c) Un enjeu éminemment politique : la pratique
parlementaire de la Vème République par la gauche
Si le gouvernement reste sur sa position, c'est aussi parce
que François Mitterrand a eu l'impression de recevoir un camouflet et
n'apprécie guère que son autorité ne soit pas
respectée. En effet, ses mots d'ordre n'ont pas été suivis
d'effet et les députés ne se sont pas sentis concernés par
ses promesses électorales. C'est que l'enjeu est avant tout
politique.
Dans le fonctionnement de la Vème
République, les partis se partagent en deux blocs : la
majorité et l'opposition. Le gouvernement est issu de la
majorité, qui comme son nom l'indique possède la majorité
des sièges à l'Assemblée, et peut donc compter sur les
voix de ses députés pour faire passer ses projets de loi. Le
général de Gaulle avait, par exemple, tendance à
considérer l'Assemblée Nationale comme une chambre
d'enregistrement. Les députés de la majorité
étaient accusés par ceux de l'opposition de jouer le rôle
de « godillots », d'être « à la botte » du
gouvernement. François Mitterrand a longtemps ironisé sur ce
travers de la Vème République. Or celui qui a combattu
le régime, se retrouve chef d'un Etat dont la Constitution n'a pas, ou
peu, changé depuis l'époque où il la critiquait avec
violence247. Dès lors, l'enjeu de cette crise consiste aussi
à déterminer la marge de manoeuvre,
l'autonomie que peuvent escompter les députés
socialistes par rapport aux mots d'ordre de leur président. C'est la
question de la coordination politique entre l'exécutif, le parti et le
groupe parlementaire socialiste qui est en jeu.
Dans ce bras de fer, le P.S. entend montrer qu'il ne tient pas
à être une simple force d'appui mais qu'il est prêt à
donner son avis, même s'il est contraire à celui du gouvernement.
C'est à un changement de la pratique parlementaire qu'aspire le parti
socialiste : les députés refusent d'être de simples «
godillots ». Ironie de l'histoire, en modifiant le texte de loi, les
socialistes sont restés fidèles à la volonté
affichée par Mitterrand de rendre tout son pouvoir au Parlement.
Dès lors, il apparaît inconcevable que les
député fassent machine arrière. Cependant, le
président ne peut laisser l'impression qu'il a subi un « revers
». Il perdrait de la crédibilité envers les citoyens et, en
particulier, envers les rapatriés. La seule solution pour sortir de
cette crise intra-socialiste reste alors le passage en force...
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