c) La querelle entre le P.C.F. et François
Mitterrand
Le P.C.F. continue sa polémique sur le rôle des
socialistes dans la répression de la rébellion et l'usage de la
torture. Ses attaques se concentrent en particulier sur François
Mitterrand. Ce dernier réplique aux critiques qui lui ont
été faites à l'occasion du procès contre la
C.F.D.T., en rappelant que lors de la répression du soulèvement
de Sétif, en 1945, le P.C.F. faisait partie du gouvernement provisoire
et n'a guère protesté. Il souligne, en particulier, la
véhémence des articles de L 'Human ité, datant de
cette période et insistant sur la nécessité de
rétablir « l'ordre français » en Algérie. Le
secrétaire national du parti socialiste
conclut sa réponse par un « la révolte
algérienne ne souciait guère le P.C.F. »225 qui
va à l'encontre de l'image que souhaite se donner le parti communiste.
L 'Humanité ne parvient pas à démentir les propos
de Mitterrand, le quotidien se contente de répliquer avec maladresse
:
« François Mitterrand cherche à inverser
les rôles. Car c'était bien lui qui était ministre de
l'Intérieur quand la guerre a commencé, en 1954. Prétendre
aujourd'hui que le parti communiste, seule grande formation politique à
s'opposer à la guerre, ait à l'époque manqué
à son soutien à la lutte de libération du peuple
algérien [...] est un impossible retournement des faits
»226
Le P.C.F. veut donc se sculpter sa statue de parti pionnier de
la paix et de
l'indépendance mais pour cela, il n'hésite pas
à faire preuve de mauvaise foi. La politique du parti, nous l'avons
déjà dit, est assez fluctuante et s'il commence à
dénoncer la torture, à l'occasion de l`affaire Audin, en 1957, ce
n'est qu'avec l'arrivée de de Gaulle au pouvoir qu'il milite fermement
pour des négociations. Mais comment affirmer qu'il n'a jamais «
manqué à son soutien à la lutte de libération
» du F.L.N. alors que les communistes aidant le F.L.N. étaient
exclus du parti ? En fait, la polémique est sans fin : Mitterrand
renvoie le P.C.F. à son implication dans la répression du
massacre de Sétif et le P.C.F. renvoie Mitterrand à sa
participation aux gouvernements Mendès-France et Mollet. C'est pourquoi,
la querelle se poursuit jusqu'en 1981. Les arguments de Maxime Gremetz, dans un
article de L 'Humanité dont Le Monde publie des
extraits, contre François Mitterrand sont les mêmes. Aussi
résumet-il l'action du gouvernement Mollet à l'intérieur
duquel Mitterrand est ministre de la Justice : « ce n'était pas la
démocratie du bulldozer, c'était celle de la torture et de la
guillotine »227. Les élections approchant, la
querelle s'arrête comme elle est apparue, brutalement.
Cet acharnement envers Mitterrand, l'homme de l'alliance avec
les communistes228, celui qui apparaît comme le seul capable
de faire basculer la France à gauche, peut surprendre. Mais suite
à l'érosion de l'électorat communiste, érosion qui
profite en premier lieu au parti socialiste, le P.C.F. se fait plus exigeant et
de fait, joue sur les toutes dissensions possibles entre les deux partis.
D'autre part, cette virulence, depuis 1979, à propos de la guerre
d'Algérie, cette tentative de s'approprier le « beau rôle
» pendant le conflit, à savoir apparaître comme le parti
anti-impérialiste, coïncide justement avec l'intervention de
l'U.R.S.S. en Afghanistan. Opération militaire soutenue par le P.C.F.
qui pour se laver de
225 « Polémique entre M. Mitterrand et le P.C.
», 22-23 juin 1980
226 idem
227 11-12 janvier 1981
228 dans le cadre du programme commun de 1972
toute accusation de colonialisme, réécrit
l'histoire de la guerre d'Algérie. Il s'agit de faire oublier
l'Afghanistan par l'Algérie.
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