b. Description des aspects cliniques
Tous les malades ont présenté une
diarrhée aigüe aqueuse faite de selles riziformes à
l'arrivée au CTC ; 70,20% des patients (n=318) ont
présenté des vomissements (Tableau 2).
Patient (n=453)
|
Vomissement
|
Fréquence
|
Pour Cent
|
Oui
|
318
|
70,20%
|
Non
|
135
|
29,80%
|
Tableau 2.Répartition des cas selon les
vomissements
Comme indiqué dans le Tableau 3,
à l'admission, 281 patients soit 62,03% se
sont présentés avec une déshydratation
modérée selon le plan de l'OMS, qui a nécessité une
réhydratation par voie parentérale.
Patient (n=453)
|
Déshydratation
|
Fréquence
|
Pour Cent
|
Légère
|
95
|
20,97%
|
Modérée
|
281
|
62,03%
|
Sévère
|
77
|
17,00%
|
Tableau 3.Répartition des cas selon le degré
de déshydratation
29
Dans notre étude, 42% des patients ont consulté
dans un délai de moins de 12 heures après le début de la
symptomatologie, 169 patients soit 37% ont attendu au moins 1 jour après
l'apparition des symptômes pour se rendre à l'hôpital tandis
que 1% n'a consulté qu'au bout de 144 heures (6 jours) (Figure
8).
Figure 8.Répartition des cas selon le délai
de consultation
Des 319 exéats, 48% des patients (n=152) n'a
passé qu'un seul jour dans le CTC. La durée moyenne
d'hospitalisation était de 1,8#177;1 jours avec des extrêmes
allant de 1 à 6 jours (Figure 9).
Figure 9.Répartition des cas selon la durée
d'hospitalisation
30
Dans notre étude, nous n'avons trouvé aucune
particularité quant à la durée d'hospitalisation entre les
deux sexes (n=319); la majorité des patients n'a passé qu'1 jour
dans le CTC (Figure 10).
Figure 10.Répartition des cas selon le sexe et la
durée de séjour
Notre étude a révélé que 62,80%
des patients provenant de Haut du Cap se sont
présentés au centre avec une déshydratation
modérée (n=110). 27 patients de cette section communale se sont
présentés avec une déshydratation sévère
(Figure 11).
Figure 11.Répartition des cas selon la provenance et
degré de déshydratation
31
La durée de séjour a été
calculée en fonction des exéats (n=319). 34,8% des patients
(n=111) qui se sont présentés au CTC avec une
déshydratation modérée, n'ont passé qu'un jour au
CTC et 18,5 %
(n=59) des cas de déshydratation sévère
ont passé 2 jours
(Figure 12).
Figure 12.Répartition des patients selon la
durée de séjour et du degré de déshydratation
à l'admission
Sur les 319 exéats, 69,6% des patients (n=222) ont
présenté une déshydratation modérée et 18,8%
des (n= 60) une déshydratation sévère. Les hommes
représentaient 52% des cas (n=115) de déshydratation
modérée et 51,7% des cas une déshydratation
sévère (Figure 12).
Figure 13.Répartition des cas selon le sexe et le
degré de déshydratation
32
c. Descriptions des aspects évolutifs
L'évolution clinique a été favorable pour
451 malades soit 99,56% des cas. 2 décès (4/9/2017 et 17/5/2018)
ont été enregistrés pour un taux de létalité
de 0,44%. Le taux d'attaque pour cette même période était
estimé à 1,65/1000 (Tableau 4).
Mode de Sortie
|
Patient (n=453)
|
Exéat
|
319(70%)
|
Observation
|
83(18%)
|
Abandon
|
49(11%)
|
sexe
|
F
|
27(55%)
|
âge groupe
|
25-34
|
13(27%)
|
provenance
|
Haut du Cap
|
13(27%)
|
vomissement
|
Oui
|
25(51%)
|
déshydratation
|
Modérée
|
25(51%)
|
Décès
|
2(0,4%)
|
Tableau 4.Répartition des cas selon
l'évolution
33
DISCUSSION
Aspects épidémiologiques
Les pics de fréquence les plus importants ont
été enregistrés au cours du mois d'avril
de ces deux années avec 18,4% de cas en 2017 et 18,11% de cas
en 2018. Cette période de l'année correspond à la fin de
la saison sèche qui coïncide avec ce grand rassemblement, le RARA.
Ces éléments créent une grande promiscuité, une
augmentation de la consommation d'eau de mauvaise qualité et d'aliments
préparés dans des conditions hygiéniques douteuses qui
seraient propices à la propagation de la maladie. Contrairement aux
études réalisées au Burkina Faso par C. Kyelem et al.
(2005) et Dao S et al. au Mali (1995-2004), où la
résurgence a été constatée pendant la
période pluvieuse.
Concernant le genre, les femmes
étaient majoritairement atteintes (52%) contrairement aux
hommes (48%). K. Tripurari et al. (2012) à Batala Town, Punjab
Inde avaient trouvé des résultats similaires soit 58% de femmes
atteintes. Les facteurs sociaux expliquent cette incidence. Cette
prédominance féminine apparait liée au fait que les femmes
étaient plus actives dans les soins des patients, et plus nombreuses
dans les zones à risque (marché, sources, puits). Elles sont
aussi moins scolarisées, formant un groupe hautement susceptible au
risque sanitaire.
Tout âge confondu, les jeunes âgés
de 15 à 34 ans faisaient partie du groupe d'âge le plus
touché avec 44,59% des cas. Nos données se rapprochent de celles
retrouvées dans les études de J. Ndié et al.
(2011) au District de Santé de Tcholliré, Région du
Nord-Cameroun avec 42,2%. La promiscuité observée chez ce groupe
d'âge, les activités socio-économiques auxquelles il
s'adonne (vente de Pap-Padap, Ti Sourit, Taxi-moto, Bric à Brac,
commerce à petit revenu) et l'environnement hostile dans lequel il
évolue constituent, entre autres, des éléments
déterminants à la propagation du choléra dans ce
groupe.
Quant à la zone de provenance des cas, la section
communale de Haut du Cap (périurbain) avait
rapporté le plus grand nombre de cas soit 35,98% (n= 163). Avec une
population de 150,176 habitants, dans cette zone réside 54,73% de la
population de la commune du Cap-Haitien. Les quartiers les plus touchés
étaient Sainte Philomène, Vertières, Cité du
Peuple, Champin, Charrier, Camford, Barrière Bouteille, Blue Hills avec
respectivement 16,56%, 11,66%, 9,82%, 9,20%, 9,20%, 8,59%, 7,36% et 6,75% des
cas. L'exode exponentiel que connaissent les zones rurales vers les zones
périurbaines, le pullulement des bidonvilles et la ruralisation des
moeurs expliquent cette forte concentration de cas dans cette zone. Bien
plus,
34
cette section communale est caractérisée par son
assainissement pauvre, une démographie explosive
incontrôlée et un accès limité à l'eau
potable. Il est à noter que seulement 10 à 25% des ménages
ont accès au réseau d'eau potable et la commune de Haut du Cap se
situe à 7,1 kilomètres du centre.
Aspects cliniques et évolutifs
En 2017 et 2018 au Cap-Haitien, 75% des patients ont
consulté tôt (délai de 6 à 24 heures) ; les
études de Burkina Faso par C. Kyelem et al. (2005) ont
révélé que 90% des patients ont consulté pendant ce
même délai. Imbue des complications du choléra après
une évolution de huit années sur le territoire, la population du
Grand Nord a assumé un comportement responsable vis-à-vis de la
maladie.
Comme constamment décrite par différentes
études, la symptomatologie du choléra rapportée dans notre
recherche était classique avec une diarrhée aiguë aqueuse
dans la totalité des cas. Dans 70,20% des cas (n=318), les
vomissements y étaient associés. Nos trouvailles sont
inférieures à celles des études réalisées
par C. Kyelem et al. à Burkina Faso en 2005, par A. Gbary
et al. dans le département du Littoral au Bénin en 2008 et
par S. Dunkle et al. à GHESKIO en Haïti en 2010, qui ont
respectivement rapporté 86%, 88%, 81% de malades avec vomissements. A
l'admission, 62,03% des malades présentaient une
déshydratation modérée (n=281), une proportion
similaire à celle observée lors des études
réalisées par S. Dao et al. en 2008 à Cotonou,
Benin qui a rapporté 60,64% de cas. Cette importante proportion des cas
de déshydratation modérée peut s'expliquer par le
très faible moyen économique dont dispose cette frange de la
population pour assurer son pain quotidien. Généralement de
famille extra-large (5+), le patient se présente au CTC avec un
système immunitaire déjà affaissé et affaibli par
cette carence nutritive (avitaminose, amaigrissement, malnutrition). Par
ailleurs, une mauvaise compréhension et une déformation
conceptuelle de la maladie débouchant sur la stigmatisation des
personnes atteintes et établissant un climat de peur, poussent ces
patients à accourir au CTC (enterrement non bienvenu).
La durée moyenne de séjour de notre étude
était de 1 jour, nettement inférieure au
standard proposé par l'OMS qui est de 2 à 3 jours. Cette
durée est moindre comparée à celle observée dans
les études réalisées par M. Makoutodé et al.
à Cotonou au Bénin et par E. Guévart et al.
à Douala, Cameroun qui ont respectivement rapportés des
durées moyennes de 2,43 jours #177; 1,16 et de 2,3 #177; 1 jours. Cet
écourtement des jours d'hospitalisation constaté pendant les
années 2017 et 2018 au Cap-Haitien est dû d'une part à
l'immunité acquise par la population au cours des huit dernières
années qui leur a permis de transcender l'épidémie, et
d'autre part
35
à l'absence de complications de cette maladie
infectieuse. Il est à noter que 10,82% (n=49) de ceux qui
s'étaient présenté dans le CTC ont abandonné le
traitement et sont partis sans préavis. Cependant, la durée de
séjour est prolongée chez les femmes compte tenu de leur
réalité socio-économique entrainant une surcharge
psycho-émotionnelle physique.
L'évolution clinique a été favorable chez
presque tous les patients retenus pour l'étude pendant ces deux
dernières années. 99,7% de ces sujets (n=451), ont abouti
à la guérison et la létalité était à
0,44%, inférieure à celle retrouvée dans
l'étude de S. Dao et al. au Mali (létalité 7,7%).
Cette faible létalité est un indicateur de la bonne prise en
charge de la maladie, des campagnes de sensibilisation effectives, des
changements dans les attitudes, et la pullulation des compagnies d'eau
traitée qui a augmenté la disponibilité en eau «
potable ».
36
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