1/ L'amnistie de 1968 : pardonner et oublier
a) Les campagnes pour une amnistie
Pour comprendre la partialité des témoignages,
il faut se rappeler que la période est marquée par la loi
d'amnistie 1968 qui interdit toute recherche de responsabilité pour les
exactions commises lors du conflit et favorise , de cette manière,
l`oubli et le silence.
Cette loi est le résultat d'une campagne souvent
initiée par des personnalités et des organismes proches des
anciens activistes. Ainsi, le S.P.E.S. demande une amnistie totale dans Le
Monde daté du 28 mars1968 en argumentant que 22 membres de l'O.A.S.
sont encore en prison alors que les « assassins notoires du F.L.N. »
ont été libérés. Mais, des personnalités de
gauche ont aussi le même type de démarche : à
l'Assemblée, M. Defferre, député des
Bouches-du-Rhône, demande l'inscription à l'ordre du jour de
l'amnistie61. Le quotidien reste à l'écart d'une telle
campagne, la façon dont sont relatées ces prises de position, est
des plus
neutres. De même, on peut constater l'étonnant
silence des anciens opposants à la guerre d'Algérie, comme si
pour eux la page était déjà tournée. Le Monde
se contente de révéler les résultats d'un sondage de
la S.O.F.R.E.S., selon lequel 54 % des Français interrogés sont
favorables à une telle amnistie. L'opinion est donc prête et
semble vouloir tourner la page. La loi d'amnistie apparaît de plus en
plus inéluctable, surtout depuis qu'une série de grâces a
largement anticipé sur la loi : 173 anciens membres de l'O.A. S. sont,
par exemple, libérés en décembre 196462.
Faut-il voir dans cette loi un pardon de de Gaulle à
ceux qui ont tenté de l'assassiner et ont contesté la
légitimité de son pouvoir ? On retrouve en effet parmi les
principaux bénéficiaires de la loi MM. Salan et Jouhaud,
généraux putschistes en 1961 et chefs de l'O.A.S. - et par
conséquent commanditaires des tentatives d'assassinat de de Gaulle -
ensuite, MM. Sergent et Argoud, responsables de l'O.A.S.-Métropole et
donc des attentats commis sur le territoire français. Il faut, en outre,
se rappeler que de Gaulle souhaitait la peine capitale pour Jouhaud et Salan en
1962. Salan, contrairement à son lieutenant, n'ayant pas
été condamné à mort par le Haut Tribunal Militaire,
c'est sous la pression de ses ministres que le général de Gaulle
accepte du bout des lèvres de gracier Jouhaud63. Le
changement d'attitude du président envers ceux qu'il a qualifiés
de « félons » et qui ont voulu sa mort, est radical : il
accepte de passer l'éponge. Est-ce un pardon du chrétien de
Gaulle ? Difficile de le savoir.
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