III-4 Les investisseurs sur le marché
obligataire international.
II est difficile de recueillir des informations
précises sur les investisseurs qui opèrent sur le marché
obligataire international, car l'information est rare et peu fiable. Deux types
d'investisseurs dont l'importance relative s'est beaucoup modifiée dans
le temps doivent être distingués : les individuels et les
institutionnels. En fait, seuls ces derniers sont véritablement
présents en tant que donneurs d'ordres sur les marchés
obligataires internationaux.
Au sein des investisseurs individuels, les grandes fortunes
privées ont progressivement supplanté les petits investisseurs.
Ces derniers n'ont pourtant pas disparu. Leurs achats sont motivés par
des raisons fiscales tenant à l'absence de retenue à la source,
par l'anonymat qui est de règle sur les marchés financiers
internationaux et par la volonté de protéger des fonds contre le
risque de change. La gestion de portefeuille de ces investisseurs est
caractérisée par une grande passivité : l'anonymat et
la tranquillité sont plus recherchés que la rentabilité,
ce qui explique la faible rotation des portefeuilles.
Les investisseurs européens de taille moyenne, ou
« dentistes belges », méritent d'être décrits,
même si leur importance diminue. Ce type d'investisseurs a
été à l'origine de l'expansion du marché
euro-obligataire entre les années 1960 à 1990. Ce personnage
mythique correspond au comportement d'épargne de la classe
européenne aisée qui souhaite détenir un Portefeuille de
valeurs mobilières étrangères.
La motivation du « dentiste belge » est largement
d'origine fiscale. Elle rejoint le désir de disposer d'un patrimoine
mobilier anonyme localisé à étranger. C'est ainsi
qu'historiquement, de nombreux épargnants belges ont ouvert des comptes
à Luxembourg en y déposant des fonds avec d'autant plus de
facilité que ces deux pays ne sont séparés par aucune
frontière douanière. Protégés par le secret
bancaire local, ces fonds ont été largement investis en
euro-obligations dans la mesure où ces titres ne sont soumis à
aucune retenue à la source. Ces investisseurs internationaux
perçoivent les revenus bruts de leurs portefeuilles sans avoir à
acquitter d'impôts dans le pays où leurs fonds sont
localisés. Le ressort fiscal et l'anonymat ont ainsi poussé de
nombreux investisseurs italiens, français britanniques à
expatrier leur patrimoine mobilier dans des pays où le secret bancaire
permettait une domiciliation anonyme de leurs portefeuilles. Cette expatriation
de fonds est le plus souvent illégale. La présence de
frontières douanières et de contrôle des changes n'a pas
empêché la Suisse, le Luxembourg, le Liechtenstein ou les
îles anglo-normandes de voir régulièrement affluer des
capitaux provenant des pays voisins (ou de pays plus lointains). Dans le
même moment, le système bancaire des pays destinataires
s'efforçait d'attirer les fonds étrangers en cultivant une image
de marque de sécurité et de discrétion. Les banques
suisses constituent un exemple extrême de ce type de comportement.
Le « dentiste belge » peut ainsi se caricaturer
comme un épargnant européen qui dispose à
l'étranger, dans un pays financièrement accueillant, d'un
portefeuille dont la taille est comprise entre 100 000 et 500 000 dollars.
Celui-ci est souvent investi en obligations exemptes de retenue à la
source. Ce patrimoine anonyme répond essentiellement à une
motivation fiscale. Cela signifie que l'investisseur particulier était
assez peu sensible à la performance de son portefeuille, et était
indifférent au montant des frais de gestion et des commissions
prélevés par les banques des pays d'accueil. Celles-ci en ont
parfois profité en instaurant des barèmes qui tiennent souvent du
cartel professionnel.
La gestion de portefeuille pratiquée est celle qui
correspond à la notion de « père de famille ». Cette
catégorie d'investisseur particulier se manifeste sur le marché
primaire lors de la souscription des titres. Les obligations acquises sont
souvent détenues de manière stable jusqu'à leur
échéance finale.
À mi-chemin entre les investisseurs individuels et les
investisseurs institutionnels, les sociétés privées
peuvent acheter des titres obligataires pour utiliser des fonds
momentanément sans emploi et protéger des ressources contre le
risque de change.
Au début des années 1980, les investisseurs
institutionnels sont devenus les plus importants acheteurs de titres
obligataires internationaux, car le marché secondaire qu'ils animaient
leur a permis de mettre en place une gestion dynamique de leurs portefeuilles.
Ces investisseurs ont différents visages. En font partie les grandes
banques internationales et plus précisément les banques
commerciales et les banques d'investissement qui interviennent pour leur propre
compte ou en tant que gestionnaires pour le compte de tiers. Les banques
centrales qui souhaitent placer dans les meilleures conditions de
sécurité et de rentabilité leurs réserves de change
constituent un deuxième type d'investisseurs institutionnels. Les fonds
d'investissement sont des opérateurs de premier ordre sur les
différents compartiments du marché obligataire international.
À l'origine créés par les grandes banques suisses, ces
premiers fonds ont été rejoints par les mutualfunds
américains, les Sicav et FCP français, les units trusts
britanniques et les fonds de même nature des autres pays
développés. Les fonds de pension et les caisses de retraite sont
probablement les opérateurs les plus actifs et les plus importants quant
au montant des investissements sur le marché primaire. Enfin, et il ne
faut pas négliger leur poids, les compagnies d'assurance-vie et de
réassurance placent une partie de leurs réserves techniques sur
le marché obligataire international.
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