2) L'utilisation des couleurs
a) Un moyen pour l 'expression corporelle
Dans le cadre d'un atelier à dominante expression
corporelle, les couleurs peuvent être utilisées comme support aux
émotions.
Par exemple, dans une séquence de relaxation au sol,
certaines couleurs peuvent être évoquées pour aider le
patient à mentaliser un certain état. Penser au vert de la nature
par exemple, ou au bleu du ciel : la mentalisation de la couleur peut favoriser
un état pour la sensation qu'elle procure. Ce processus fait partie des
propriétés des couleurs, à savoir la faculté de
produire une impression, une « résonnance intérieure »
comme la nomme Kandinsky, lorqu'il dit, je cite: « Le rouge qu'on ne voit
pas matériellement, mais qu'on se représente dans l'abstrait,
éveille par ailleurs une certaine image intérieure précise
et imprécise d'une résonnance physique purement
intérieure. »29
Je n'ai pas utilisé cette technique avec Sabine,
préférant privilégier l'aspect de la perception
kinésthésique du sens musculaire dans la contraction -
relâchement.
Mais Sabine s'est servie des couleurs pour exprimer des
sensations perçues corporellement, notamment sur son dessin
clôturant les séances :
- elle me dit utiliser la couleur rouge pour montrer la confiance
qu'elle a losqu'elle me confie son poids dans les exercices de
relâchement,
- elle utilise la couleur bleue pour les déplacements dans
l'espace . . .etc.
27 Christine Loisel-Buet p.48 op.cité p.46
28 Delphine Garnier p.33 op. cité.p. 46 29 Kandinsky p.115
op. cité p.46
Au regard de ce qui a été dit
précedemment, la question se pose de savoir pourquoi Sabine a traduit
ses sensations physiques par des couleurs. Les sensations physiques à
leur tour auraient-elles des résonnances colorées ?
b) Un outil pour le peintre
Contrairement à l'expression corporelle où les
couleurs peuvent servir de supports à la sensation d'un état,
elles deviennent là, le principal outil, l'instrument. Le peintre
choisit ses couleurs en fonction du sentiment qu'il veut exprimer.
Nous ne sommes plus uniquement dans le monde de l'imaginaire, de
la mentalisation, nous sommes face aux couleurs qui prennent forme sur le
support, cela est concret.
En qualité de spectateur, la vision même de ces
couleurs pourra nous renvoyer à nouveau à nos impressions, dans
le domaine de nos émotions.
Est-ce que Sabine en regardant son dessin et les couleurs
qu'elles a employées en leur donnant un sens, peut se remémorer
une sensation perçue, par exemple lors d'un relâchement musculaire
?
3) L'utiisation du corps
a) Le corps dans l'espace est l'outil du danseur
La danse c'est le corps qui parle, c'est par le corps que
l'expression se fait et qu'elle se donne à voir et qu'elle peut susciter
des émotions pour le spectateur.
L'exploitation du corps en tant qu'outil et sa performance par
ce qu'il donne à voir lors d'une représentation ne sont pas
uniquement dues à la qualité technique, et l'émotion que
procure le corps en mouvement au spectateur est d'un autre registre.
« Le danseur qui ne brille que par la splendeur de la
technique et qui tournoie sur scène dans un vide mécanique,
n'appartient pas aux élus. Et ceux qui ne se réfèrent
qu'à eux-mêmes en un miroir narcissique et ne savent plus qu'ils
se meuvent sur la surface glacée de la solitude où plus rien ne
respire, ceux-là n'ont pas reçu l'étincelle divine. Ils
sont leur propre obstacle. »
(Mary Wigman danseuse)30
b) Le corps dans l'espace est un moyen pour le peintre
Le peintre a besoin du corps et de ses mouvements pour
peindre, ses outils sont adaptés à la peinture qui demeure son
domaine d'expression donnée à voir dans la réalisation
graphique et qui peut susciter des émotions pour celui qui regarde le
tableau.
Plus généralement le plasticien utilise des
outils adaptés aux matières qu'il travaille et aux lieux qu'il
investit. Il adapte son outil en fonction de la dureté ou de la
plasticité de la matière. Par exemple le bois est
travaillé avec des ciseaux à bois, un burin. Et pour peindre sur
une toile, sur un mur ou au sol, il adapte la qualité et la taille de
ses pinceaux.
Le plasticien compose avec la lumière, il doit capter
selon ses besoins la lumière qui occupe l'espace, « son regard et
tout le corps entrent en jeu, dans cet ajustement. Le peintre se place d'une
certaine façon afin de ne pas faire d'ombres sur sa toile.
»31
La place que l'artiste prend lui-même dans l'espace
(travail au sol, sur une table, sur un mur, au plafond) « entraîne
une adaptation corporelle et toute une gestuelle particulière ».
Ce travail peut nécessiter une grande souplesse ainsi
qu'une adaptation corporelle qui peuvent être vécues comme
contraignantes pour le plasticien.
« La position du corps est primordiale en peinture , la
gestuelle et donc le rendu en dépendront ».32 En effet, la
réalisation révelera un corps tendu ou à l'inverse
détendu, à l'aise.
Pour le plasticien, l'espace peut devenir source de rêverie
et constituer une partie intégrante de son oeuvre.
« L'espace représente donc une autre
réalité avec laquelle l'artiste peut jouer, une
réalité qui engage le corps et détermine fortement
certains aspects de son oeuvre. »31
30 C. Loisel-Buet p.66 op. cité p.46
31 Delphine Garnier op. cité. p.31
Le corps lui-même peut devenir outil, comme par exemple
à travers la gestualité et la relation à l'espace
qu'utilise J. Pollock, ou chez. Yves Klein qui utilise la « technique des
pinceaux vivants » ou « anthropométrie
»32, ce qui revient à laisser au corps humain
le soin de faire le tableau, mettant ainsi l'artiste en retrait (des
modèles dont les corps sont enduits de peinture viennent s'appliquer sur
le support pictural).
|