2/ La télévision et l'écrit : deux
moyens de se souvenir
a) Les premières émissions
télévisées sur la guerre d'Algérie
Dans les années 1970, la télévision
devient peu à peu un média de masse. Son influence est alors
considérable : ce qui est diffusé à l'écran est
regardé par des millions de personnes. Tout événement
prend une ampleur considérable dès qu'il en a été
question à la télévision. Il s'agit d'une caisse de
résonance d'une bien autre importance que Le Monde. La
télévision devient alors le vecteur indispensable du débat
public. Sa large audience lui permet d'avoir un impact notable sur la
société : l'élaboration d'une mémoire collective ne
peut se faire sans la télévision. Preuve de cette
évolution décisive, la télévision prend de plus en
plus de place dans un quotidien réputé austère comme
Le Monde : chroniques consacrées à l'actualité du
petit écran, suppléments radio-télévision,
programmes télévisés...
De plus, l'O.R.T.F., organisme de diffusion
télévisée, s'est peu à peu libéré de
la tutelle gouvernementale. Conséquences de cette autonomie plus grande
: programmes plus variés, multiplication des chaînes,
émissions plus pertinentes... Ce sont principalement des
émissions de débat qui mettent en scène occasionnellement
la guerre d'Algérie : Les Dossiers de l 'écran
constituent ainsi une référence. Cette émission fait
suivre un film d'un débat sur le même thème. Le Monde
consacre généralement un compte-rendu à
l'émission : le quotidien contribue à faire de l'émission
un moment incontournable du débat public. Ainsi, c'est aux Dossiers
de l 'écran qu'est née la polémique sur Erulin (cf.
p.72).
L'émission sert souvent de point de départ de
réflexion pour le chroniqueur du Monde. Ainsi, à propos
de la torture en Algérie, thème des Dossiers de l
'écran en mai 1978, P. de Boisdeffre écrit : « On a
raison de rappeler les horreurs auxquelles a donné lieu la guerre
d'Algérie (horreurs partagées car le terrorisme, s'il n'excuse
pas la torture, lui fournit un prétexte). Mais la France n'a pas la
palme de l'injustice »150. Le journaliste reste
modéré quant à la résurgence des anciennes affaires
de torture : est-il alors révélateur de l'opinion
générale de la rédaction - une lassitude vis-à-vis
de ces affaires - ou de la divergence des points de vue au sein de cette
rédaction - en effet, Planchais et Viansson-Ponté ne semblentils
pas reprocher cet oubli de la guerre ? Toujours est-il que l'émission
Les Dossiers de l'écran s'affirme comme la principale
arène publique, lieu où le débat public s'expose avec ses
protagonistes : c'est elle qui fait l'actualité, qui aide à se
forger une opinion.
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