guerre d'Algérie. Toute la lumière n'étant pas encore
faite sur cette fin de la guerre et les disparitions qu'elle a
occasionnées, cela ne peut qu'entretenir ce type de rumeur. Cette
histoire de détention a au moins le mérite de rappeler le trouble
qui a accompagné l'exode des Français d'Algérie et qui
marqué l'échec patent des accords d'Evian. Jacques Roseau, du
R.E.C.O.U.R.S., donne ainsi un coup de projecteur sur les faits : «
Plusieurs centaines de Français d'Algérie parmi les milliers
enlevés par le F.L.N. avaient disparu sans laisser de trace et sans que
le gouvernement de l'époque [...] ait jamais cherché à
vérifier la dramatique hypothèse d'une éventuelle
détention »267. C'est encore la personne du
général de Gaulle qui est visée. Il est vrai que le
président de la République s'est alors peu soucié du sort
des piedsnoirs. Il souhaitait même les obliger à rester en
Algérie alors que le contexte était des plus violents !
Peyrefitte raconte ainsi : « Le Général demande que les
fonctionnaire qui ont
abandonné leur poste en Algérie soient
révoqués »268
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