B/ Une volonté de commémoration
1/ Commémorer pour ne pas oublier
Devant la carence de l'institution scolaire et de l'Etat
à mettre un point un véritable enseignement sur la guerre
d'Algérie, les différents acteurs du conflit se sentent
chargés de cette mission éducative. Les jeunes n'ont pas connu la
guerre et ne savent rien, ou presque rien, (cf. p.98) sur elle, suite à
la politique du silence pratiquée :
« Selon [les dirigeants de la F.N.A.C.A.],
l'évocation de la guerre d'Algérie dans les manuels scolaires est
parfois inexacte, touj ours insuffisante. « Cette période de notre
histoire n'a pas la place qu'elle mérite », a déclaré
récemment M. Michel Sabourdy, secrétaire national de la
F.N.A.C.A. »178
Or, le déchaînement de passions qu'a
provoqué et provoque encore le conflit peut
paraître incongru à la jeune
génération. Claude Sarraute constate ainsi , à propos de
l'émission Apostrophes consacrée à la guerre
d'Algérie, que le débat s'est limité à un «
affrontement véhément, passionné entre des points de vue
inconciliables et souffrant, du coup, aux yeux de
nos enfants, de l'absence de toute crédibilité
»179. Cette volonté éducative que l'on
avait relevée dans les émissions télévisées,
est donc une tâche ardue.
Les associations d'anciens combattants et de rapatriés
entendent, par la commémoration compléter l'instruction civique
de ces nouveaux électeurs - un citoyen né en 1962, à la
fin du conflit, peut en effet voter à partir de 1980. Or, une
commémoration ne met en valeur qu'un événement
précis, un seul type d'engagement sans que l'esprit critique ne soit
engagé. Sa portée instructive est moindre qu'une histoire de la
guerre d'autant plus qu'elle risque de léguer à la jeune
génération une mémoire partisane et biaisée. Mais
l'enjeu est considéré comme primordial, d'où les querelles
sans fin sur la commémoration du 19 mars. Cependant, de telles
polémiques ne vont pas dans le sens d'une mission éducative,
elles ne peuvent que laisser perplexe une génération qui n'a pas
vécu « les événements ».
En outre, ces commémorations sont aussi l'occasion de
solliciter une reconnaissance de la guerre d'Algérie par l'Etat et,
à défaut, par la société. En effet, la
spécificité des ces commémorations, par rapport à
celles en l'honneur des morts d'autres guerres, tient en ce qu'elles sont
organisées par des associations et se déroulent en dehors de
toute voie officielle. Une reconnaissance de ces combats favoriserait le devoir
de mémoire et permettrait d'inscrire les faits dans la mémoire
collective.
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