b) L'engagement du journal dans la polémique
Le premier type d'engagement est celui qui consiste à
rendre compte des débats suscités. L'exhaustivité du
quotidien participe de cette sorte d'engagement. La publicité qui est
faite de ces polémiques contribue à en faire un débat de
premier plan de la société française. L'effet « boule
de neige » joue un rôle primordial dans ce bouillonnement de
discussions et de commémorations en tout genre. Parce que des affaires
liées à la guerre d'Algérie sont soulévées,
généralement par des hommes politiques, le quotidien rend compte
des querelles engagées. Mais il va plus loin ; il analyse les rouages de
l'affaire, collecte les opinions de chacun si bien que l'affaire en question
devient extraordinairement visible dans l'arène publique : le fait est
grossi par l'importance que lui accorde le journal. Celui qui n'a pas pris
position, tient à le faire afin de ne pas paraître
dépassé par les événements et ainsi de suite, de
telle manière que la polémique est entretenue.
La visibilité du débat sur la guerre
d'Algérie est, en partie, due au fait qu'il occupe désormais le
devant de la scène publique. Les articles portant sur de telles affaires
reviennent à la une du journal et monopolisent les pages «
Politique » du quotidien. Ce qui leur assure une audience bien plus grande
que de se retrouver confinées dans les pages « Culture » et
« Rapatriés », rubriques qui interpellent moins le lecteur,
dont les enjeux sont moins cruciaux et les débats quasiment exclus. En
effet, l'opinion s'est considérablement apaisée sur le traitement
de la guerre d'Algérie par des cinéastes et ou des
écrivains. Seules, quelques voix se sont élevées contre le
film de Schoendorffer, L 'Honneur d'un capitaine,
considéré comme une justification de l'usage de la torture.
Mais, ces voix ne trouvent aucun écho du fait de la virulence de la
polémique sur la loi d'amnistie (cf. p.131) qui accapare toute
l'attention à la même époque. En outre, les
mentalités ont évolué : le cinéma n'est plus
envisagé commme un puissant moyen de propagande dont le pouvoir
d'influence est considérable. D'où une
libéralisation des esprits et de la censure sur ce qui
est projeté dans les salles tant au niveau du contenu que du message.
La rédaction s'exprime aussi plus cairement par le
biais de chroniques, d'analyses, de pages spéciales et d'éditos,
comme cela était le cas de 1968 à 1972. La ligne
éditoriale est clairement définie et l'engagement auprès
de ceux qui militent pour un devoir de mémoire n'est pas
dissimulé. La rédaction n'hésite pas à condamner
les maladresses des responsables politiques dans la gestion des affaires
liées à la guerre d'Algérie. Le quotidien se fait
même virulent contre l'action de François Mitterrand dans ce
domaine alors que, jusqu'alors, il avait semblé soutenir le nouveau
président. C'est donc loin de tout dogmatisme idéologique que la
rédaction aborde les débats, mais davantage avec une vision
éthique des conséquences de la guerre.
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