CHAPITRE 2 :
1973-1979 : UN SILENCE RELATIF SUR LES
« EVENEMENTS »
La virulence du débat chute brusquement entre 1972 et
1973. Si l'on considère le graphique sur le nombre d' articles parus
dans Le Monde ayant trait à la guerre d'Algérie (cf.
annexe), on remarque que ce nombre d'articles, qu'il s'agisse du nombre total
ou seulement du nombre d'articles ayant une certaine importance, est
divisé par deux d'une année sur l'autre. De plus, c'est la
première fois que ce nombre diminue depuis 1968 : on avait
assisté jusque-là à une progression continue de
l'intensité du débat - du moins, si on considère la
variable affinée, puisque c'est elle qui est véritablement
significative. Or, à partir de 1973, l'histogramme représentant
le nombre d'articles occupant au moins un tiers de la page, revêt une
forme aplatie, reflétant une atonie de l'opinion publique
vis-à-vis des problématiques soulevées par la guerre
d'Algérie. Paraît alors, de temps en temps, un article digne
d'intérêt, mais il ne suscite pas de réactions, d'où
une absence de véritable débat.
A/ Le débat mis en sourdine
1/ Une absence de véritable débat dans Le
Monde
a) Un contraste avec la période
précédente
Si cette période peut être
caractérisée par le règne du silence, ce silence n'est pas
parfait. Au contraire, si on tient compte de tous les articles ayant trait
à la guerre d'Algérie, quelle que soit leur longueur, on
s'aperçoit que leur nombre est encore assez élevé : en
1975, par exemple, il est supérieur à celui de 1968. Mais, il est
frappant que les articles traitant plus directement de la guerre
d'Algérie et s'étalant sur plusieurs colonnes sont bien moins
nombreux qu'entre 1968 et 1972. La différence entre les deux
histogrammes est particulièrement saisissante : les articles sont
généralement moins développés. C'est pourquoi,
il s'agit d'un silence relatif. Après une
période de débat intense - en particulier, de 1970 à 1972
- ces années 1973 à 1979 apparaissent bien trop calmes : sont
égrenés ainsi, chaque an, moins de dix articles importants. Si
ces quelques articles sont révélateurs d'un certain travail de
mémoire, on ne peut parler de débat. C'est comme si l'opinion
avait besoin d'un temps, d'une pause, pour digérer tout ce qui s'est
dit, ce qui a été révélé entre 1968 et
1972.
Cette mise à l'écart du débat
s'appréhende non seulement en comptabilisant le nombre d'articles mais
aussi en s'intéressant à la place de tels articles dans le
journal. Or, on constate qu'ils n'occupent plus la première page ; les
éditoriaux ainsi que les grandes plumes du journal - Planchais,
Lacouture, Fauvet, Viansson-Ponté - analysent d'autres questions que
celles relevant de la guerre d'Algérie. Ces dernières sont
reléguées aux pages « Culture » et «
Rapatriés ». Bref, la guerre d'Algérie n'est plus
abordée frontalement mais par le biais d'autres problématiques :
la création artistique, la censure, le problème d'indemnisation
ou celui des harkis...
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