c) Les troubles du comportement alimentaire à
l'adolescence
Ces troubles se nomment anorexie mentale et boulimie.
L'anorexie mentale se définit par des conduites de
restriction alimentaire entraînant un amaigrissement souvent important
chez les jeunes filles.
La boulimie est une faim excessive.
En terme de pathologie les deux sont souvent liés.
En ce qui concerne l'anorexie mentale, l'âge de
début se situe à la post-puberté avec deux pics de
fréquence à 14 ans 1/2 et 18 ans. Les formes tardives
(après 25 ans) ne sont pas exceptionnelles (15% des cas). Fait notable,
la grande majorité des anorexies mentales se voient dans les classes
sociales élevées et moyennes supérieures.
Les cas d'anorexie masculine restent rares (3% des cas), mais
sont en progression actuellement.
Une progression régulière des anorexies mentales
est notée dans tous les pays occidentaux dans la dernière
décennie. Par contre, il n'existe aucun cas dans certaines ethnies en
particulier dans la race noire. 11
Ces données épidémiologiques font
évoquer l'hypothèse que des facteurs socio-culturels
interviennent dans la pathogénie de ces troubles.
On considère comme possibles, un certain nombre de
facteurs déclenchants 12 :
· traumatisme psycho-affectif
· souvent le traumatisme invoqué est la
révélation d'un conflit latent : conflit affectif et sexuel
· refus de la féminité (ambivalence de la
mère) - déception sentimentale - rivalité dans la famille
(surtout avec le père)
10 Marie Radigois Pernelet -op. cité p.5
11 Pathologie psychiatrique p.79 Fac de Médecine Tours 12
Michel Hanus p.321 op. cité p.4
· conflit professionnel : échec aux examens -
problème d'insertion sociale - difficulté d'adaptation.
L'anorexie mentale se caractérise par un amaigrissement
spectaculaire, il dépasse 25 % du poids initial pour atteindre parfois
plus de 50 % du poids normal à cet âge.
« L'aspect de la jeune fille est évocateur : corps
efflanqué, tout en os, anguleux. La fonte des réserves
graisseuses superficielles et profondes est massive : les formes
féminines se sont effacées ; seins, hanches et fesses ont
disparu. »13
En regard de cet amaigrissement, la méconnaissance de leur
maigreur par les malades, reflète l'importance du trouble de la
perception de l'image de leur corps.
Un comportement de maîtrise et de ritualisation est
généralement associé.
L'anorexique se livre à d'incessantes mesures de
vérifications, pesées, recherche sur la valeur calorique des
aliments....
L'aménorrhée survient constamment au cours de
l'évolution de l'anorexie.
« On parle d'aménorrhée après une
interruption de trois mois des règles précedemment
régulières ou de six mois si elles étaient
irrégulières. »13
La sexualité fait l'objet d'un refoulement massif, tant
dans ses composantes physiologiques que dans sa dimension de désir.
Le fonctionnemnent intellectuel est considéré
comme excellent avec un surinvestissement de ce domaine. « Le refuge dans
l 'intellectualisme pur prend une valeur défensive à
l'égard des émotions ». 13
Le syndrome boulimique qui consiste en l'ingurgitation
massive, « quasi-frénétique », d'une grande
quantité de nourriture, s'accomplit généralement en
cachette d'une façon totalement indépendante des repas.
« La quantité prime touj ours sur la qualité,
le besoin d'engloutir sur la recherche du goût. L'accès est le
plus souvent suivi de vomissements provoqués, mais qui avec le temps,
deviennent quasi-automatiques ». 13
Dans 30 à 50 % des cas, la boulime survient pendant ou
après une période d'anorexie.
Les différentes pathologies que nous venons de
définir se classent dans les conduites addictives dites de
dépendance. La dépression étant considérée
comme sous-jacente d'une conduite addictive, les conduites suicidaires et les
troubles des conduites alimentaires (anorexie, boulimie) faisant partie des
conduites de dépendance à l'adolescence.
L'adolescence avec les modifications physiques et psychologiques
de la puberté agit comme un révelateur de cette
dépendance.
La conduite addictive peut se comprendre comme une lutte
antidépressive, l'incorporation répétée de l'objet
addictif visant à combler un sentiment de vide insupportable. Si l'on
observe le côté clinique de la dépendance, nous constatons
:
« C'est une clinique où le sujet essaie de
substituer à ses liens affectifs relationnels, vécus comme
d'autant plus menaçants qu'ils sont plus nécessaires, des liens
de maîtrise et d'emprise.
Il s'agit d'introduire entre le sujet et ses possibles
attachements, des objets institutifs qu'il pense maîtriser, la nourriture
dans la boulimie, la drogue etc... On voit ainsi apparaître clairement la
fonction de contrôle de la distance relationnelle par ce comportement.
»14 Tout ce qui rappelle un lien affectif est rejeté, le
comportement devient mécanique, au profit du besoin de sensations
violentes pour se sentir exister et non plus pour éprouver du
désir et du plaisir.
Selon J. Lacan, le désir suppose la reconnaissance du
manque, ainsi que celle du désir de l'autre comme conditionnant celui de
sujet.
Dans les conduites addictives on fait « l'économie du
désir », ces conduites sont un moyen d'éliminer tout
désir et de ne pas se considérer comme sujet désirant.
L'adolescence est également considérée comme
le deuxième processus de séparationindividuation, elle fait suite
au premier processus qui occupe les premières années de la
vie.
« Il est frappant de constater que les conduites de
dépendance proprement dites se mettent en place pour l'essentiel
après la puberté et le plus souvent pendant l'adolescence
La dépendance a été mise en relation avec
la problématique de l'attachement, qui a opposé les deux
termes, la dépendance étant alors considérée comme
un échec des processus
d'attachement qui supposent une forme d'autonomie ».
13 Troubles des conduites alimentaires à l'adolescence.
Encycl. Méd. Chir.
14 Corcos M. et Jeammet P. « Conduites de dépendance
à l'adolescence »
Nous rajouterons que ... « de ce point de vue, la
dépendance pourrait être le produit nécessaire de
l'incapacité à élaborer l'angoisse de séparation
». 14
Ces conduites addictives se révèlent comme des
attaques contre le corps propre et peuvent être conçues comme une
façon de satisfaire un besoin de maîtrise sur ce corps en pleine
transformation.
D'où l'importance d'une possible connaissance de
l'existence de leurs corps autrement qu'à travers la souffance.
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