3/ Le Monde et le travail de mémoire
Le Monde est toujours en première ligne pour
rappeler les faits liés à la guerre. Il reste le premier des
quotidiens à accorder une telle importance à la guerre
d'Algérie. Ce travail de mémoire revêt deux formes
différentes :
a) La rubrique nécrologique
L'actualité nécrologique est souvent une
occasion de revenir sur la guerre d'Algérie et sur l'action qu'ont
mené les personnalités défuntes, au coeur de la
tourmente.
1975 est ainsi l'année de la mort du
général Ely et du colonel Godard. A chacune de ces occasions,
Jean Planchais - faut-il rappeler qu'il fut chargé des questions
militaires ? - dresse un portrait du disparu suivi d'une rapide biographie.
Planchais montre ainsi le rôle déterminant qu'a joué le
général Ely161, alors chef de l'état-major,
lors du 13 mai puis il met en relief comment la démission du
général Ely a facilité l'accession de de Gaulle au
pouvoir. Démission qui n'est pas motivée par un objectif
politique - le retour de de Gaulle - mais présentée comme
protestation contre la menace qui pèse sur la cohésion et
l'unité de l'armée après l'arrestation de deux des
collaborateurs d'Ely.
Jean Planchais apparaît réellement fasciné
par l'homme du mystère et du complot qu'est le colonel
Godard162. Il dresse le portrait d'un homme recherchant avant tout
l'action et n'étant efficace que dans l'action : Godard est ainsi
agacé par les querelles idéologiques au sein de l'O.A.S. Jean
Planchais parvient à rendre Godard presque sympathique, on est loin de
l'image d'extrémiste d'un ex-O.A.S.
161 dans « Le général Ely est mort », 21
janvier 1975
162 voir « Le colonel Yves Godard est mort », 6 mars
1975
Mais, c'est essentiellemnt à l'occasion de la mort de
Houari Boumedienne que le quotidien revient sur le conflit algérien. Sa
mort prend une résonance internationale : c'est le dirigeant de
l'Algérie qui disparaît. Le Monde lui consacre alors sa
une et cinq pages à l'intérieur du journal163. Nous
avons déjà souligné (cf. p.74) l'intérêt des
entretiens de Paul Balta, journaliste au Monde, avec Boumedienne,
quant à la vision de l'ancien chef d'étatmajor sur la guerre
d'Algérie. Mais il faut aussi noter les qualités du portrait
rapide que dresse Jean Lacouture : il montre en particulier la
continuité de la foi nationaliste de Boumedienne, du jeune militant du
P.P.A. au chef d'état-major de l'A.L.N. Les nécrologies sont
ainsi un formidable moyen de familiariser le public avec les principaux acteurs
du conflit, d'en dresser un portrait rapide mais complet.
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