b) Une continuité dans la politique gaullienne
Il faut sûrement voir dans l'amnistie une volonté
politique plus générale. De Gaulle est très attaché
à l'idée de grandeur de la France, mais celle-ci ne peut se
réaliser que si, auparavant, l'unité de la nation a
été scellée. Or après une crise telle que la guerre
d'Algérie, qui a déchiré la société
française, il est urgent de procéder à une
réconciliation nationale fondée sur le pardon et l'oubli. C'est
le but même de l'amnistie. Mais cette amnistie est aussi le
symptôme d'une mémoire collective honteuse, d'où une
relégation des événements les moins glorieux dans
l'ombre.
Dès lors, il n'est guère étonnant que
cette réconciliation soit préparée dès 1962
puisqu'une amnistie était prévue avec les accords d'Evian. Il est
formulé dans ces derniers :
« L'amnistie sera immédiatement proclamée.
Les personnes détenues seront libérées ». L'amnistie
qui est ensuite précisée dans le décret n° 62-328 du
22 mars 1962, porte alors dans un premier temps sur les infractions commises
dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre. Cette amnistie est
élargie en 1964 pour finalement concerner les infractions «
commises dans les opérations de police administrative ou judiciaire
». Dès lors, la loi de 1968 n'est qu'une extension des
précédentes lois, c'est la raison pour laquelle elle
bénéficie principalement aux anciens activistes, les militaires
ayant été amnistiés en 1962. Et c'est là qu'il faut
voir une limite à la continuité de la politique gaullienne. De
Gaulle aurait par ailleurs déclaré à Alain Peyrefitte en
1963, à propos d'une amnistie pour les anciens activistes : « Ce
n'est pas parce qu'on a accordé l'indépendance à
l'Algérie, qu'on doit couvrir de fleurs des gens qui ont combattu
l'armée française »64.
Versatilité ou pragmatisme du général de Gaulle ?
Cette série d'amnistie correspond aussi à la
volonté de nouer des relations diplomatiques avec l'Algérie. Ces
relations passent avant tout par un échange des compétences par
le biais de la coopération, aidant ainsi l'Algérie à
assumer son indépendance. L'intérêt pour le gouvernement
français n'était pas uniquement de garder une main-mise sur le
pétrole saharien ; de Gaulle voyait aussi son prestige, et celui de la
France, croître au sein des pays du Tiers-Monde. Or les relations
amicales entre les deux pays ne peuvent se forger qu'en mettant sous silence
tout ce qui pourrait faire naître des polémiques entre les deux
pays, et en particulier « les infractions commises dans le cadre
d'opérations de maintien de l'ordre ».
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