D/ Des continuités dans les débats
1/ Les raisons de cette continuité
On retrouve en effet des thématiques qui jalonnent
toute la période 1968-1982 et se prolongent même au-delà :
la question de la torture et le rôle de de Gaulle dans le conflit. Ces
deux points, s'ils ne sont plus véritablement polémiques,
attisent encore le débat.
a) Des thèmes cruciaux pour la mémoire
collective
Ce sont en effet les deux caractéristiques,
jugées comme principales, de la guerre d'Algérie par rapport aux
autres guerres. Etant donné que ces sujets portent à
débat, ils ont une plus grande visibilité et audience dans
l'arène publique. Ainsi, les tribunes ou les reportages qui
évoquent la guerre d'Algérie, dans la grande majorité des
cas, l'envisagent à partir d'une réflexion sur de Gaulle ou sur
les exactions commises de part et d'autre. Dès lors, ces questions
fondamentales structurent le débat sur « les
événements » et deviennent l'ossature même d'une
mémoire collective sur la guerre. L'avantage de cette focalisation sur
deux problématiques est qu'elle est plus facilement assimilable et
frappe davantage les mentalités qu'une histoire complète et
complexe. C'est pourquoi aussi, Le Monde et les médias en
général insistent sur ces questions. L'inconvénient, c'est
que l'importance de la torture ou le rôle de de Gaulle dans la
résolution ou l'amplification de la guerre est exagérée.
C'est donc une vision faussée de la guerre qui est
perpétuée. Mais une mémoire collective peut-elle
être un miroir objectif des faits ?
Ces thèmes sont d'autant plus cruciaux que c'est sur
eux que porte le principal argumentaire des différents acteurs.
L'utilisation de la torture par l'armée française légitime
la mobilisation des militants des droits de l'homme, comme le comité
Audin, mais, parallèlement, les exactions du F.L.N. permettent aux
militaires de se défendre de ce type d'accusation. L'axe d'affrontement
sur ce thème est donc militaires-militants. La compromission de de
Gaulle dans le coup de force du 13 mai, les promesses qu'il aurait faites et
n'aurait pas tenues, sont les raisons qu'invoquent les activistes pour montrer
que leur combat fut celui de l'honneur. Les gaullistes, quant à eux,
dressent le portrait d'un homme audessus de la confusion, cheminant
inéluctablement vers l'indépendance et conscient du sens de
l'Histoire. L'affrontement sur cette question oppose les deux autres groupes
d'acteurs : activistes-gaullistes. Ces deux thèmes résument ainsi
les diverses querelles qui ont déchiré la nation à propos
de la guerre. Chacun des quatre groupes d'acteurs du conflit, côté
français, se
reconnaît dans une des deux thématiques.
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