C/ La mise en relation de l'expression graphique et de
l'expression corporelle
1) Le mouvement et le geste
a) Le mouvement pour le danseur
Le mouvement est l'instrument du danseur, c'est la raison
d'être du danseur, tout en sachant que le mouvement naît de
l'immobilité.
« S'abstenir de vouloir faire, afin d'accéder
à un certain silence et de se laisser traverser par le mouvement. Se
risquer, laisser s'élargir l'horizon, permettre à une forme
d'advenir, de se développer dans l'espace, accueillir ce qui est, danser
les mots... »23
Le mouvement a ses qualités : lisse, saccadé,
léger, lourd, tout comme en peinture les couleurs ont des
propriétés, c'est à dire, comme nous l'explique Kandinsky,
qu'elles ont « la faculté de produire une impression de lisse, de
rugueux, de piquant, de glissant, etc, - moyen optique. »24
En expression corporelle, en danse, il est possible de
pouvoir ressentir le corps en mouvement quand la peur de rater disparait, quand
l'esprit ne contrôle pas tout, alors le mouvement juste
apparaît.
Et si l'intention est bonne, ce sera le bon geste.
b) Le mouvement pour le peintre
Pour le peintre, le mouvement corporel est un moyen pour
réaliser sa toile influant sur la production.
Le mouvement pictural lié à la forme qui compose
l'oeuvre, comme l'explique Kandinsky, c'est « la direction dans laquelle
est orienté par exemple un triangle, c'est à dire son mouvement,
(qui) joue également un rôle important »25 dans la
peinture.
23C. Loisel-Buet « La danse à
l'écoute d'une langue naufragée » p.66
24 Kandinsky « Du spirituel dans l'art, et dans la peinture
en particulier » p.110
c) Le geste pour le danseur :
Quand le mouvement contient une intention claire, il se
transforme en geste.
En expression corporelle, le mouvement utilisé dans le
cadre du mime, se fera geste.
En danse primitive, l'utilisation dansée de certains
rituels liés à la terre se traduit par des gestes
répétitifs.
d) Le geste pour le peintre :
Le geste implique une précision, nous pourrions dire
que le peintre utilise le mouvement de manière à le transformer
en un geste précis dont l'objectif est de réaliser une production
graphique.
Le geste est aussi utilisé comme technique à part
entière comme « la gestuelle de J. Pollock » nommé
« le dripping » qui consiste à disposer un support de couleur
blanche sur le sol et à projeter de la peinture, par
éclaboussures, en goutte à goutte ou en un mince filet qui prend
alors toutes les sinuosités des mouvements que lui donne le balancement
du bras. Cette peinture faite du déplacement du corps tout entier comme
prolongement de l'intention du peintre donne toute sa signification au
geste.
Le plasticien acquiert à la fois une maîtrise et une
liberté dans ses gestes,
« en fait, c'est la maîtrise qui permet de
dépasser la technique et de libérer le geste
»26, contrairement à la pratique de la danse
contemporaine, « car la danse ne peut que traverser un corps qui s'y est
préparé. Elle n'appartient pas au champ de la maîtrise,
elle circule au-delà de l'espace limité de la
corporéité, de l'individu. Elle est liée au souffle, aux
énergies multiples qui circulent de l'un à l'autre (...) ce
qu'elle dévoile c'est l'âme du mouvement, anima, ce
qui
l'anime. »27
La personnalité et l'état intérieur du
plasticien comme du danseur traduisent des diversités de gestes et
d'émotions produits à travers des traces spécifiques, des
traces sur le support pour le plasticien et des traces dans l'espace pour le
danseur.
25 Kandinsky op. cité. p. 117
26 Delphine Garnier D.U Tours Mai 2001 p.32
C'est le geste qui détermine la facture du peintre, «
marques si reconnaissables dans les tableaux de Van Gogh ou de Cézanne,
traces du pinceau singulières pour chaque peintre.
»28
Le corps est donc très impliqué dans la
création en art plastique, nous dirons qu'il agit comme un
médiateur, alors qu'en art corporel il est le processus même de la
création.
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