3/ Une attention mobilisée sur le problème
des rapatriés
Cette présence massive des rapatriés dans le
débat public occulte les questions plus directement relatives à
la guerre d'Algérie. L'opinion publique se focalise sur le
problème de l'indemnisation des rapatriés, qui n'est pas sans
enjeu poltitique ; ceux-ci ayant été délaissés par
le général de Gaulle.
a) Les rapatriés : une force politique
Après avoir montré leur force lors des
affrontements sur La Bataille d'Alger et entamé une unification
des diverses mouvances, les associations de rapatriés souhaitent
s'inscrire dans le débat politique comme une force de pression, jouant
pour cela sur les centaines de milliers de voix que représente la
population rapatriée, en particulier dans le midi de la France. Les
associations ne se contentent plus d'assurer le lien social nécessaire
aux nouveaux métropolitains que sont les rapatriés : elles
deviennent des acteurs du jeu politique.
Ce changement d'orientation de l'action des associations est
particulièrement l'oeuvre du R.E.C.O.U.R.S., association
créée en 1976 en vue de regrouper les associations de
rapatriés et d'unifier leur revendication. Son audience croît
rapidement et elle est en mesure en 1977 d'imposer aux pieds-noirs du Midi de
voter contre la majorité aux élections municipales116.
Le président du R.E.C.O.U.R.S., Jacques Roseau, entend utiliser le
chantage électoral, considérant ce dernier comme le seul moyen de
se faire entendre par le gouvernement :
« En 1974, les Associations de rapatriés ont
laissé passer une belle chance d'obtenir le règlement de notre
contentieux à l'occasion des élections présidentielles.
Elles n'ont pas négocié de façon assez rigoureuse et ont
pris des positions favorables à M. Valéry Giscard d'Estaing avant
d'avoir obtenu de celui-ci des garanties suffisantes. Nous ne commettrons pas
la même erreur à la veille des élections
législatives de 1978 ».117
Fort de cette conscience politique, le R.E.C.O.U.R.S.
n'hésite pas à investir les tribunes
du quotidien pour faire entendre sa voix et rappeler aux
responsables politiques la force électorale qu'il représente.
Avec le R.E.C.O.U.R.S., c'est l'ensemble de la population
116 François Mitterrand a bénéficié
des voix, décisives, des rapatriés qui ont suivi le mot d'ordre
du R.E.C.O.U.R.S. lors de l'élection présidentielle de 1981.
117 « L'indemnisation des rapatriés », 8 juillet
1978
rapatriée qui se constitue comme un groupe
cohérent avec un passé et des habitudes culturelles communs mais
surtout avec une même revendication : l'indemnisation totale des
rapatriés.
|