d) Le dénouement : un Mitterrand plus gaullien que
jamais
Le texte, après avoir été modifié
par le Sénat, doit en effet revenir devant les députés.
Pour éviter un nouveau camouflet, le gouvernement engage sa
responsabilité sur ce texte en utilisant l'article 49, alinéa 3,
de la Constitution. Aucune motion de censure n'ayant été
voté, le texte est donc adopté dans sa version initiale : les
généraux factieux sont réhabilités. Ce recours
à la manière forte a été retenu en accord avec la
direction du parti socialiste : ainsi, personne ne perd la face. Alain Rollat
relève alors le paradoxe de cet étrange accord à l'amiable
:
« Qui eût dit qu'un gouvernement de la
Vème République entreprendrait un jour de
régler à l'amiable un différend avec le principal parti de
sa majorité, en utilisant contre lui... l'une des plus grosses
pièces de l'artillerie constitutionnelle ? »248
L'attitude de Mitterrand est alors bien celle d'un monarque
républicain. Il utilise
l'article 49-3 uniquement pour contrer un amendement qui a
été voté par les députés de son camp ! C'est
que cet amendement met en jeu la question de son autorité, c'est la
raison pour laquelle il adopte ce comportement altier digne d'un de Gaulle.
L'ironie de l'histoire est qu'il se voit contraint d'utiliser un
procédé qu'il a violemment critiqué comme étant un
instrument du pouvoir personnel qu'aurait souhaité instaurer de Gaulle.
Le paradoxe est de taille : Mitterrand utilise une pratique gaullienne de la
Constitution pour faire passer un texte visant à réhabiliter
ceux-là même qui ont tenté de renverser puis d'assassiner
de Gaulle. Mitterrand
248 « Le gouvernement engage sa responsabilité
», par A. Rollat, 24 novembre 1982
veut ainsi notifier aux partis de la majorité qu'il
n'est pas leur otage, que le président est audessus des partis et que
c'est sa volonté qui, en dernier recours, s'impose. Le président
a donc une conception très gaullienne du pouvoir, bien plus en tout cas
que les deux présidents précédents.
De fait, il s'agit d'un véritable rappel à
l'ordre du groupe parlementaire socialiste : celui-ci devra à l'avenir
« tenir son rôle dans la plénitude de ses fonctions »,
selon les mots de
M. Mauroy, à savoir aller dans le sens de la
volonté présidentielle. Les protestations se limitent alors
seulement au camp communiste qui récuse et le texte adopté et le
procédé utilisé. L'opposition se contente, elle,
d'ironiser sur l'absurde de la situation. Le Monde, en revanche, se
charge de publier des lettres de militants socialistes déçus, un
conseiller municipal de Guingamp allant jusqu'à démissionner du
P.S.
|