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Les débats autour de la guerre d'Algérie à  travers le journal Le Monde


par Philippe SALSON
Université Michel de Montaigne Bordeaux III - Maà®trise d'Histoire contemporaine 2001
  

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c) Une incompréhension plus qu'un clivage irrémédiable

Les réactions exacerbées face à un projet de loi assez modéré peuvent surprendre. Les traumatismes liés à la fin de la guerre d'Algérie sont-il aussi vivaces qu'ils empêchent tout travail de mémoire sur le conflit ? En fait, l'enjeu de la polémique est essentiellement politique : choisir le 19 mars pour célébrer la fin de la guerre, est ressenti par les responsables d'associations de rapatriés comme une célébration des accords d'Evian. Or les accords d'Evian sont assimilés, dans l'esprit des rapatriés, au drame « de l'après-guerre » - à savoir la période d'attentats et de massacres qui s'étend de fin mars à l'été 1962 - et de l'exode. La radicalité de l'opposition est due à une incompréhension réciproque quant à la perception profonde du 19 mars comme fin des combats ou début du cauchemar, selon les cas. Mais de part et d'autre, on retrouve la même volonté de commémorer les morts de la guerre.

D'autre part, la polémique a largement été amplifiée par la récupération politique du débat avec le projet de loi d'officialisation de la commémoration. Donner un caractère officiel à une manifestation contestée par bon nombre d'associations est plus que délicat, cela relève de la maladresse politique. Certes, le gouvernement cherche à satisfaire une demande, qui est réelle et unanime, de mémoire sur la guerre d'Algérie. Son projet n'est pas innocent non plus, il s'agit de satisfaire la F.N.A.C.A. réputée assez proche du parti socialiste. Mais c'est une méconnaissance notable des traumatismes liés à l'exode des pieds-noirs qui conduit son projet dans une impasse. La maladresse du ministre se situe aussi dans la façon de présenter son projet. Il se déclare, dans un premier temps, favorable à une commémoration du 19 mars, donnant totale satisfaction à la F.N.A.C.A. Il est alors considéré comme partial et de connivence avec la fédération ce qui rend les protestations des associations plus violentes. Ce n'est que devant le tollé déclenché qu'il envisage une discussion préalable, entre les diverses associations. La logique politique aurait voulu que la discussion s'engage avant toute décalaration du ministre.

En outre, il ne faut pas surestimer la virulence des débats. Les désapprobations sont aussi exagérées afin de marquer l'indignation contre le traitement de faveur que semble avoir la F.N.A.C.A. En amplifiant le désaccord, les associations ont une plus grande chance d'être entendues par le pouvoir politique et d'obtenir un dédommagement. Cet aspect conflictuel des déclarations est inhérent au fonctionnement du jeu politique dans une démocratie. D'autre part, au sein de la tumulte, on voit se dégager une position modérée, exprimée dès le début par l'U.F.A.C. ou l'U.C.C.T.A.M. Celle-ci s'estime, par exemple, satisfaite de la décision d'

« honorer ceux qui ont souffert en Afrique du Nord » mais émet des réserves quant à la date avancée, elle réclame alors une concertation « de toutes les parties afin de déterminer une date dans un esprit d'unité nationale et de conciliation »189. Finalement, c'est à cette voie moyenne que le gouvernement donne raison en favorisant les commémorations. La loi, telle qu'elle est votée, provoque peu de remous, signe d'un certain consensus sur ce devoir de mémoire.

Par la suite, les cérémonies qui sont organisées par la fédération, provoquent moins de réactions que les années précédentes, signe d'un réel apaisement et d'une certaine tolérance de part et d'autre. Seuls quelques extrémistes se réunissent pour une veillée de prières, commémorant « le deuil » que représente ce 19 mars, dans l'église intégriste et illégalement occupée, depuis 1977, de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. François Léotard, ne cachant pas quelques sympathies pour l'Algérie Française, déclare à cette occasion « la célébration du 19 mars 1962 est un signe de décadence pour la France »190. Hormis ces réactions on ne peut plus radicales, les manifestations se déroulent dans le calme.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus