CHAPITRE 3 :
1980-1982 : L'OPINION PARTAGÉE ENTRE LE
SOUVENIR
ET L'OUBLI
A/ Des années denses en
polémiques
1/ Le Monde en tête du débat
a) Une rupture par rapport à la période
précédente
De 1979 à 1980, le nombre d'articles concernant, de
près ou de loin, la guerre d'Algérie quadruple presque (cf.
annexe) ! Si en 1981, ce nombre se tasse légèrement - les
élections présidentielles mobilisent toutes les attentions
d'autant plus qu'elles s'annoncent serrées -, en 1982, le maximum obtenu
en 1980 est largement dépassé : on atteint presque la centaine
d'articles ayant trait à la guerre d'Algérie. On remarque que sur
cette période, la variable affinée (« nb. d'art.>1/3
») croît dans les mêmes proportions que la variable brute
(« nb. tot. d'art. »). Sur le nombre total d'articles portant sur la
guerre d'Algérie, un peu moins de la moitié des articles sont
dignes d'intérêts - c'est-à-dire, qui occupent au moins un
tiers de la page et traitent directement d'une thématique liée
à la guerre d'Algérie. Même par rapport à la
période 1968-1972, dont on avait montré l'intensité des
débats, la résonance des questions en rapport avec le conflit est
sans commune mesure. Le débat se concentre sur une période plus
courte, trois ans au lieu de cinq, et atteint dès l'année 1980
une amplitude supérieure au précédent maximum.
Contrairement à la première période, cette amplitude ne
grandit pas progressivement pour s'établir à un niveau
élevé ensuite. Entre 1979 et 1980, il y a une véritable
rupture : d'un niveau faible, elle se retrouve à un point culminant
jamais atteint.
Cette publicité autour des polémiques sur le
conflit est bien supérieure à celle accordée par les
autres quotidiens. Le Monde, dans sa logique d'élitisme et de
sérieux, est en effet le journal qui accorde le plus de place à
l'actualité, en particulier à l'actualité politique. Cette
volonté d'expliquer les faits au lectorat jugé assez mature pour
comprendre les mécanismes en oeuvre, s'exprime par l'importance
donnée aux analyses. Autre conséquence de cette logique,
l'équipe rédactionnelle semble rechercher
l'exhaustivité des points de vue.
Ainsi, à propos de la polémique sur la
commémoration du 19 mars (cf. p.1 04), à chaque étape du
mini-conflit, le journal tient à relayer les avis des dirigeants des
différentes associations de rapatriés (F.N.R., R.E.C.O.U.R.S.),
d'anciens combattants (U.N.C.-A.F.N., F.N.A.C.A., U.N.A.C.F.C.I., U.F.A.C.,
U.C.C.T.A.M.) et de responsables politiques (du P.S., du P.R. et du F.N.) :
entre 1981 et 1982, neuf articles sont exclusivement destinés à
rapporter l'opinion de ces différents groupes sur ce sujet. Mais, cette
exhaustivité ne s'arrête pas là, elle se retrouve dans la
large place faite aux courriers, aux réponses et aux commentaires de
lecteurs. C'est ce qui fait aussi du journal une tribune essentielle de la vie
publique.
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